L'interrogatoire d'Alex
Assis sur la chaise métallique, en face du policier, je le scrute du regard, sans sciller. Ce dernier est en train de taper quelque chose sur son ordinateur. Après quelques minutes, il se tourne enfin vers moi et m'adresse la parole :
- Bon, on peut commencer. Je vais te poser quelques questions et tout ce que tu auras à faire, c'est d'y répondre clairement et en toute franchise, d'accord ?
Je ne dis rien. Il ne s'en soucie pas et continue :
- Commence par décliner ton identité.
- Alex Rider.
- Que faisais-tu sur le lieu de l'intervention ?
- J'étais juste posé avec mon amie, c'est tout.
- Ce n'est pas un lieu très adapté à une conversation entre amis . . .
- Peut-être, mais il nous convient très bien. On avait besoin d'un lieu calme où passer du temps ensemble et celui-là était parfait à nos yeux. Vous n'allez quand même pas juger nos goûts, monsieur l'agent, pas vrai ?
- Non, mais je vous demanderai de ne plus vous rendre sur ce lieu pour votre sécurité. Vous devrez donc vous trouver un autre endroit tranquille où causer, mais nous n'en sommes pas encore là. Dis-moi, étiez-vous au courant de la présence de cette bande dans ce bâtiment ?
- Oui, je le savais depuis le premier jour où j'y ai mis les pieds, mais je m'en fichais pas mal. Je ne me mêle jamais de la vie des autres, de toute façon. Tant qu'ils faisaient pas trop de bruit, le reste importait peu.
- Et tu étais au courant du genre d'activités qu'ils pratiquaient ?
- Oui, depuis le début aussi, mais comme je vous l'ai déjà dit, je me fiche pas mal de la vie des autres. Je ne m'y mêle d'aucune façon. S'ils veulent trafiquer de la drogue, c'est leur problème, moi ça ne me concerne pas.
- Je vois, fait-il en tapant sur le clavier de son ordinateur. Vous avez été trouvés à l'extérieur du bâtiment, je présume que vous étiez à l'intérieur avant qu'on arrive . . .
- Oui.
- Une tentative de fuite ?
- On savait que si vous nous attrapiez, on serait suspectés de faire partie de la bande ou d'être complices alors on s'est dit qu'il valait mieux se tirer pour ne pas avoir de problèmes inutiles, mais finalement, on s'est rendus compte que si vous nous voyez fuir, vous nous suspecterez davantage alors on a décidé de se rendre sans résistance pour n'avoir aucun problème avec la justice.
- Sage décision, commente-t-il tout simplement.
Il appuie encore sur quelques touches, puis déclare :
- Bien, on va juste te fouiller pour vérifier que tout est en règle et si on ne trouve rien, on te relâchera.
Je fronce les sourcils, mais décide de me laisser faire pour en finir au plus vite. De toute façon, je n'ai plus ce sachet sur moi alors . . .
Le policier se lève et commence à me tâtonner, mais au moment où ses mains passent sur mes bras, il appuie un peu trop fort sur ma blessure. Je me crispe sous la douleur et esquisse une grimace. Ma réaction n'échappe pas à l'homme qui me demande :
- Ça va ?
- Oui, oui, lui répondé-je précipitamment.
- Laisse-moi voir ce qui te fait mal . . .
- Non, non, ce n'est pas la peine . . .
Trop tard, il soulève ma manche sans attendre mon autorisation, révélant le bandage tâché de sang séché qui entoure ma peau rouge et enflée. Il me regarde droit dans les yeux pour me demander :
- Qu'est-ce qui t'es arrivé ?
- Ce n'est rien, je vous dis . . .
- Arrête, gamin ! Je suis dans le métier depuis trop longtemps pour que tu puisses me berner. Cette blessure a été causée par une arme à feu ! Qui t'a fait ça ?
Sans réfléchir, je réponds :
- Je me la suis fait tout seul, par accident. J'ai piqué le revolver de mon père sans son autorisation pour l'essayer. Je voulais m'entrainer à tirer donc je me suis rendu dans l'ancienne zone industrielle pour le faire, comme je sais qu'elle n'est fréquentée que par cette bande que vous venez d'arrêter, mais à un moment, j'ai entendu quelqu'un approcher. C'était si soudain et j'étais tellement concentré dans ce que je faisais que j'ai été surpris et j'ai sursauté. Sous le coup de la panique, j'ai appuyé par mégarde sur la détente et la balle s'est logée dans mon bras.
- Ton père est au courant ?
- Non, je ne voulais pas être puni pour avoir utilsé son arme sans autorisation alors je ne lui ai rien dit. Je me suis soigné tout seul avec la boite de premier secours qu'on a à la maison et je n'en ai parlé à personne.
- Tu es vraiment un gamin inconscient, tu sais ? C'est grave, une blessure par balle, tu aurais au moins pu te rendre à l'hôpital.
- Je ne voulais pas qu'on soit au courant et je me suis dit que les soins que je me suis procurés suffiront.
- Tu n'as pas remarqué que ça avait enflé ? Je crois que tu as une légère infection. Je vais t'emmener voir un médecin.
- Ce n'est pas la peine, je vous dis . . .
- N'insiste pas, mon garçon ! Ton inconscience t'a attiré assez d'ennuis comme ça. Bon, je vais te conduire à l'hôpital et appeler ton père pour qu'il aille t'y chercher.
- Je peux rentrer seul . . .
- Non, il faut mettre ton père au courant de ce qui s'est passé pour qu'il fasse plus attention à toi.
- Vous ne pouvez pas mettre mon père au courant d'une blessure si je n'en ai pas envie. Secret médical, vous connaissez ?
Le policier éclate de rire :
- Ha ha ha ! Tu es un sacré gamin, toi ! Bon, vu que les causes de ta blessure ne sont pas trop graves, je veux bien garder le silence, mais tu dois me promettre de ne plus recommencer. La prochaine fois que tu veux t'entrainer au tir, fais-le avec ton père ou un professionnel. C'est plus sûr. Et gare à toi, si je t'y reprends, je contacte aussitôt ton père.
Je hoche la tête. Il ajoute :
- Je t'emmène quand même à l'hôpital, mais tu es sûr que tu ne veux pas que tes parents viennent t'y chercher ?
- Non, je peux rentrer seul à la maison.
- D'accord. Bon, viens.
Je le suis en dehors de la pièce. Il me guide à nouveau à travers les couloirs jusqu'à la sortie. Là, il me fait monter dans un véhicule et me conduit jusqu'à l'hôpital. Durant le trajet, je remercie intérieurement mon père. À force de lui raconter des bobards dès mon plus jeune âge pour cacher mes bêtises et éviter les coups, j'ai appris à mentir comme un pro sans aucune réticence, ce qui m'est bien utile dans diverses situations . . . Finalement, c'est grâce à celui à cause de qui je me suis retrouvé dans cette situation que je m'en suis sorti. Quelle ironie du sort !
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