Chapitre 15 - 1

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  Karel ouvrit les yeux. Surpris de ne pas reconnaître les lieux, il se redressa brusquement, le cœur battant. Son appréhension se calma lorsqu’il vit Lya assise juste sur le rebord du lit. Elle le fixait d’un air contrarié, mais au moins semblait-elle aller bien. Une bonne nouvelle.

  En revanche, il n’avait aucune idée de ce qui avait bien pu se passer juste après l’attaque.

— C’est bon, tu as récupéré tes esprits ? questionna Lya, glaciale.

  Karel se contenta de soutenir son regard. Il la connaissait par cœur. Elle était en colère mais se contenait encore. Du moins, elle essayait. Il devinait déjà ce qu’elle allait lui reprocher. Il ne fut donc pas étonné de la voir se positionner face à lui, plantant son regard châtain dans le sien.

— Tu peux m’expliquer ce qui t’as pris de te jeter au beau milieu de ces tarés alors que tu savais parfaitement que nous ne nous en sortirions pas ? Et qu’en plus, tu ne pouvais absolument rien y faire, à part retarder ce qui aurait pu nous arriver pendant une seule seconde ? Est-ce que ça valait le coup de risquer ta vie juste pour UNE seule fichue seconde ?!

« Je te l’accorde, ce n’était pas très intelligent de ma part. »

  Rester sans rien faire lui avait été impossible. Voir Aquilée se faire torturer et Lya en danger de mort lui était inacceptable. Alors Karel avait tenté le tout pour le tout, même s’il avait à peine eu une chance de s’en sortir face à des Mages confirmés, assoiffés de pouvoir et friands de brutalité.

— Tu m’as fait la peur de ma vie ! explosa Lya. J’ai cru que j’allais te perdre, Karel ! Et cette fois définitivement ! Autant, ta fugue de Var, je savais que je pourrai te revoir pour te mettre du plomb dans la tête, mais face à la Mort, je n’y peux rien, Karel, rien ! Comment as-tu pu me faire ça ?! Même si je dois affronter tous ces maudits Clans ensemble, des Dragons qui ont perdu la tête, pour sauver ma famille, JE LE FERAIS !

  Elle l’aurait giflé, il aurait eu la même sensation. Il aurait presque préféré. Karel détestait la voir ainsi. Il prit encore conscience du mal qu’il lui faisait bien malgré-lui.

« Qu’est-ce qui cloche, chez moi ? En voulant bien faire, je répands la souffrance… »

  Karel lutta pour ne pas baisser le regard. Il ne voulait pas en ajouter en lui manquant de respect. Les yeux de Lya se voilèrent.

— N’oublie pas que j’ai grandi sans toi, Karel, gronda-t-elle. Pendant des années. Je sais me débrouiller seule ! Cette crainte que ta disparition a instaurée, je l’ai affrontée sans toi.

  Karel ne répondit rien et encaissa les reproches. Cette fois, il était allé trop loin et culpabilisait de l’avoir blessée. Il esquissa un geste, mais Lya détourna le regard en lui arrêtant le poing.

— Non, Karel, cette fois, tu ne m’auras pas. C’est trop facile, à force. Je ne me sens pas encore prête à accepter tes excuses, cette fois. Laisse-moi un peu de temps, s’il te plaît.

  Sur ces mots, elle se releva, la mine sombre. Elle sortit de la petite demeure sans ajouter un mot de plus.

  Karel lâcha un soupir bruyant. Pas question de laisser couler. Lui aussi avait son mot à dire dans l’histoire. Ne pouvant rien faire de plus à ce sujet pour l’instant, il en profita pour inspecter les alentours. Du matériel de soin avait été disposé juste à côté de lui, la pièce était d’une taille plutôt modeste, et agencée de façon très simple et sans superflu. Il se releva et constata que ses maux de tête avaient disparu.

  Il devait vraiment apprendre à protéger son esprit. Le Mage ne le lui avait jamais appris. En maintenant Karel dans l’ignorance d’une langue parlée, cela aurait été très risqué. Le Sorcier secoua la tête.

« Pourquoi je pense encore à ce manipulateur ? »

  Il se demandait encore ce qu’il serait devenu, s’il était resté sous son influence aux Monts de la Mort.

« Que serait devenue Lya, si je n’étais pas revenu ? »

  Enfin, il retrouva posé contre un mur le fourreau qui contenait son artéfact. Karel se leva, rattacha ses cheveux, balança son artéfact dans son dos, et sortit enfin. Il se demandait comment se portaient Aquilée et Whélos.

  Karel inspecta rapidement les lieux. Un village intégré dans la forêt, avec des maisons faites en bois, en pierre et autres matériaux naturels qui ne juraient pas avec l’environnement. Quelques passerelles en bois flottaient çà et là, reliant chaque abri suspendu tel un réseau routier. Quelques maisons, comme celle de laquelle il en était sorti, étaient à même le sol. Aussi bien en hauteur que sur la terre ferme, le village ne semblait pas manquer d’activité ni d’animation. Les habitants avaient tous les mêmes caractéristiques : des yeux rouges, des cheveux noirs et une peau mate. Certains avaient des attributs non-humaines comme des griffes ou des yeux sans pupille. Aucun doute possible, il se trouvait dans une Tribu.

  Karel décida de fouiller un peu le village en quête de ses compagnons et de sa sœur. Très peu de personnes firent attention à lui, ce qui l’arrangeait. À première vue, cela semblait être un village tout à fait banal : des gens, des familles affairées, des enfants qui s’amusaient, la plupart courant dans tous les sens bruyamment.

  Karel ne put s’empêcher de songer qu’il était passé à côté de beaucoup de choses essentielles aux Monts de la Mort. Seul enfant parmi un groupe d’adultes, à son retour à Var, Karel n’avait jamais trouvé naturel de partager des jeux avec les autres et ignorait tout sur la manière de se faire des amis. Il doutait que se rapprocher sous la menace d’une cheffe de Clan soit la meilleure solution pour y parvenir.

  Karel fit un pas de côté en voyant une petite bande se courser en plein sur son chemin, avant de s’éloigner dans des éclats de rire.

« Ils rient… à gorges déployées. Quelle chance. »

  Karel se rendit à peine compte du léger sourire qui se dessina sur ses lèvres en observant ces enfants s’éloigner dans leur petit monde imaginaire.

  Le pouvoir de rire, cette faculté qui donnait envie de sourire et de s’amuser des choses futiles. Ce simple son qui communiquait la bonne humeur à autrui et à soi-même. Karel s’était toujours demandé ce que ça pouvait bien procurer, comme sentiment. Un jour, alors qu’elle était prise dans un fou rire incontrôlé, Lya lui avait signifié qu’elle avait eu du mal à respirer et mal aux côtes. Karel avait toujours trouvé cette révélation très étrange : comment pouvait-on se retrouver dans un tel état de joie alors que l’on souffrait ?

— Ah ! Enfin remis de l’attaque ? le surprit une voix féminine.

Suite ===>

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