Chapitre 15 - 2

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  Karel se retourna vivement et fit face à une femme à l’expression assurée. De taille moyenne et élancée, ses différentes courbes soulignaient une habituée des combats. Ses longs cheveux noirs comme la nuit cascadaient dans son dos et le rouge de ses yeux était intense. Elle portait une tenue mauve conçue pour faciliter les mouvements. Elle ne portait aucun bijou ou quelconque fantaisie féminine.

  Dans son dos dépassait un arc stylisé de bonne facture et un carquois de flèches pendait sur ses hanches. Mais Karel n’était pas dupe : il s’agissait bel et bien d’un artéfact. Elle pouvait attaquer à de plus longue distance qu’un Sorcier normal ne pouvait le faire. Mieux valait ne pas s’en faire une ennemie.

  Pour ne pas paraître impoli ou scrutateur, Karel se contenta d’un salut poli d’un léger mouvement de tête. Il avait envie de poser des questions, mais à quoi bon ? Autant faire comme il faisait d’habitude : chercher par lui-même.

  Juste après l’avoir saluée, il esquissa un pas vers l’arrière, mais à son grand désarroi, la jeune femme se plaça juste à côté de lui.

— Eh ! Va doucement, d’accord ? Le Clan de l’Esprit n’y va jamais de main morte. Tu as eu de la chance de t’en sortir. Je me demande bien pourquoi ils se sont retenus, d’ailleurs. Ce n’est pas dans leurs habitudes de jouer avec leurs victimes.

« La présence du Dragon, peut-être ? » hasarda Karel.

  Les gens avaient souvent tendance à penser que les conversations allaient dans un sens unique avec lui, et à vrai dire, ils avaient malheureusement raison. Mais se rendaient-ils seulement compte que c’était aussi l’impression de Karel ? À la différence près que ses pensées ne pouvaient s’exprimer. Lui, au moins, pouvait entendre celle des autres. Finalement, il ne put s’empêcher de se demander si le sens unique n’était pas dans le sens des autres et lui que l’inverse, contrairement à ce que chacun pensait. Lui pouvait écouter. L’inverse…

  La jeune femme lâcha un soupir.

— Bon…

  Karel leva les yeux au ciel. La réaction tant attendue.

« Exaspération, mauvais jugements, vas-y, éclate-toi. J’ai l’habitude, maintenant. Appelle-moi par tous les sobriquets que tu souhaites. »

  Il allongea le pas et scruta les alentours à la recherche de ses compagnons. La jeune femme se planta devant lui, et le toisa avec sévérité.

— Bon, écoute, je ne souhaite pas en arriver là, mais ton silence est suspect. Je trouve ça étrange que le Clan de l’Esprit ait pris le risque de nous approcher justement parce que vous étiez dans les parages, surtout qu’ils ne vous ont pas plus fait que vous torturer. Pas que je souhaite avoir des morts parmi les miens, mais d’habitude, ça ne se passe pas ainsi. J’en suis sûre, ce n’est pas que la présence de Illuyankas qui est en jeu dans l’affaire. Vous nous cachez quelque chose, et je veux savoir ce que c’est ! La présence de la Fille de l’Air ne peut être un hasard non-plus.

  Karel soutint son regard. Oui, en apparence, son comportement pouvait paraître suspect. Mais il ne pouvait faire autrement. On pouvait bien lui faire les pires monstruosités, même s’il le souhaitait, il ne pourrait rien révéler.

— J’aimerais ne pas avoir à en arriver à des extrêmes. Si vous pouviez coopérer, nous dire ce qui se passe sans que nous soyons obligés de fouiller vos pensées, ça serait mieux. Surtout pour toi et la Fille de l’Air, avec les attaques internes que vous avez subies. Nous pouvons peut-être vous aider.

« Et toi, si seulement tu pouvais comprendre à quel point tu te méprends sur notre compte, que je ne peux t’arrêter dans ton délire, et que je n’ai aucun moyen de te le dire. »

  Karel s’écarta de son chemin. Lorsqu’il la vit plisser les yeux pour agir négativement, il l’interrompit d’un geste de la main pour l’inviter à le suivre. Il espérait qu’elle finirait par comprendre qu’il cherchait ses compagnons de route qui pourraient tout expliquer. Elle resta perplexe. Karel s’immobilisa et retint un soupir, exaspéré.

  Il fit demi-tour, se plaça à sa hauteur, planta son regard dans le sien et lui tendit une main paume en l’air en affichant une expression sérieuse. Comme il s’y attendait, elle le fixa avec suspicion, mais Karel passa outre en lui prenant la main. Il fit glisser son index libre dessus. Il traça une première forme sur la paume de son interlocutrice qui manqua de se retirer, mais se ravisa lorsque les doigts de Karel se resserrèrent. Il traça une autre forme. Une troisième encore. La jeune femme commença à comprendre. Karel termina par deux autres formes avant de la relâcher et la regarda d’un air interrogateur, de la personne qui attendait une réponse.

— On ne peut le nier, tu as une drôle de façon de t’exprimer, releva-t-elle. C’est vraiment étrange. Tu te compliques vraiment la vie pour rien, mon pauvre. Enfin. Tu as raison. Je vais te conduire à tes amis. Ils seront sûrement plus volubiles que toi.

  Karel se serait bien passé de ces remarques à son sujet, mais au moins avait-elle enfin compris son intention première.

— Je vais t’y emmener. Suis-moi.

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