Chapitre 16 - 1[F]

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  100 ans plus tôt.




  Syriana resta interdite et en perdit son assurance habituelle. Des cadavres jonchaient le sol autour d’elle au fond d’une ruelle de la capitale de Kyrma. Ses yeux fixaient avec un dégoût certain les rigoles de sang serpenter vers ses pieds.

  Contre son dos, une présence la dépassait d’environ une tête, entièrement recouverte d’une cape de voyage sombre qui avait connu des jours meilleurs. Une part d’elle redoutait cet homme, mais il restait sa meilleure protection tant qu’elle n’entravait pas ses mouvements et restait sous son couvert. Syriana se colla à lui, tremblante, et sentit le bandage rugueux qui recouvrait la main de son compagnon d’infortune contre sa peau.

  Son étrange colocataire s’était remis partiellement de ses blessures après quelques jours de convalescence. Mais Syriana s’affaiblissait un peu plus chaque jour en raison du manque de nourriture. La faim la torturait et elle luttait sans cesse contre des vertiges de plus en plus lourds à chaque seconde.

  Ainsi étaient-ils partis dans la ville la plus proche des Monts de la Mort : la capitale, après avoir infiltré un souterrain sous le désert de manière clandestine pour y accéder. Le problème était que ces chemins pullulaient de personnes armées de mauvaises intentions. Ainsi, une embuscade leur avait barré la route.

  Syriana gémit lorsque le sortilège jeté sur elle s’activa encore. Elle perdit la vue et l’ouïe. Son corps échappa à son contrôle. Telle un pantin, elle se sentit se mouvoir dans des gestes d’esquive qu’elle n’avait jamais eu l’habitude de pratiquer, sans voir ce qu’elle faisait. Elle était seulement consciente que le Mage la faisait danser au milieu des cadavres et de leurs assaillants qu’il abattait un à un sans lui en imposer la vue et les sons. Son cerveau était engourdi, à la fois par son état et par le sortilège. Syriana n’appréciait que très peu l’expérience. En même temps, elle n’avait pas la force d’ouvrir les yeux sur toutes ces atrocités et le remerciait en son for intérieur de l’épargner de ces visions d’horreur.

  Enfin, son corps cessa de bouger avec brutalité et saccades. Sa vue et son ouïe revinrent. Ses vertiges la saisirent avec violence. Le monde tourna dangereusement autour d’elle. La dernière image que virent ses yeux fiévreux fut une grande silhouette sombre, recouverte d’un demi-masque sur la partie supérieure de son visage dissimulé sous la large capuche de sa cape usée, les cheveux teints en noir pour moins attirer l’attention. Il ressemblait presque à cette imposante image de la Mort. Le malaise l’emporta et elle s’écroula sur le sol, inerte.




***




  Lorsqu’elle reprit connaissance, elle manqua de s’affoler. Elle se trouvait dans une petite chambre confortable. Était-elle à nouveau prisonnière ? Elle nota que sa gorge n’était plus asséchée par le manque d’eau. Syriana sursauta quand elle ressentit une présence sinistre non-loin d’elle.

— Bien. Nous allons mettre deux ou trois points au clair, annonça une voix glaciale.

  Elle fronça ses fins sourcils et tourna la tête vers Serymar. Il n’avait rien retiré de son apparat.

— Je te rappelle que je souhaiterai me faire oublier, et me voir arriver avec une femme à l’agonie dans les bras n’est absolument pas ce que j’appelle « se faire discret », lui reprocha-t-il en premier lieu.

  Syriana ne répondit rien. Pour le moment. Ses poings se crispèrent sur les draps blancs.

— J’apprécierai aussi d’éviter de faire connaître jusqu’au son de ma voix en dehors de mes murs.

— Votre apparence actuelle doit quand même faire effet, riposta-t-elle d’un ton cinglant.

— Toujours bien moins que ma véritable apparence.

— Transformez-vous, dans ce cas, avec tous vos pouvoirs, ça ne devrait pas être quelque chose de bien difficile !

— Si j’avais ce pouvoir, je ne serais pas obligé d’user d’artifices pour mieux dissimuler mon apparence. Cette réflexion est d’une stupidité sans borne.

— Comme si je pouvais le deviner ! Avec ce dont j’ai été témoin de vos capacités surnaturelles, avouez que je pouvais m’y attendre !

  Un silence tendu s’abattit entre eux. Aucun des deux ne se serait étonné si un orage s’était manifesté dans la chambre.

— Pourquoi ne m’avez-vous pas laissée pourrir avec ces cadavres ? interrogea Syriana. Au moins, vous n’auriez pas fait de vagues.

  Aucune réponse.

— Vous vous méfiez encore de moi, observa-t-elle.

— Je pense avoir d’excellentes raisons de le faire. Qui es-tu vraiment, Syriana ?

— Lisez dans ma tête si vous le pouvez ! le défia la jeune femme.

— Encore une réflexion stupide. Si la situation me le permettait, j’aurais déjà réduit ta cervelle en miettes depuis longtemps.

— Donc, vous pouvez le faire. Pourquoi ne pas m’achever avec ce procédé, alors ?

  Le bas du visage du Mage se tordit dans une expression agacée.

— Les gens sont-ils tous aussi peu réfléchis pour être incapables d’y penser ? cracha-t-il. Un tel procédé ne manquerait pas de sortir de l’ordinaire et de propager des rumeurs qui finiraient par remonter jusqu’à moi. C’est pourtant… simple à comprendre. Je ne devrai même pas à avoir à l’expliquer.

  Syriana admit cette logique en son for intérieur, après coup. Mais de là à trouver cette réflexion évidente au premier abord ?

— Qui es-tu réellement ? redemanda Serymar.

— Personne de bien particulier.

  Le Mage bondit sur elle. Syriana se retrouva plaquée contre son matelas, la dague pressée contre sa gorge. Les mains bloquées au-dessus de sa tête, il immobilisait son corps avec le sien au-dessus d’elle.

Suite ===>

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