Chapitre 17[W]
Wil approchait de ce que tous les marins de Weylor prénommaient tristement « le passage de la Mort ». Long de plusieurs kilomètres à la ronde, cette voie comportait deux îles particulièrement dangereuses. Le Clan du Feu avait élu résidence sur la première et le Clan de l’Eau sur la seconde. Inutile de penser à longer la côte de Weylor pour s’en éloigner : sur ce passage se trouvait la vieille forêt des elfes noirs, aux pratiques aussi douteuses que les Clans. Le port le plus proche, Pershkin, se situait sur ce chemin maritime et Wil n’avait pas de temps à perdre : les jours de sa mère étaient comptés.
Le jeune homme soupira à l’idée de s’approcher de l’île d’Hydroshca à l’opposé de la ville portuaire, sur laquelle avait été construite la Tour de l’Eau. La malédiction rendait la mer dangereuse, voire mortelle. Seul un vaisseau de sa Tribu avait des chances de s’en sortir. Même si Pershkin avait drastiquement diminué ses activités maritimes, il s’agissait de la ville la plus proche pour trouver un éventuel médecin et des médicaments.
Ses yeux bleus lui piquèrent.
« Je te sauverai. J’en ai assez de cette hécatombe. Je ne veux plus perdre qui que ce soit… »
Wil se rebiffa. Hors de question de se démotiver. Si affronter ces dangers lui permettait de sauver sa mère, il n’hésiterait pas.
Le marin abaissa sa longue-vue et coinça la barre à roue afin de maintenir sa trajectoire. Barrer un navire aussi grand pouvait paraître impossible, mais ceux de sa Tribu étaient particuliers. Ingénieux mélange de magie et de technologie Avancée dont seul son peuple avait le secret, une seule personne suffisait pour les diriger.
« L’île des Volcans. »
Wil éloigna le plus possible le navire sans dévier de sa direction principale et descendit du gaillard d’arrière. Il se précipita à l’intérieur d’une trappe déjà ouverte menant à un étage aménagé à la fois pour y vivre plusieurs jours et pour tout ce qui permettait de faire fonctionner le bâtiment.
Le Sorcier s’y dirigea prestement, vérifia certains compteurs d’un œil rapide mais expert avant de se diriger devant un tableau comportant plusieurs leviers muraux. Wil en abaissa un et un jet de vapeur s’échappa de l’un des tuyaux. Il remonta vite rejoindre la barre, jetant un rapide coup d’œil vers le mât du bateau. Le soulagement l’envahit : la magie modifiée opérait. Son sort d’invisibilité s’exécuta et enveloppa le navire.
Wil ralentit l’allure pour faire le moins de mouvement possible sur l’eau. Même invisible, la vigilance restait de mise. Si un membre du Clan de l’Eau était présent sous la surface, il serait capable de percevoir la moindre vibration.
Soudain, le navire s’ébranla et le moteur à vapeur protesta. Wil le coupa aussitôt pour éviter la surchauffe. Il fronça les sourcils. Il ne doutait pas des compétences d’Athéna, elle était la meilleure mécanicienne de son île. Si le bateau avait eu un problème, elle l’aurait décelé et aussitôt réparé.
Méfiant, Wil prit son artéfact en main, une boussole ouvragée en rose des vents. Il rejoignit à nouveau la cale et jeta un œil à la machinerie. Au milieu, deux piliers de métaux étaient présents, avec entre eux une sphère sombre flottante. Le cœur du navire.
Le marin lâcha un soupir, soulagé. La sphère emplie de magie n’avait aucune fissure et ne semblait pas avoir surchauffé. Pourtant, le problème ne pouvait venir que de là. Wil sentit un frisson glacé longer sa colonne vertébrale. La seule explication logique était que quelqu’un avait essayé de déloger l’orbe en plein fonctionnement. Le vaisseau avait donc été abordé à son insu.
— Qui est là ? Qui êtes-vous ?! menaça Wil en brandissant son artéfact.
À peine se retourna-t-il qu’une masse sombre le frappa violemment à la tête avec une branche épaisse. Wil ne put qu’entendre des ricanements lorsque sa conscience le quitta.
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