Chapitre 19 - 1

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  Ils se retrouvèrent dans une pièce spacieuse, dans une grande cabane montée sur pilotis. Sans surprise, les principales décorations portaient sur le culte voué aux Dragons, ici plus particulièrement Illuyankas, le Dragon d’Or. D’autres œuvres représentaient certains événements du passé dont avait pu être témoin la Tribu de l’Esprit.

  C’était la première fois que Karel pénétrait dans un tel lieu. Voyant Aquilée pas du tout surprise, il supposa que ça devait être de coutume dans chaque Tribu. Curieux, il jeta un coup d’œil sur les murs et découvrit quelques illustrations représentant des membres de la Tribu très anciennes. Elles n’avaient même pas de forme humanoïde. Leur carnation tendait vers le mauve et arboraient de longues oreilles effilées. Leurs silhouettes étaient élancées. Quelques tableaux montraient ces ancêtres converser avec des humains. À mesure que les portraits défilaient, la Tribu de l’Esprit se rapprochait de l’aspect humain. Karel voyait des reproductions tantôt ailées, tantôt sous une forme quadripède. Seule une caractéristique physique semblait avoir traversé le temps sans jamais bouger : leurs yeux rouges.

  Karel ne put s’empêcher de repenser à Lyrielle, une fille qu’il avait rencontré avec Lya à l’Académie de Magie de Sheyral. La jeune fille leur avait affirmé qu’elle descendait de la Tribu des Glaciers. Karel se demandait bien quelle avait été leur forme ancestrale, auparavant. Et Aquilée ?

  Eleyra était présente, ainsi que quelques autres gardiens de la Tribu. Chacun était placé aux bordures de la pièce, droits et fiers, mais veillant sur la situation avec beaucoup d’attention : aucun doute qu’ils prenaient leur rôle particulièrement au sérieux. Tout au fond de la pièce, une sorte de trône se trouvait là, sur lequel les attendait une femme qui dégageait une force présence.

  Elle était grande et le corps taillé pour le combat. Ses yeux rouges étaient perçants, donnant à chacun l’impression de se faire sonder son âme. L’intensité de son regard était accentuée par ses longs cheveux noirs comme de l’encre lui cascadant dans le dos. Son visage fin et sévère reflétait une expérience certaine. Karel n’aperçut pas d’artéfact à côté d’elle : aucun doute, elle devait être au rang de Mage. Encore une excellente raison de ne pas la provoquer. Cette femme était sans doute capable d’avoir le dessus sur un bon nombre de personnes ici, tant sur le plan magique que physique.

  Le groupe s’avança puis s’arrêta à une distance respectable de la cheffe de Tribu, qui les détailla. Elle exécuta un large geste de la main qui firent teinter ses bracelets d’or.

— Bienvenue, étrangers. Veuillez vous installer, cela risque de prendre un peu de temps. Prenez donc vos aises.

  Dans un geste calculé, quelques gardiens leur amenèrent des coussins pour s’asseoir sur le sol. Une fois leurs rangs rejoints, ils s’installèrent sur les genoux. En plus d’être des gardiens, ils devaient certainement servir de conseil pour la Tribu. Le plus logique était qu’ils soient postés aux alentours de leur village. S’ils étaient conviés, c’était que la Tribu disposait de d’autres gardiens, et que ceux-là étaient assez hauts placés pour participer aux conseils.

  Karel eut la surprise de voir Lya se placer à côté de lui, concentrée sur la situation.

« C’est déjà un pas… À moi de faire les autres, désormais. » songea-t-il.

  La cheffe de Tribu se leva.

— Chaque Tribu accueille sans problème le moindre voyageur, à condition que ses intentions ne soient pas hostiles. Ce qui est votre cas. Toutefois, vous comprendrez que nous ne pouvons fermer les yeux sur ce qui s’est passé lors de votre arrivée. Je sais que les Clans sont du genre à s’attaquer aux autres juste pour le plaisir, mais cette attaque n’avait rien d’habituel. Ils se sont risqués à une embuscade proche de ce village, alors que le Très Vénérable Illuyankas veille sur nous. Personne, pas même un chef de Clan, n’oserait braver la bienveillance d’un Dragon sans une excellente raison. Je suis fort étonnée qu’ils se soient contentés de s’amuser avec vous au lieu de vous capturer directement.

  Elle fit une pause et les toisa de son regard intense. Karel eut du mal à ne pas baisser le sien. Il ignorait quelle était la convenance : baisser la tête ou, au contraire, soutenir son regard ? Il ne souhaitait pas causer d’affront. Il risqua un œil vers Aquilée et Whélos, les plus à même de s’y connaître. Aquilée gardait le regard haut, mais aucun défi ne trahissait son regard, demeurant humble. Whélos optait pour la même chose, bien qu’il semblait réfléchir d’avance à la réponse à fournir.

  La Cheffe de Tribu s’arrêta devant Aquilée.

— Votre présence, Fille de l’Air, est des plus étranges. En temps normal, vous seriez plutôt venue avec une escorte plus expérimentée, et non avec des inconnus, je me trompe ? Vous êtes à peine majeure. J’ai du mal à croire que votre famille vous ait laissée voguer on ne sait où même pour l’épreuve du passage adulte. Qui devrait normalement se dérouler dans votre région maintenant que le Dragon du Vent est revenu parmi nous.

  Aquilée confirma d’un léger signe de tête.

— Nous sommes vraiment désolés des désagréments que nous avons pu vous causer, Dame Ashura. En parallèle, mes amis et moi vous sommes reconnaissants. En effet, cette situation n’a rien de normale. Malheureusement, nous ne pouvons pas nous y soustraire, et c’est précisément pour cette même raison que nous devrons vous quitter au plus vite, avant de vous apporter plus d’ennuis. Comme vous avez pu le constater, j’ai passé l’épreuve du Dragon des forêts. Son esprit est désormais apaisé. Tout cela n’aurait jamais pu aboutir sans mes amis ici présents.

  Un silence accueillit sa déclaration. Ashura sonda Aquilée et un sourire se dessina sur ses lèvres.

— En effet. Ton peuple devrait enfin connaître des années de paix, espérons-le cette fois sans chaos. C’est un exploit pour des jeunes gens qui ne sont pas aussi expérimentés que les Mages les plus aguerris.

— Cette observation est juste, ma Dame, intervint Whélos. Aquilée nous a fait une sacrée démonstration de ses nouveaux pouvoirs, mais ils pourraient aisément la consumer. Il serait judicieux de lui partager votre propre expérience. Vous savez ce que c’est. Je suis peut-être Sans-Pouvoir, mais j’ai suffisamment d’expérience pour savoir voir qui possède une aura particulière. Et vous êtes dans ce cas, ma Dame. Vous avez passé l’épreuve du Dragon d’or fut un temps, n’est-ce pas ?


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