Chapitre 23

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  Ashura mena Aquilée au travers d’un dédale de ruelles jusqu’à arriver dans une zone un peu plus dégagée.

— Cette zone nous sert d’entraînement. Cela permet à chacun d’apprendre la magie et le combat sans incident.

— Comment… comment s’est passé votre rencontre avec Illuyankas ?

— Illuyankas est un peu plus difficile que les autres Dragons à convaincre. Nombreux sont mes acolytes à avoir tenté leur chance, pourtant avec de très bonnes intentions. Illuyankas ne leur a rien donné. Il ne faut pas oublier le passé : il a été trahi par un Mortel.

— La personne qui lui aurait demandé quelque chose lui appartenant ? releva Aquilée. Mais il est dit que cette personne avait tenu sa promesse. Comme le souhaitait le Dragon, les peuples ont évolué.

— Disons qu’ils n’avaient pas le même concept d’évolution, expliqua Ashura. J’ignore la nature de cette trahison. Tu penses bien que les Dragons sont plutôt discrets sur le sujet. Illuyankas n’a que très peu apprécié, surtout en voyant les catastrophes que nous subissons avec cette malédiction. C’est pour ça que tu es là. Même infime, le pouvoir d’un Dragon est dangereux pour un organisme comme le nôtre. Tu as succombé à ton nouveau pouvoir, mais aussi aux attaques de tes ennemis. Tu es impulsive. Tu te laisses dominer par la peur. Il faut que tu t’améliores là-dessus… absolument.

— Comment faites-vous ? lui demanda Aquilée. J’ai beau essayer, je… je finis toujours par craquer !

— C’est normal. Cela viendra avec l’expérience, tu verras. Ne t’en veux pas trop, tu es très jeune, tu as encore beaucoup à apprendre et tu as déjà beaucoup appris, bien plus que ce que tu penses, Fille de l’Air.

— Je vous en prie, appelez-moi Aquilée, s’il vous plaît. Je ne mérite pas tant d’honneurs après ce qui est arrivé à mon peuple.

  Elles montèrent sur la large estrade parsemée de quelques feuilles mortes ici et là. Aquilée se sentait bien petite, et pas que physiquement. Ashura dégageait une présence imposante et possédait une aura impressionnante. Aquilée était convaincue qu’elle n’atteindrait jamais son niveau, mais au moins pouvait-elle s’inspirer de la force qu’elle dégageait. Recevoir une leçon de la Cheffe de Tribu elle-même était un grand honneur, toute novice dans le domaine qu’elle était.

  Ashura lui fit face.

— Ne me fais pas perdre de temps et appelle ton pouvoir draconique.

  Aquilée s’exécuta. Ashura était sévère et autoritaire, mais une bonne personne dans le fond. Son anneau brilla, son pouvoir afflua. Aquilée fit appel à ce nouveau pouvoir. Cette sensation étrange lui revint. Elle cherchait à la posséder et à se nourrir de son énergie.

  Aquilée sentit un poids peser dans son dos et sa vue devenir beaucoup plus vive et perçante, au point de lui en donner des vertiges.

  Ashura se plaça à sa hauteur, derrière son dos et frôla les ailes de dragon de ses mains, provoquant un frisson à Aquilée.

— Magnifique. Cela donne envie de faire un petit tour chez votre Dragon pour obtenir la même chose. Repousser ces fichus Clans ne serait plus qu’une formalité.

  Ashura interrompit sa réflexion, observant le silence d’Aquilée. Ses yeux violets maintenant fendus de pupilles verticales la fixaient. Ashura afficha une expression qui se voulut rassurante.

— N’aies pas de mauvais doutes à mon sujet, Petite. Quand tu es Chef, tu te dois de penser à toutes les éventualités pour mieux protéger les tiens. Cela ne signifie pas que je sois avide de pouvoir. Surtout que très peu de gens sont capables d’abriter plusieurs pouvoirs draconiques à la fois. Je ne connais que très peu de personnes prêtes à risquer leur vie pour ce genre de chose. À quoi ça sert de désirer plus de pouvoirs si c’est pour en mourir ? Je m’estime plus proactive vivante, si tu vois ce que je veux dire. De plus, je n’ai pas à rougir du don que j’ai reçu, crois-moi.

  Nouveau silence.

— Tu as vraiment du mal, observa Ashura. Si tu maîtrisais ce pouvoir, tu ne devrais avoir aucune difficulté à me parler. Tu te trompes, jeune fille. Tu ne dois pas lutter pour éviter de te laisser envahir. Tu as raison de ne pas vouloir te laisser submerger par un tel pouvoir, mais tu t’y prends de la pire des manières.

  Aquilée la questionna du regard, craignant de faire une bêtise. Ashura lui offrit un sourire malicieux.

— N’aie pas peur d’échouer. Contre moi, tu ne pourras rien, de toute façon. Après tout, quoi de mieux pour contrer un fragment de pouvoir draconique qu’un pouvoir du même gabarit ? C’est justement pour ça que j’ai décidé de t’aider, pour ne pas faire prendre de risques inutiles aux autres.

  Aquilée songeait qu’Ashura n’avait pas son pareil côté franchise. Cette femme ne s’embarrassait pas de gants pour faire révéler le fond de sa pensée.

— Bien, commençons.

  Ashura fit glisser ses doigts fins sur les tempes de la jeune fille.

— Laisse-toi guider. Je vais te montrer comment s’y prendre sans danger.

  Aquilée ferma les yeux.

— Ressens ton pouvoir, glissa Ashura à son oreille. Laisse-le venir à toi et imprégner ton être. Ce cadeau que le Dragon t’a fait doit désormais faire partie de toi. Tu as des ailes et une vue perçante, bon sang ! Tu n’as pas idée de ton nouveau potentiel ! Tu peux repousser des groupes entiers d’ennemis d’un simple claquement d’ailes. Ces dernières peuvent aussi te servir de bouclier et même blesser tes ennemis. Elles ne sont pas seulement capables de te faire voler. Elles te confèrent aussi une célérité hors-normes. Grâce à elles, tu es désormais encore plus rapide qu’un démon de ces maudits Clans !

  Elle marqua une courte pause. Ashura glissa ses doigts grâcieux sur le front d’Aquilée.

— Quant à ces yeux… mais quelle merveille. J’admets que je ne peux m’empêcher de les envier. Le regard d’un Dragon est le meilleur qui soit. Tu peux voir encore plus loin que les anciens elfes, encore mieux que le meilleur des rapaces. Tu es désormais capable de voir les gestes de tes ennemis avec une telle précision que même le plus rapide d’entre eux deviendra trop lent pour toi. Tu n’imagines pas à quel point cela peut suffire à prendre l’avantage. Il te faudra certainement un temps pour t’y habituer, car ta mémoire n’est pas encore accommodée à avoir une telle vue. Mais avec de l’entraînement, ce désagrément disparaîtra très bientôt, crois-moi. On dit aussi qu’aucun déguisement ne peut tromper l’œil d’un Dragon. Ceux que Zmeï t’a conférée possèdent aussi ce pouvoir.

  Enfin, elle la relâcha, s’éloigna de deux pas d’Aquilée, puis lui fit face.

— Allez. Essaie d’abord de ne faire qu’un avec ce pouvoir.

  Aquilée opina. Alors qu’une chaleur se répandait le long de ses membres, elle douta.

— Laisse-toi faire, la rassura Ashura. Le doute ne fera qu’empirer les choses, voire te tuer. Je suis là.

— M… mais… répliqua enfin Aquilée. Les prochaines fois, vous ne serez pas là ! Je… je dois y arriver seule !

— C’est justement pour ça que je suis là, jeune fille. Alors profite. Vas-y. Sans peur. Allez ! Ne me fais pas perdre mon temps, j’ai d’autres responsabilités, ici !

  Aquilée laissa le pouvoir de Dragon s’insinuer en elle. Ses ailes devinrent enfin plus légères. Sa vue se troubla encore, lui donnant le tournis. Son pouvoir la submergea et son corps échappa à son contrôle. Alors qu’Aquilée allait appeler à l’aide, ses pouvoirs s’éteignirent soudain. Surprise, Aquilée découvrit que ses ailes avaient disparues et que ses yeux étaient redevenus normaux.

  Hébétée, elle jeta un regard vers Ashura et hoqueta de surprise. Ses yeux rouges étaient fendus de pupilles verticales et ses tempes ornées de grandes cornes draconiques dorées et majestueuses aux courbes gracieuses. Son bras était tendu vers elle, ajoutant à son aura imposante.

— Que… que s’est-il passé ? demanda Aquilée. Je n’ai pas rêvé, j’ai échoué, et pourtant, je n’ai pas mal ! Qu’avez-vous fait ?

  Ashura abaissa sa main, ses iris redevinrent rondes et les cornes disparurent. Elle lui décocha un regard sévère.

— Tu poses les mauvaises questions, tu sais parfaitement ce qui est arrivé.

  Aquilée rougit d’embarras. Sa question avait, en effet, été un peu idiote : Ashura ne s’était pas cachée qu’elle avait réussi l’épreuve d’une Tour. Sa transformation en témoignait : elle avait utilisé son pouvoir draconique sur Aquilée pour l’empêcher de sombrer. Mais comment ?

— Pardon, reprit Aquilée. Je voulais plutôt demander… quel fragment de pouvoir vous a conféré le Vénérable Illuyankas ? Comment avez-vous procédé pour m’arrêter sans que je ressente aucune séquelle ?

— C’est mieux. Attention à ton impulsivité. Illuyankas veille sur le monde des Morts et des Vivants. Il peut décider à tout instant pour qui le Temps est révolu, peu importe de quel côté nous sommes. Il m’a accordée le pouvoir de Temps. Comprends-tu, à présent, pourquoi je t’ai dit que tu ne pouvais rien contre moi ? En tout cas, pas tant que tu ne seras pas plus expérimentée. J’ai remonté le temps jusqu’au moment où tu appelais ton pouvoir draconique. Mes yeux me permettent de voir avec précision la moindre seconde sur laquelle je reviens. Je ne peux remonter très longtemps, mais c’est amplement suffisant pour tenir mes ennemis en respect.

  Aquilée resta silencieuse, impressionnée.

— Si j’ai un conseil à te donner, n’utilise jamais ce pouvoir n’importe comment, conclut Ashura. Cela coûte beaucoup en ressources.

— Je vois. Merci de m’éclairer. Je m’en inspirerai lorsque je rentrerai chez moi. Maintenant, continuons. S’il vous plaît.

— Alors montre-moi de quoi tu es capable, Petite Fille.

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