/!\ Chapitre 26 /!\
Île du Volcan.
Phényxia se tint droite, fière et déterminée. Le vent faisait flotter ses longs cheveux rouges, comparable à une crinière de flammes. Elle se trouvait sur une vigie, à côté d’un de ses sujets qui l’avait prévenue : au loin, chevauchant des créatures marines à l’air féroce, le Clan de l’Eau venait à leur rencontre. Le prochain à neutraliser pour l’accomplissement de la Prophétie.
« Le Clan de l’Esprit, c’est fait… À vous, mes mignons. »
La Cheffe de Clan jeta un œil rapide au volcan qui surplombait l’île. Il fumait. Un mauvais sourire flotta sur les lèvres délicates de Phényxia. S’il s’activait pendant la bataille, ces imbéciles ne pourraient pas approcher la côte. S’il demeurait seulement menaçant… Phényxia imaginait déjà comment elle y plongerait ses prochains prisonniers. La lave pouvait bien jaillir, aucun des siens ne la craignait. Elle se souvenait comme si c’était la veille du jour où elle y avait plongé et en était ressortie plus puissante que jamais, après avoir vaincu le chef précédent à mains nues et tous les autres prétendants. Le jour qui avait marqué son avènement, la première femme d’un Clan à parvenir à ce statut aussi dangereux que privilégié.
— Fais signe aux autres, ordonna-t-elle à son comparse. Qu’ils se tiennent prêts.
Le démon s’exécuta aussitôt et lança une gerbe de flammes dans les airs. Une clameur assourdissante se fit aussitôt entendre d’en bas : tout le monde se mit en action. Phényxia se métamorphosa en phénix de flammes, son animal favori, et descendit à vive allure jusqu’à atterrir devant ses sujets. Elle reprit aussitôt son apparence normale en posant ses pieds au sol. Elle se redressa, fit face au Clan de l’Eau qui n’était désormais plus qu’à quelques mètres.
Phényxia entendit le doux son des armes tirés de leurs fourreaux derrière elle et les premiers éclats de magie. La satisfaction l’envahit : tous étaient prêts à en découdre. Comme elle. Phényxia écarta les bras de son corps. De longs fouets de flammes apparurent au bout de ses mains et brûlaient la terre à ses pieds.
— Comptez bien vos victoires, les garçons. Je daignerai vous récompenser en fonction de vos exploits.
Au loin, la troupe ennemie lança un premier assaut sous forme d’une vague scélérate qui se rua à toute vitesse sur le Clan du Feu. Ensemble, ses hommes invoquèrent un puissant bouclier enflammé qui percuta la vague, l’évaporant en bonne partie. Phényxia entendit quelques cris d’agonie derrière elle. Elle ne leur adressa pas un regard : chez les démons, les faibles étaient voués à mourir. S’ils ne supportaient pas quelques gouttes d’eau leur brûlant la chair, alors ils étaient indignes d’intérêt.
Quelques gouttes filtrèrent et tombèrent sur sa peau. Phényxia ne réagit pas en dépit de la douleur. Sa peau claire fumait comme si elle un fer chauffé à blanc la touchait. Si elle montrait sa douleur, elle perdrait en crédibilité. Au moindre signe de faiblesse, ses comparses auraient l’idée de remettre en cause sa position et son autorité. Lorsqu’elle était revenue avec cette blessure au visage, elle avait dû se battre pour garder sa place de Cheffe. Son combat mené, elle avait noyé les traîtres dans la mer pour l’exemple.
Les vagues passées, Phényxia se décala d’un pas souple sur le côté et fouetta l’air de ses lianes enflammées. Le corps d’un ennemi coupé en deux tomba à ses pieds.
La mêlée s’engagea alors que les démons du Clan de l’Eau fondirent sur eux. Phényxia ne s’en souciait pas. Sa stratégie était de les attirer sur la terre ferme afin de les piéger. Plus ils s’éloigneraient de l’eau, moins ils seraient avantagés. Les Clans réfléchissaient comme des brutes épaisses sans beaucoup de réflexion et elle continuerait à les traiter ainsi, comme les bêtes qu’ils étaient tous.
D’un geste, elle étrangla un autre ennemi avant qu’il ait pu la toucher et esquiva un autre dans son dos. Phényxia annihila l’un de ses fouets de feu pour attraper son adversaire à la carotide et enfoncer ses griffes acérées dans ses branchies. Les flammes firent hurler d’agonie son ennemi qui s’écroula sur le sol en se convulsant. Sa chair devint cendres. Phényxia envoya son fouet de flammes dans un autre démon qui fondit sur elle. Elle lui faucha les pieds et lui envoya un second coup au niveau des yeux. Un second fouet de flammes surgit de sa main libre et s’enroula autour de la gorge d’un autre démon, le brûlant de l’intérieur au travers de ses branchies. Phényxia tira d’un coup sec et arracha des lambeaux de chair à son ennemi qui s’écroula sur le sol, répandant son répugnant sang vert sur le sol.
Elle risqua un œil autour d’elle : quelques-uns de ses guerriers gisaient au sol, mais il y en avait autant pour le Clan adverse.
Phényxia marcha de sa démarche féline au milieu du champ de bataille sans trébucher sur les cadavres, comme s’il ne s’agissait que de déchets à ses yeux.
Une présence, derrière elle, plus imposante que les autres. Le Chef de Clan ennemi. Elle sourit, se délectant du combat à venir.
— Enfin face à face, Phényxia !
Elle se tourna vers lui dans un mouvement théâtral sans se départir de son sourire carnassier.
— Bienvenue, Lockran. C’est avec grand plaisir que je t’accueille sur mes terres.
Le démon dévoila plusieurs rangées de dents pointues.
— Ravi de l’entendre. Aussi, en tant qu’hôte, j’apprécierai que tu me fasses une offre.
— La coutume veut plutôt que ça soit l’invité qui apporte un cadeau, non l’inverse.
— Oh, mais j’en ai bien un à t’offrir, ricana Lockran. Cette blessure au visage n’a pas altéré ta beauté, à ce que je vois. Je me demande si celles que je vais t’infliger auront le même effet ! J’ai envie de savoir si te mettre à genoux devant nos deux Clans réunis saura altérer cette agaçante beauté.
— Alors tente ta chance.
Lockran s’élança sur elle en invoquant une lame de fond que Phényxia évita en flottant dans les airs, les bras transformés en ailes de feu. Son ennemi transforma sa lame de fond en tornade d’eau qui s’éleva vers elle. Phényxia effectua de larges mouvements pour l’éviter jusqu’au moment où Lockran disparut.
Cette fraction de seconde à constater sa disparition permit à son ennemi d’apparaître à partir de sa tornade aqueuse. Il la toucha sur son flanc avant de disparaître aussi soudainement qu’il était apparu.
Phényxia heurta le sol avec violence, provoquant une explosion de terre battue. Elle entendit Lockran atterrir à son tour et se placer au-dessus d’elle. Il sourit de sa bouche hideuse.
— Tu es fichue, Phényxia ! Comment comptes-tu t’y prendre pour absorber les pouvoirs des Dragons ?
Elle ricana sous cape, de sa stupidité de la croire vaincue.
« Ces mâles… tous les mêmes. »
Elle le laissa la soulever et la plaquer contre la paroi rocheuse, comme si elle était à sa merci. Ses larges mains palmées glissèrent sous sa longue jupe ouverte pendant qu’il appuyait son corps écailleux contre elle, convaincu de la dominer. Phényxia garda son air effronté et s’adonna à l’un de ses jeux préférés.
Elle lui offrit son plus éclatant sourire, désactiva sa magie, enlaça ses épaules musclées comme si elle admirait plus fort qu’elle. Elle plongea ses yeux dans les siens, se rapprocha plus près encore et dévora pleinement ses lèvres. Lockran répondit. Elle colla son corps au sien, le laissa l’atteindre, la toucher, glisser sa grande main baladeuse le long de sa colonne vertébrale. Il souleva ses jambes qu’elle enlaça par-dessus le bassin de son ennemi. Il l’empoigna, l’expression victorieuse. Phényxia s’en délecta. Pas de ses caresses perverses, mais de sa stupidité d’animal mâle. Elle dût se faire violence pour ne pas éclater de rire.
— Sois plus entreprenant, mon chou, ou je vais m’ennuyer, lui susurra-t-elle à sa branchie. Je suis une grande Dame, je mérite le meilleur.
Elle l’enlaça de ses bras et ondula contre lui. Phényxia lâcha un soupir de plaisir pour mieux le berner alors qu’il enfonçait ses doigts entre ses jambes. Il rompit leur baiser et arracha le haut de sa robe pour saisir sa poitrine dont il goûta les extrémités. Phényxia se cambra pour simuler son plaisir et son apparente soumission. Lockran remonta le long de sa gorge gracile et approcha ses lèvres de son oreille alors que ses doigts jouaient sur ses courbes les plus sensibles entre ses cuisses.
— Livre-moi ton secret, Phényxia. Tu en ressortiras gagnante, crois-moi ! Ton Clan est perdu, nous sommes les Maîtres des océans ! Nous allons engloutir cette île, éteindre votre volcan. Vous anéantir. Mais il serait dommage de faire disparaître un si magnifique trophée…
Phényxia ne tint plus et éclata d’un rire sonore en rejetant sa tête vers l’arrière. Elle le regarda bien dans les yeux, resserra son étreinte de ses bras et se rapprocha de sa branchie.
— Ton Clan n’est pas de taille contre moi, Lockran. N’as-tu pas compris ? C’est toi, mon trophée. Vous étiez si impatients de nous massacrer que vous avez oublié d’assurer vos arrières !
De colère, Lockran l’écrasa contre la roche.
— Que cherche-tu à dire ? menaça-t-il.
Phényxia lui sourit de toutes ses dents.
— Nous avons appris à construire des bateaux et à naviguer, par le biais de quelques membres de la Tribu de l’Eau capturés il y a quelques années. Un délice à torturer, je te les recommande. Ils sont très amusants.
Elle plongea son regard dans le sien.
— Nos navires ont pris les tiens à revers, et il doit y avoir un magnifique massacre sur nos berges en ce moment, parsemé des cadavres de membres du Clan de l’Eau… oh que ça doit être merveilleux !
Les yeux verts de son ennemi vrillèrent de rage. Lockran la plaqua et fondit vers sa gorge pour lui arracher la peau de ses rangées de dents. Phényxia s’enflamma de la tête aux pieds, brûlant son ennemi qui grogna de colère et de douleur en reculant de quelques pas. Elle se remit debout, coupa sa magie et plaça avec une sensualité nonchalante de longues mèches de cheveux devant sa poitrine dénudée pour n’en dissimuler que les extrémités.
Phényxia observa Lockran lui tourner le dos. Il fixait, catastrophé, le champ de bataille. Nombre des siens gisaient sur le sable dans une mare de sang vert parmi les cadavres du Clan du Feu. Une large flaque verte flottait sur l’eau, non-loin de bateaux apparus de nulle part sur lesquels les démons de Phényxia rugissaient de victoire. Ses créatures marines se faisaient remonter pour servir de repas à leurs ennemis.
Leur Cheffe ne se priva pas d’afficher un air victorieux sur le visage. Elle ne regrettait pas d’avoir appris les arts maritimes pour assurer leur survie. Un travail long et ardu avec les démons qu’elle dominait, mais ils étaient parvenus à un résultat satisfaisant. Ils étaient loin d’exceller comme la Tribu de l’Eau, mais c’était suffisant pour quitter leur île et agir à divers endroits de Weylor.
Elle avait su montrer que son Clan était capable de composer avec sa pire faiblesse. Phényxia avait gagné en renommée par cette prouesse. Ce fut ainsi qu’elle avait attiré l’attention de son contractuel… et de Serymar. Elle désirait une place dans l’avenir que son contractuel bâtissait depuis des siècles.
Sans crainte, elle s’approcha de Lockran qui tremblait de rage. À son approche, il lui envoya sa grande main vers sa figure pour lui arracher la tête. Phényxia l’évita en enfonçant le talon haut de sa botte dans ses parties encore durcies, et poussa sur sa jambe pour le mettre à terre. Elle savoura son expression haineuse alors qu’elle se tenait au-dessus de lui, son talon écrasant encore son entrejambe.
— Tu as perdu cette bataille, Lockran, annonça-t-elle d’un ton suffisant. Alors tu vas me faire ce cadeau que tu me dois : te soumettre à moi, en tout cas pour les jours à venir. Tu te dois désormais d’obéir au moindre de mes caprices.
— Tu n’es qu’une vipère, Phényxia !
— Et toi un requin trop avare qui a préféré la vitesse à la réflexion. Maintenant, cher ami, je vais prendre un immense plaisir à t’humilier par la domination. À moins que tu préfères que nous fassions cela chez toi, à la vue de ton Clan entier ? La tentation est très forte, je l’avoue…
Lockran chercha à la saisir. Phényxia s’enflamma plus intensément et enveloppa Lockran de son manteau de feu. Il s’affaissa sur le sol, hurlant de rage et de douleur.
— Ne me fais pas cet affront, je suis une reine ! menaça-t-elle. Tu te dois de respecter nos lois ancestrales. Tu m’as provoquée, tu as perdu, tu deviens mon jouet. À toi de voir si tu comptes te comporter comme une vermine en te donnant la mort ou me laisser t’humilier la tête haute !
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