/!\ Chapitre 34 - 2 /!\

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Allongé sur le dos sur une table de torture, son corps se contracta. Il tenta d’appeler son pouvoir, mais rien ne vint : des chaînes qui l’entravaient. De fins tuyaux s’échappaient de ses veines et extrayaient son sang. Il était blême et sur le point de s’évanouir.

Plusieurs mains le plaquèrent. Une douleur insurmontable lui déchira la jambe gauche. Il sentit à peine les lames glacées contre sa peau, l’air froid, son sang le recouvrir. Juste une souffrance, si terrible qu’il dût lutter pour ne pas perdre connaissance.

Elle se propagea tel un feu dans son corps, le rendit aveugle quelques instants. Son souffle manqua et il redouta que son cœur lâche. Son corps semblait sur le point de se briser. Quelque chose s’arracha de sa jambe comme on dépècerait un gibier. La douleur se propagea avec violence le long de sa colonne vertébrale et atteignit nerfs. Elle remonta avec fulgurance jusqu’à son cerveau qui lui donna la vive sensation d’exploser au sens propre du terme. Son corps entier échappa à son contrôle, comme un pantin désarticulé et violemment électrocuté.

Un hurlement animal, surgissant des profondeurs inexplorées de ses entrailles. Assourdissant.

  Karel en fut le premier surpris : comment pouvait-il hurler ? Sa gorge était irritée et lui faisait mal. Était-ce cela que l’on ressentait lorsqu’on hurlait à mort ?

  Cela eut au moins le mérite de lui faire prendre conscience d’une chose importante : Il n’était pas dans la réalité. Ce corps n’était pas à lui. Cette scène, il ne la vivait pas en vrai. Il devait se réveiller. Absolument.

  Il se retrouva à genoux sur le sol, choqué, le cœur menaçant d’exploser. Karel se redressa vivement et essaya de reprendre le dessus sur son corps, mais celui-ci continuait d’échapper à son contrôle. À peine le jeune homme fit un pas qu’il perdit à nouveau l’équilibre.

Une douleur glacée et lancinante sur le torse. Devant lui, des yeux noirs terribles avec un sourire satisfait. L’elfe tendit un bol de bois sous la plaie, récoltant le sang argent qui coulait.

Il se sentait épuisé et vidé de son énergie. Il entendit à peine ce que l’elfe prononçait en remuant son arme dans la plaie béante. La haine le submergeait. Pure et si forte que son corps eut un sursaut, bougeant sa tête, la seule partie qui n’avait pas été immobilisée. Avec la seule force de sa volonté, il cracha sur son tortionnaire. Un geste qu’il paya par un coup de poing dans le visage.

— C’est si pratique d’avoir une personne comme toi sous la main ! Tu ne meurs vraiment pas facilement… Nous finirons bien par découvrir pourquoi !

— Karel ! Karel ! Qu’est-ce que tu as ?!

« Lya… ? »

  Il ne voyait rien. Seules les ténèbres l’entouraient. Karel eut beau faire, son corps ne répondait plus à sa volonté. Mais au moins, il n’était plus seul.

« Lya, aide-moi ! » implora-t-il.

  À sa grande horreur, son esprit fut à nouveau envahi, décuplant sa terreur.

Le sol glacé. Il se sentait si lourd et si épuisé.

« Ô Dragons. Permettez-moi de ne plus ouvrir les yeux. Permettez-moi le repos maintenant. Permettez-moi de mourir aujourd’hui. »

Mais ses yeux s’ouvrirent. Il était couché à même le sol, à la manière d’un vieux sac jeté avec négligence sur le sol. De tous les côtés, des flaques argentées entouraient son corps. Son manteau poisseux et détrempé lui collait à la peau. Sa tête le faisait souffrir. Un anneau de métal enserrait son crâne, sentant les pointes des pieux à l’intérieur, prêts à sortir dès que l’on activerait la commande. Ses mains et ses chevilles étaient aussi entravés.

Des pas. Des cliquetis. Des mains saisirent son corps aussi inerte que s’il fut fait de chiffons. Puis l’air frais de la nuit.

« Dragons. Venez me chercher. Reprenez cette vie que vous m’avez donnée. »

Mais aucun Dragon ne sillonnait le ciel au-dessus de lui. À croire qu’ils évitaient cet endroit.

« Je vous en supplie. Tuez-moi. Achevez-moi. »

D’autres tintements métalliques. Ses bras lui tirèrent et crut un instant se faire démembrer. Son corps se souleva jusqu’à se retrouver à plusieurs mètres du sol au-dessus d’une foule en délire, exhibé tel un trophée de chasse. Sa tête retomba mollement.

« Je veux mourir. »

— Karel ! Reviens vers nous !

  Enfin, la lumière revint. Des spasmes secouèrent son corps avec violence. Le soulagement le saisit : Karel était enfin revenu dans la réalité, si hostile soit-elle. Lya lui faisait face, inquiète, entourée de leurs amis, aussi préoccupés. Comment répondre ? Lui-même ne savait pas ce qui lui arrivait. Les pensées encore floues, il signa de manière saccadée.

— « Je t’en supplie, Lya, éloigne-moi d’ici ! »

  La jeune femme s’exécuta rapidement.

— Tu es pâle ! Tu es sûr que ça va ? s’enquit Aquilée. Tu fais peur à voir !

  Karel confirma d’un léger hochement de la tête, sans être convaincu. Que s’était-il passé ?

  Lya le soutint, et son frère s’accrocha à sa présence, de peur d’être à nouveau happé dans ces horribles visions qu’il avait ressenties physiquement.

— Ton bras ! remarqua Lya, de plus en plus inquiète. Qu’est-ce qui se passe ? Il n’y a pourtant pas de Dragon ici !

  Karel préféra ignorer la question et demanda avec des gestes nerveux si les autres avaient trouvé quelque chose. En espérant que détourner le sujet lui permettrait de retrouver ses moyens.

— Dépêchons-nous, pressa Wil. Tu n’as vraiment rien trouvé d’autre que ces trucs horribles ?

  Malgré l’urgence de la situation, Karel prit le temps de se calmer : si jamais un danger survenait, il serait incapable d’y faire face. Il respira lentement, plusieurs fois, et ferma les yeux pour se couper quelques instants du monde qui l’entourait. L’étreinte de Lya l’y aida beaucoup. Ses spasmes diminuèrent jusqu’à cesser enfin. Même les sillons argentés refluèrent.

  Karel revint à la réalité et remercia chaleureusement Lya du regard en se dégageant d’elle avec douceur. Il désigna enfin les sillons au sol. Wil se pencha et jeta un œil rapide à toute la structure.

« S’il te plaît, trouve la solution… tu es le plus à même de comprendre. »

  Le visage de Wil s’illumina.

— Peut-être que… Oui, ça vaut le coup d’essayer ! Vite ! Finalement, ça tombe bien que nous soyons plusieurs ! Vous voyez tous ces espèces de socles sur le sol au bout de ces chemins ? Essayons de tous les activer en même temps !

— Es-tu sûr de toi ? questionna Whélos. N’oublie pas que cela pourrait permettre à nos chers amis de nous voir !

— Nous n’avons pas le choix, il faut essayer ! Et toi, Karel, c’est ça ? Tu as des pouvoirs psychiques, non ? Tu ne serais pas capable de maintenir cette espèce de porte fermée, juste au cas où elle s’ouvrirait si on active ce qu’il ne faut pas ?

  Karel répondit par la négative. À la fois parce que cette machine devait être plus forte que lui, mais aussi parce que créer un dysfonctionnement ne manquerait pas d’alerter les elfes noirs. Il ne faisait aucun doute qu’au moins certains d’entre eux connaissaient la vérité sur ce totem. Ils devaient trouver autre chose. Mais comment expliquer tout cela sans voix ?

— Et si tu essayais de figer ces petits éléments, là-haut ? suggéra Whélos. Cela me semble plus être à ta portée. Ils semblent reliés au mécanisme d’ouverture des dents de la statue.

  Karel jeta un œil aux rouages et assentit. Cela semblait plus accessible. Il tira son épée et la pointa vers le mécanisme. Pendant qu’il projeta son influence dessus, les autres suivirent l’idée de Wil. Chacun se rapprocha des socles terminant chaque sillon mécanique.

— À trois ! commença Wil.

  Karel se concentra avec difficulté. Son corps tremblait encore d’effroi de ce qu’il venait de vivre. Difficile de faire comme s’il n’avait rien vu.

— Un…

  Ce n’était pas le moment de se torturer avec ça. Il devait être attentif, sinon, tout le groupe serait en péril. Karel fixa le mécanisme, prêt à le figer pour empêcher l’ouverture de la bouche immense de la statue de métal.

— Deux !

  Karel commença à resserrer son emprise sur le rouage, prêt à tout donner pour l’immobiliser au moindre mouvement.

— Trois !

  Ils sautèrent sur les socles de métaux et Karel paralysa le mécanisme. Des exclamations de surprise en provenance de l’extérieur fusèrent aussitôt.

« Non ! Non ! »

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