Chapitre 34 - 3
Nerveux, Karel risqua à coup d’œil derrière lui et s’aperçut que la grande plaque qu’il avait repérée bougea. Elle se retira et quelque chose remonta des profondeurs.
— Oui, c’est elle ! s’exclama Wil.
— Attends ! intima Whélos. Si on se retire, la plaque va se fermer !
— Quoiqu’il faut faire, dépêchez-vous, ils sont là ! pressa Lya.
Karel tendit la main vers la sphère sombre et la déplaça vers son propriétaire par télékinésie. Wil réceptionna l’objet, un air soulagé se peignant sur son visage.
Les hurlements à l’extérieur s’intensifièrent. Les cliquetis de la machine devinrent irréguliers depuis que l’orbe ne l’alimentait plus.
— Vite ! s’écria Aquilée.
Karel attendit que ses amis soient sortis de la grande pièce avant de se téléporter vers eux en relâchant la pression sur le système d’ouverture. Lya fit fondre le métal de la porte derrière eux afin de bloquer leurs poursuivants qui entrèrent dans la grande pièce.
— Capturez les profanes ! hurla une voix masculine.
Les cris se firent plus intenses. Ils coururent dans l’étroit couloir en espérant atteindre la sortie avant de se faire capturer.
Lorsqu’ils arrivèrent vers la porte par laquelle ils étaient entrés, Whélos, en tête de file, blêmit.
— Cette sortie est condamnée.
Une explosion fit trembler les murs de fer. L’accès condamnée par Lya venait d’être démantelée.
— Voici donc les rats qui ont osé profaner notre création !
Ils se retournèrent tous en même temps. Face à eux, un homme elfe de grande stature, au vu des nombreux ornements qu’il portait. Il était seul, du moins, en apparence. Seuls quelques privilégiés semblaient pouvoir entrer dans le totem.
— Profaner ?! s’insurgea Wil. Ça ne vous a pas beaucoup gêné de profaner ce qui ne vous appartenait pas, espèces de voleurs !
— Notre protecteur réclame une offrande, pour nous permettre la vie éternelle.
— Ce n’est qu’une MACHINE ! explosa Wil. Cela n’a RIEN de vivant ! Vous osez comparer cette bêtise aux véritables Dragons ?!
Karel serra son artéfact, méfiant. Leur interlocuteur lui paraissait beaucoup trop calme.
« Il manipule les autres. Qui sont sûrement de l’autre côté. Nous sommes cernés. »
L’elfe semblait savoir ce qu’il faisait. S’ils étaient censés avoir soi-disant profané un lieu sacré, pourquoi n’était-il pas plus en colère que ça ?
Karel frissonna lorsque l’elfe le fixa plus intensément, un mauvais sourire étirant ses lèvres.
— Tiens, comme c’est intéressant ! Ces lignes d’argent ne peuvent provenir que d’une seule chose ! Ainsi donc, cette ressource perdue depuis longtemps nous revient enfin !
Tous les Sorciers se mirent en position de combat. Peu importait ce charabia pour l’instant.
— Poussez-vous, ordonna soudain Aquilée à tout le monde.
Chacun comprit instantanément ce qu’elle comptait faire, à part Wil.
— Aquilée, non, la supplia doucement Lya. C’est dangereux.
— Ne t’inquiète pas, la rassura Aquilée. Je ne compte pas vous laisser tomber. Mais c’est notre seule chance. Ça vaut le coup d’essayer.
Ils s’écartèrent. Aquilée toisa l’elfe du regard. Elle appela le pouvoir du Dragon à elle. Ses pupilles se transformèrent, de larges ailes de dragon apparurent dans son dos. Il était temps d’appliquer ce que lui avait appris Ashura. Cette fois, elle ne se ferait pas avoir.
L’elfe eut un mouvement de recul mais ne se départit pas de son expression malsaine.
— Oh, oh, parfait ! Œil-de-Sang en sera d’autant plus ravi !
Aquilée tendit le bras vers lui et invoqua une salve de vent qui le repoussa hors de la bouche mécanique désormais grande ouverte. Le gourou atterrit ainsi en plein milieu de ses congénères, dont la majorité affichèrent une expression aussi choquée qu’en colère envers les profanateurs.
— Maintenant ! cria Aquilée aux autres.
Elle étendit ses larges ailes et fonça vers la seule sortie disponible. Wil mit sa stupéfaction de côté pour courir avec les autres derrière la jeune fille. Une fois de retour dans la grande pièce, Aquilée provoqua de puissantes bourrasques qui projetèrent le public elfique quelques mètres plus loin d’un battement d’ailes. Le groupe profita de cette relative protection pour la suivre de près. Une fois dehors, Lya érigea une barrière de flammes autour d’eux. Elle s’embrasa très vite, et Lya espérait leur faire gagner du temps pendant leur fuite.
Tout ne fut que cris et agitation. Les guerriers elfes tentèrent de les attaquer, certains osèrent même braver les flammes. Karel en assomma plusieurs en invoquant des piliers de terre à partir du sol.
Aquilée continua à leur ouvrir le chemin. Grâce à sa nouvelle vue, elle fut capable de repérer le moindre mouvement à l’avance, à tel point que leurs attaquants lui parurent lents.
Le portique apparut dans leur champ de vision.
— Encore un effort ! encouragea Aquilée qui décupla les flammes de Lya.
Une explosion soudaine éclata sous son nez et la fit hurler de douleur et tomber à terre. Karel et Whélos la rattrapèrent pour amortir sa chute. Les attributs draconiques avaient disparues. Aquilée afficha une expression choquée, le visage tordu par la souffrance. Du sang perlait de son front sur lequel s’était planté un petit disque d’argent.
Karel fut secoué d’un brusque sursaut lorsqu’un autre de ces disques se planta dans son bras. D’autres exclamations de douleur lui vrillèrent les oreilles, et son cœur se meurtrit en reconnaissant celui de Lya.
Karel saisit le disque métallique pour se l’arracher, mais il fut secoué par une violente décharge électrique qui le cloua au sol. Il appela ses pouvoirs, ces derniers ne vinrent pas. Le jeune homme vit qu’il en était de même pour ses compagnons. La souffrance déformait leurs visages, même Whélos avait été touché. Leurs corps à tous se convulsaient à terre, assaillis de cette torture interne leur donnant l’impression qu’une barre de métal écartelait leurs veines jusqu’à les faire exploser. Leurs hurlements de souffrances déchirèrent la nuit. Karel n’y voyait plus clair, cette douleur obsédante paralysait son esprit. Lui aussi aurait hurlé comme un animal alors qu’il sentait ces tiges lui paralyser les jambes et les bras.
Son cœur sur le point d’exploser, son corps tremblant de cette souffrance qu’il ne pouvait exprimer, des larmes de douleur et d’inquiétude l’aveuglèrent. Lya tendit une main fébrile vers lui, les yeux aussi embués. Son frère essaya de la lui prendre mais ne parvint qu’à effleurer ses doigts.
Les elfes les encerclèrent. Le gourou reparut, une expression triomphante sur le visage.
— Mes chers frères ! Notre guide, Œil-de-Sang, a arrêté les profanateurs ! Ils seront punis en conséquence.
Le groupe chercha le guide du regard. Ils aperçurent au loin une haute silhouette sinistre dont les ténèbres de la nuit rendait son visage impossible à voir. Hormis une lumière rouge malsaine au niveau de l’un de ses yeux.
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