Chapitre 36 - 2

4 minutes de lecture

  L’engourdissement la saisit et Elma manqua de tomber. Des bras la soutinrent pour l’empêcher de tomber. La jeune femme songea que c’était la première fois depuis plusieurs années qu’elle ne s’était plus retrouvée dans les bras de Serymar, même si ce n’était que pour la soutenir. Elle fut surprise de se rendre compte que ça lui avait manquée.

— Ne te précipite pas, lui conseilla-t-il dans un murmure.

  Cette fois, pas de voix dans sa tête. Elle était donc de nouveau libre de penser. Tout au long de cette expérience, elle avait craint de se trahir.

  Elma ouvrit enfin les yeux et frissonna en se remémorant la manière dont ce sortilège de haut niveau avait été exécuté. Elle refusait de voir ces sceaux complexes tracés avec du sang. Celui de Karel et celui de Serymar.

  Ce dernier la déposa dans son fauteuil de bois. Elle garda résolument le regard sur ses genoux. D’un nouveau revers de main, réel cette fois, elle s’empressa d’essuyer des larmes qu’elle n’avait pu retenir. Karel. Elle l’avait enfin revu après douze ans sans avoir eu aucune nouvelle de lui. Elle aurait tant souhaité le serrer dans ses bras, même en songe.

  Serymar lui tendit une étoffe humide qu’elle lui arracha des mains pour s’essuyer le front ruisselant de sueur. Elle sentit peser sur elle son regard. Elma se sentait encore incapable de le croiser.

— Franchement… N’y avait-il pas un moyen d’y parvenir ? demanda-t-elle.

— Oui, mais le sortilège aurait été beaucoup moins puissant et plus enclin à échouer, même avec ma maîtrise, lui répondit Serymar. Et, au vu de l’urgence de la situation, je ne pouvais pas me permettre le moindre risque.

— Je suppose que vous avez vu tout ce qui s’y est passé ?

— Oui. Tu as bien transmis le message. À Karel d’en faire usage ou non, désormais.

  Elma se félicita de ne pas en avoir trop dit à Karel, bien que l’envie de lui dévoiler la vérité, de lui dire qu’elle se battait de son côté pour le protéger avait été très forte.

— Comment connaissez-vous ces êtres immondes ? questionna-t-elle pour changer de sujet.

— Une de leurs femmes m’a porté et l’a payé de sa vie dans le sang. Chez ces imbéciles arriérés, le sens de l’expression « donner la vie » est pris au mot près.

  Cela avait au moins eu pour conséquence de restreindre leur communauté.

— Mais vous ne leur ressemblez même pas !

— Les temps nous changent, répondit Serymar d’une voix énigmatique.

  Elma le dévisagea, sourcils froncés. Quelque chose s’était passé, c’était certain. Elle n’insista pas pour l’instant. Quand il répondait de cette façon, cela signifiait qu’il ne comptait pas répondre à ses interrogations. Elle ne pouvait pas croire que le temps pouvait changer certaines caractéristiques physiques à ce point. Des cheveux blancs et des rides, elle voulait bien, mais le temps n’avait aucune emprise sur Serymar. Seul son regard témoignait d’une expérience bien plus longue que son apparence le laissait soupçonner.

— Qu’y a-t-il, sur ces deux chemins ? demanda-t-elle.

— Des pièges magiques et Avancés. Si les pièges magiques peuvent se modifier avec le temps, ce n’est pas le cas des structures Avancées. Ils ont plus de chances de s’en sortir contre des pièges enchantés. Crois-moi, j’en sais quelque chose. Je m’y entraînais en cachette, autrefois. Ces abrutis maîtrisent les deux chemins. Nombre de leurs victimes sont mortes sur les pièges Avancés, faute de connaissances pour les contrer. J’ignore ce qui les attend avec précision, toutefois.

  Elma remarqua que la coupure qu’il s’était infligée avait déjà disparu sans laisser de marques. Il avait aussi retiré toute trace du sceau qu’il avait dessiné précédemment avec les deux sangs combinés sur son bras.

  D’un geste machinal de la main, Serymar fit apparaître une assiette avec du pain et des fruits.

— Reprends des forces. Ce n’est pas terminé. Je suis désolé de t’infliger ça, mais tu es la clé pour sauver Karel. Le prochain sortilège que je risque d’utiliser sera pire que celui-là.

— Que s’est-il passé, à l’intérieur de cette effrayante chose ? interrogea Elma en saisissant le pain.

— Je l’ignore. Cette structure est composée de matière anti-magie, de manière à ce que ses prisonniers ne puissent ni s’échapper ni se faire entendre. Je n’ai pas réussi à la réduire en miettes à l’époque à cause de ça.

  Elle le fixa longuement. Peut-être que son meilleur moyen d’en savoir plus sur la Prophétie et sur ses motivations, ce n’était pas d’agir dans son dos.

— Comment pouvez-vous être certain que Karel ne se trompera pas de décision ?

— Karel est intelligent. Je lui ai appris à réfléchir, à voir au-delà des choses et à savoir mettre ses ressentis de côté pour être capable de garder la tête froide en toute circonstance. Mais il reste un jeune humain qui doit encore acquérir de l’expérience. Le risque qu’il s’entête de manière stupide est bien présent, mais je connais parfaitement sa façon de mener ses réflexions. Et si malgré ça, il s’entête… Eh bien, il en paiera les conséquences. À ce stade, je ne pourrai rien faire de plus pour lui.

  Elma préféra ne pas relever.

— Si tu veux vraiment que Karel s’en sorte, il va falloir que tu fasses précisément ce que je t’ordonne de faire.

— Dois-je faire quelque chose de spécial ?

— Non. La même chose, penser à ton amour pour lui le plus fort possible. Je me charge du reste.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Eylun ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0