Chapitre 37

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  La tension était palpable. Au moins avaient-ils été détachés, mais demeuraient prisonniers sous cette tente bien gardée et privés de leurs pouvoirs. Wil était le plus nerveux et le plus abattu. Karel aurait souhaité l’encourager mais se heurta aux murs de sa propre prison invisible. Comme beaucoup de personnes, Wil ne devait certainement pas comprendre la langue des signes, et ces étranges plaques circulaires de métaux incrustés dans leur main les empêchait d’utiliser la moindre magie. Karel soupira de dépit. Il avait horreur de se sentir aussi impuissant avec ce simple problème qui lui gâchait l’existence.

  Lya s’accroupit face à Wil.

— Eh… Je sais que nous sommes partis sur de mauvaises bases et que c’est facile à dire mais… Ta situation est si catastrophique que ça, chez toi ?

— Qu’est-ce que ça peut te faire ?

  Lya ne se démonta pas.

— Eh bien, ça me fait que si tu es dans un tel état, nous ne risquons pas de remporter cette bataille. Beaucoup trop de choses sont en jeux, et on va dire que oui, ça me dérangerait de me dire que j’aurais beau tout donner, je ne pourrais pas gagner contre ces tarés à cause de quelqu’un qui ne s’y sera pas mis à fond. Je n’ai pas envie d’être entraînée dans ta chute.

« Toujours aussi franche. » songea Karel.

  Aquilée voulut réagir mais il la retint par une épaule pour lui intimer de ne pas intervenir. Lorsque la jeune fille se tourna vers lui pour l’interroger du regard, Karel porta son index sur ses lèvres pour se faire comprendre.

« La brusquerie de Lya n’est pas dénuée de sens. »

  Ils étaient dans une situation critique. S’il comprenait que Wil semblait cumuler beaucoup de choses très compliquées sans en voir le bout, il avait justement besoin d’un électrochoc. Désespérer ne les mènerait à rien.

  Lya avait bien compris qu’aucune parole réconfortante n’atteindrait Wil maintenant. Elle avait toujours le courage de dire les choses en face, quitte à mal se faire mal voir, à partir du moment où cela permettait aux autres d’aller de l’avant. Karel y avait déjà eu droit plusieurs fois.

— Tu as une drôle de manière de parler aux gens, ironisa Wil.

— Parce que te dire que tout va bien se passer si on se serre les coudes t’aurait rassuré, peut-être ? riposta Lya avec une expression espiègle. Sois honnête ! Tu m’aurais envoyée bouler !

  Wil la fixa dans les yeux. Il fut pris d’un rictus inattendu et lui envoya une pichenette sur le nez.

— Un point pour toi, la rouquine.

— Lya. Je m’appelle Lya. Et ne t’avise plus de me toucher comme ça.

— C’est pour la claque d’hier. Nous sommes quittes, brutasse.

— Tu la méritais, la claque. Il n’y a donc pas de retour à avoir là-dessus.

  Aquilée se détendit. Karel la relâcha et échangea avec elle un regard entendu. Wil finit par se relever.

— Tu as raison. S’apitoyer ici ne sauvera pas ma mère. On récupère mon orbe, mon navire et on part aussi vite que possible. Chez moi d’abord. Une vie passe avant tout le reste.

— Cela me paraît raisonnable, acquiesça Whélos. Crois-moi que je ferais de mon mieux pour vous aider, ta famille et toi. En espérant que la mer soit praticable. Pendant que vous effectuerez les réparations sur ton navire, j’irai en ville me procurer de quoi essayer de soulager ta mère. Mais je ne te garantis rien, encore une fois.

— Tant que vous tentez le maximum, ça me conviendra, assura Wil. Merci beaucoup.

  Whélos posa une main sur son épaule et lui offrit un regard solennel.

— Crois-moi. Je ferai tout mon possible.

  Karel se sentit soulagé de constater que Whélos était lui-même prêt à mettre en pause leur quête, quitte à devoir faire un aller-retour supplémentaire. Cela le rassura sur le genre de personne qu’il était.

  Il se demandait comment expliquer ce qu’il savait sans éveiller les soupçons. La méfiance l’étouffait. Devait-il vraiment croire Serymar, sur ce coup-là ? Le jeune homme se remémora chaque détail pouvant concerner cette histoire et espéra trouver des indices qui lui indiqueraient la bonne voie.

  Dire qu’il ne se sentait pas troublé après ce songe imposé aurait été mentir. Mettre un nom sur les personnes qui avaient composé son passé ne le laissait pas indifférent. Cela comblait enfin un manque qu’il n’avait jamais su combler. Si quelqu’un prononçait leurs noms, il ne se demanderait plus s’il connaissait cette personne ou non. Mais les nommer avait cet inconvénient d’attester que ce qu’il avait vécu aux Monts de la Mort avait été réel. Entendre la voix d’Elma l’avait profondément troublé, confirmant le mensonge auquel elle avait pris part.

« Je ne peux plus le nier… Si j’ai survécu jusqu’ici, c’est grâce à lui. »

  Cette vérité lui faisait peur. Deviendrait-il un monstre, lui aussi ? Un détail lui revint en mémoire.

« Si je suis son ennemi, pourquoi me laisse-t-il vivre ? Pourquoi se donner la peine de me prévenir par le biais d’Elma ? C’est la preuve qu’il cherchait vraiment mon attention. Ou peut-être pour me manipuler. Encore. »

  Karel soupira. Comment savoir ?

— Karel ?

  Il revint à la réalité et se rendit compte que tout le monde le fixait avec curiosité. Lya avec inquiétude, comme souvent.

— Ils vont venir d’une minute à l’autre, rappela Wil. Ça serait bien que tu sois plus concentré.

  Karel ne trouva rien de mieux que de s’excuser par un geste de la main.

— Tenez-vous prêts, avertit Whélos.

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