Ils arrivèrent enfin au sommet, à l’air libre. À leur grand soulagement, ils étaient les premiers. Mais de peu. Les elfes noirs ne tardèrent pas à arriver, la contrariété déformant leurs visages.

  Un silence tendu s’installa entre les deux groupes. Le gourou fit un geste de la main. L’un de ses coéquipiers lui tendit un sac, que le gourou jeta à Wil avec mépris.

— Vous avez regagné l’orbe.

  Wil voulut se dépêcher d’accrocher le sac à son épaule après en avoir attesté la présence de son précieux bien. Whélos attira son attention d’une légère pression sur son épaule.

— Confie-moi ton trésor. Il vaudrait mieux que tu ne sois pas gêné dans tes mouvements, tu es plus apte à les affronter que moi. À quel point cet objet est-il solide ?

— Il l’est, ne vous en faites pas pour ça, assura Wil. J’espère que je peux vraiment vous faire confiance…

— Tu as ma parole. Je protégerai cet orbe au péril de ma vie. C’est le mieux que je puisse faire dans cette bataille. Allez, sors vite ton artéfact et garde courage, mon garçon. Nous sommes là pour t’aider.

— …à présent, vous allez mourir ! tonna le gourou.

  Whélos recula et accrocha le sac de manière sécurisée. Il plongea la main dans sa propre besace pour sortir quelques sorts jetables et serra son grand bâton de voyage, prêt à en découdre. Les quatre Sorciers qui brandirent leurs artéfacts respectifs et se placèrent devant lui.

 Une immense cage de ronces les emprisonna. Lya brûla les piques qui surgirent à l’intérieur pour les empaler. Karel profita de cet amenuisement de résistance pour créer une ouverture avec ses pouvoirs psychiques. Aquilée le soutint avec une bourrasque violente pour forcer les ronces géantes à plier. Ils fondirent vers la sortie ainsi créée.

  Un elfe entama un mouvement pour les égorger. Wil lui envoya un coup de poing dans la figure, pivota sur lui-même pour lui assener un coup de coude dans les côtes. Dans le même mouvement, il tendit la main vers un second adversaire et l’assomma avec une masse aqueuse qu’il invoqua. Son premier adversaire enroula son bras autour de son cou et s’apprêta à le transpercer d’un sort dans le dos.

  Lya lui porta secours in extremis en brûlant la main de l’elfe qui recula en hurlant de douleur. Wil abattit ses poings sur son crâne pour l’assommer pendant plusieurs heures. Afin de ne plus se faire prendre à revers, il se mit dos à dos avec Lya.

— Pas mal, tu te débrouilles bien ! lui fit-il en brandissant sa boussole face à lui.

— Tu es plutôt dégourdi dans ton genre, aussi !

  L’inquiétude saisit Wil en voyant l’un de leurs adversaires foncer sur Whélos. Le chercheur esquiva habilement la première attaque et tenta d’assommer son adversaire avec son grand bâton. L’elfe esquiva et envoya un sort de vent pour le faire tomber du haut du sommet. Whélos riposta en lançant un sort jetable qui déploya un bouclier magique qui dura deux secondes. Il profita de la surprise de son adversaire pour se servir du sac avec l’orbe comme d’un fléau pour l’envoyer dans la tête de son ennemi, sous le regard incrédule de Wil.

— Attends, c’était donc pour ça, sa question ?

  Lya le repoussa sur le côté et brûla des ronces qui surgirent du sol.

— Arrête de t’en faire et concentre-toi ! Whélos gère, ne t’en fais pas !

  Harcelé par les attaques du gourou et son acolyte, Karel échangea un regard entendu avec Aquilée qu’il aidait pour esquiver les coups. L’acolyte elfe invoqua une barrière de feu qui les poussa vers le vide. Aquilée repoussa les flammes d’un sort. Karel profita de l’ouverture pour se lancer vers l’avant et contra la lance de l’elfe avec son épée. Il se repoussèrent et Aquilée prit en duel le gourou. Il la saisit par la gorge.

— Invoque tes ailes, que je te les arrache pour décorer ma demeure ! éructa-t-il.

  Aquilée lui donna un coup de pied dans son entrejambe, comme le lui avait appris Lya. Surpris, la prise se desserra et elle recula.

  Karel éprouvait des difficultés avec son adversaire qui maîtrisait le feu. Il n’avait pas l’avantage. Après avoir échappé à la main de son adversaire pour le brûler, Karel attaqua l’elfe de son épée pour l’obliger à parer ses coups. Il profita de cette diversion pour lui arracher sa lance par télékinésie. Mais l’elfe résista. Il riposta en rendant la garde de l’épée si brûlante que Karel fut obligé de la laisser tomber dans un fracas métallique. Il recula vivement. L’elfe le repoussa de sa lance enflammée jusque vers le précipice. L’appréhension gagna Karel. Ses compagnons étaient harcelés d’attaques et il ne pouvait pas crier pour appeler à l’aide.

  Whélos jeta son adversaire dans le précipice avec le sac de Wil. Aquilée se débattait avec le gourou, Karel était acculé, et Lya et Wil combinaient leurs gestes pour prendre le dessus. D’un geste habile, il lança un sort jetable sur son bâton de voyage qui se rallongea de trois mètres qu’il dirigea vers le gouffre derrière Karel.

— Wil ! appela-t-il.

  Le Sorcier comprit et tendit sa boussole vers le précipice, laissant Lya le protéger.

« Merci, Whélos. »

  Karel se baissa pour éviter de justesse de se faire transpercer la gorge par la lance de son adversaire et sauta dans le vide. Il s’accrocha au bâton rallongé de Whélos qui pivota sur lui-même pour le ramener sur la terre ferme à l’aide du bras d’eau que créa Wil pour le soutenir. Karel profita de cet élan pour atterrir à pieds joints sur le torse du gourou pour le faire trébucher plus loin et libérer Aquilée. Le grand bâton de Whélos reprit sa forme initiale. Karel tira Aquilée par les épaules pour l’aider à se relever.

  D’un mouvement vif du bras, elle déplaça l’épée de Karel dans sa direction. Le jeune homme l’attrapa au vol et posa aussitôt une main à plat sur la roche pour faire surgir une multitude de lianes qui ligotèrent leur adversaire. Ces dernières se refermèrent sur du vide.

  L’elfe le toisa froidement.

— Tu penses vraiment être de taille contre moi ?

  Karel le défia du regard et raffermit la prise sur son artéfact. Non, il n’était pas certain de le vaincre. Mais pour sa sœur et ses amis, il donnerait son maximum. Dans ce domaine, il avait eu un excellent mentor.

  Il se redressa de toute sa hauteur et rendit l’expression de son adversaire. Serymar lui avait toujours inculqué de ne jamais baisser la tête, surtout devant plus fort que lui. Qu’il valait mieux se murer derrière une expression de glace que de montrer le moindre signe d’appréhension. Lya aussi était devenue douée à ce jeu.

  Karel planta son regard féroce dans celui de l’elfe et tendit l’épée dans sa direction.

« Allez, viens. Je ne te laisserai pas le temps de t’en prendre aux autres ! »

  Wil poussa Lya plus brutalement qu’il l’avait souhaité et serra les dents lorsqu’une ronce le blessa au bras. Il recula, esquiva le coup de poignard de son adversaire. L’elfe le fit trébucher avec sa magie terrestre et fondit sur lui, lame au poing.

  L’arme qui rougeoya avec intensité et il hurla de douleur. Wil lui donna un coup de tête et Lya enchaîna avec un large coup de pied circulaire pour le dégager de Wil. Elle brûla aussitôt la surface rocheuse derrière l’elfe en jetant un œil entendu à Wil. Ce dernier profita de l’étourdissement de son adversaire pour le pousser dans ce périmètre et acheva de fragiliser la zone en invoquant une masse d’eau. De par ce poids, le sol céda sous l’elfe et le fit tomber dans les salles piégées sous la montagne.

  Le gourou disparut. Karel resta sur ses gardes.

« Souviens-toi. Attaquer au moment où je ressens sa présence. »

  Il se retourna vivement pour contrer l’attaque soudaine du gourou. Leurs armes s’entrechoquèrent.

— Comment un humain peut-il contrer ça ? fulmina le gourou en se dégageant.

« Après une bonne centaine de chutes dans la terre et la cendre. » répondit Karel avec une lueur provocatrice dans les yeux.

  L’elfe disparut de nouveau. Karel contra en l’air, juste au-dessus de sa tête et repoussa le gourou qui disparut encore. Il était si rapide que Karel n’avait pas le temps d’appeler ses pouvoirs. Les apparitions de l’elfe se firent de plus en plus violentes et vivaces. Le choc de leurs armes résonnait dans le vent.

  Soudain, un mur de vent et de feu l’entoura. Karel put enfin souffler et aperçut Lya et Aquilée unir leurs pouvoirs pour empêcher l’elfe de continuer à le harceler. Une fois hors de danger, le mur disparut.

— Un peu de compagnie, ça te dit ? envoya Wil en se plaçant à côté de Karel.

  Le gourou reparut à quelques mètres en face d’eux. Il envoya une onde de choc psychique sur le groupe. Il réitéra aussitôt son attaque, plus forte et fondit sur Whélos.

  Karel plaqua une main sur sa lame qui brilla et érigea soudain un mur de terre pour ralentir l’elfe qui bondit par au-dessus. Cela permit à Whélos de prendre un peu d’avance, mais il ne pouvait pas rivaliser avec la rapidité d’un elfe. Wil le repoussa vers l’arrière avec un mur d’eau. Aquilée aida Whélos à s’éloigner en moins de quelques secondes en augmentant sa vitesse avec ses pouvoirs.

  L’elfe traversa le mur d’eau qu’il déchira en deux. Lya invoqua un rideau de feu. Tremblant d’une rage meurtrière, le gourou le traversa et se jeta sur elle pour la poignarder. Une force invisible le jeta sur le côté. Karel, le cœur battant, avant sa main tendue.

  L’elfe se téléporta de nouveau pour leur faire face. Whélos se rapprocha des Sorciers.

— Je vais vous créer une ouverture.

— Whélos, non, c’est trop dangereux ! contra Aquilée.

— Aie confiance en moi, Aquilée, je sais ce que je fais, assura Whélos. N’y allez pas de main morte, il est fort. Œuvrez ensemble. C’est votre seule chance de vaincre un Mage. Appelle le don de Zmeï et envole-toi.

— Je vais vous réduire en poussière et vous irez nourrir l’arme ultime ! cria l’elfe.

  Il envoya une autre onde psychique meurtrière que ses adversaires parvinrent à contrer. Aquilée se transforma et prit son envol. L’elfe tendit la main vers elle mais Whélos se jeta sur lui et l’attaqua.

  Décidant de faire confiance au chercheur, Karel pointa son arme vers Aquilée et lui envoya quelques monticules de terre qui gravirent autour d’elle grâce au vent qu’elle déployait.

— Je ne comprends pas ! s’écria Wil.

— Moi oui ! Faisons comme lui ! lui indiqua Lya.

  Ils imitèrent Karel. Les trois éléments tournèrent autour d’Aquilée. Le feu et l’eau s’intensifièrent, les pierres s’y mêlèrent.

  L’elfe fut un instant saisi par la surprise. Whélos profita de son affolement pour lui lancer un sort jetable à la figure. Le corps de l’elfe se paralysa.

— Non ! hurla-t-il.

  Le sort combiné ayant enfin gagné en puissance, Aquilée le lança à une vitesse vertigineuse sur l’elfe pendant que Whélos s’éloigna en courant. Le sort fit trembler la terre autour d’eux, dévastateur. Des morceaux du terrain se détachèrent et tombèrent dans le vide.

  Le silence revint après de longues secondes. Tout le monde se releva, l’elfe avec le plus de difficulté, haletant, à genoux sur le sol. Whélos revint vers lui avec une expression froide.

— Nous avons gagné. Vous devez tenir votre promesse et nous libérer. Avec l’orbe.

  L’elfe le regarda avec haine.

— Il n’était pas… prévu… que vous utilisiez ces choses !

— Vous ne l’aviez pas précisé, contra Whélos. Nous avons respecté vos règles. Vous devez nous laisser partir, maintenant.

  Sur ces mots, il lui tourna le dos et se dirigea vers Wil, à qui il donna le sac contenant l’orbe.

— Je suis un homme de parole. Voilà ton bien.

  Wil le passa par-dessus une épaule avec une expression reconnaissante.

— Merci. Allons-nous-en, s’il vous plaît. Je ne supporte pas cet endroit.

  Ils se rassemblèrent pour entamer la descente. Aquilée reprit sa forme normale. Lya posa une main sur l’épaule du marin.

— Allez, courage. Allons rejoindre ton navire. Il est temps que tu retrouves les tiens.

— Vous n’irez nulle part ! éructa une voix terrifiante. Les pouvoirs des Dragons sont à moi, À MOI !

  La peur glaça Karel. Il se jeta vivement sur Aquilée et l’air s’échappa soudain de ses poumons quand douleur atroce s’enfonça entre ses omoplates et le paralysa.

  Sa conscience disparût sous le hurlement déchirant de Lya.