Chapitre 40 - 1*+[F]

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  100 ans plus tôt.




  Jamais Serymar n’avait connu tant d’apaisement, même auprès de Valkor. Son esprit était léger, débarrassé du poids écrasant de ses angoisses permanentes. Il avait l’impression de respirer pour la première fois de sa vie.

  Une enivrante odeur de lavande et de sel iodé. Une douce sensation de soie sous son visage. Une présence contre la sienne. Il ressentait chaque parcelle de sa peau. Jambes entremêlées, elle était prisonnière de ses bras, les doigts croisés ensemble. C’était la première fois de sa vie qu’il ne dormait pas sur le qui-vive. Une énergie nouvelle l’envahissait. Il se réveilla enfin.

  Focalisé sur Syriana, il lutta contre son envie de sonder ses pensées pour assouvir sa curiosité. Cela ne serait pas correct.

  Elle remua. Il souhaita la libérer mais la prise sur sa main se resserra en un message silencieux de rester. Il n’opposa aucune résistance. Syriana le libéra et lui fit face. Serymar se perdit dans l’émeraude de ses yeux. Il les trouvait magnifiques. Le vert était la couleur de la vie, ses prunelles étincelaient d’intelligence, sa force de caractère brillait au fond de son regard. Les yeux étaient le reflet de l’âme et il ne se lassait pas de contempler la sienne. Cette dernière lui faisait écho, comme si elle résonnait avec son âme à lui. Il la désirait.

— Bonjour, lui sourit-elle.

  Il ignorait comment lui exprimer sa reconnaissance de l’avoir libéré de cet étau spirituel dans laquelle il avait été prisonnier depuis toujours. Il s’arracha de sa contemplation.

— Je suis désolé. Pour tout ce que je t’ai fait subir.

  C’était une promesse. Il lui devait bien ces efforts. Les yeux de Syriana étincelèrent et elle lui vola un baiser sur les lèvres. Trop fugace.

— Excuses acceptées, déclara-t-elle d’une voix suave.

  Serymar ne se sentait pas encore à l’aise avec ces gestes. Ils ne lui étaient pas naturels. Un autre problème auquel il comptait remédier. Il serra leurs doigts emmêlés. Son index libre longea la mâchoire de Syriana et glissa jusqu’à sa clavicule.

— Je voudrais tant effacer cette agression dans l’auberge qui nous a accueilli.

  Quand il lui avait sauté dessus, immobilisée et menacée. Encore une fois. Ce moment où elle l’avait affronté sans faillir. À cette réflexion, Serymar se rendit compte qu’il trouvait Syriana magnifique.

  Il se plaça au-dessus d’elle, mains de chaque côté de sa tête. Une vague d’euphorie le gagnait, sa raison perdait du terrain sur ses pulsions muselées. Syriana lui offrit un sourire espiègle lorsqu’elle comprit sa question silencieuse.

— Accordé, s’amusa-t-elle, avide de désir.

  Il se rallongea à côté de Syriana et la ramena contre lui. Il embrassa sa nuque, son épaule, le creux entre ses omoplates. Elle frissonna de plaisir et renversa sa tête en arrière quand il frôla chacune de ses courbes et qu’une main glissa jusqu’à son entrejambe. Elle gémit de plaisir et laissa le désir s’emparer de son être pour réduire leur univers à eux deux.

***

Monts de la Mort, ère actuelle.

  Elma apporta un panier empli de bocaux dans le bureau où travaillait Raël. Elle soupira de soulagement après avoir déposé son fardeau. Elle avait passé toute la matinée à fabriquer les conserves.

— Peux-tu consigner tout ça, s’il te plaît ? lui demanda-t-elle. Il va encore falloir nous rationner… ou nous ne tiendrons pas le mois.

  Raël tira le panier vers lui. Elma remarqua qu’il avait l’air contrarié.

— Un problème ?

  Le jeune homme lui offrit une moue gênée.

— C’est le Sorcier de l’Eau, qui m’importune. Je ne le sens pas.

— Je vois.

  Elma ignorait comment se positionner à ce sujet. D’un côté, elle ressentait de la peine pour lui. De l’autre, elle s’inquiétait de sa jalousie envers Karel, exacerbée par Serymar qui ne manquait pas de souligner qu’il avait été meilleur. Ce qui était la pire manière de motiver quelqu’un.

« Je devrais peut-être lui en toucher un mot… Il ne sait vraiment pas y faire. »

— Sous prétexte qu’il a des pouvoirs, il se croit supérieur à nous ! s’irrita Raël. Je ne supporte pas ce genre de personne ! Karel ne nous a jamais traité de la sorte quand il était là !

  Le cœur d’Elma se serra. Elle ne cessait de penser à lui, plus encore depuis qu’elle l’avait revu. Cette vision lui avait provoqué un choc. Son petit garçon avait bel et bien disparu. Elle aurait tant souhaité lui dire tout ce qu’elle savait, mais cela aurait été se trahir auprès de Serymar. Elle était dans une impasse.

  Elma se dirigea vers la porte.

— Oui… Pourtant, aucun d’entre nous ne s’est comporté comme il le méritait. Ce n’est pas étonnant qu’il ait choisi de partir, conclut-elle avec tristesse.

  Elle s’en alla et remonta jusqu’à sa chambre. En chemin, elle se remémora ce songe enchanté. Elma aurait tant souhaité le serrer dans ses bras. Karel n’avait pas fait de pas vers elle, confus, perdu entre sa peine et sa rancœur. Il n’avait pas su comment réagir. Elle ne lui en tenait pas rigueur. Elle n’en avait pas le droit.

« J’aimerai tant faire face à sa famille pour leur présenter mes excuses… »

  Elma poussa la porte de sa chambre et la verrouilla. Elle rejoignit son lit et libéra de l’oreiller les lettres et l’araignée mécanique enveloppée dans un tissu. Lorsqu’elle parcourut les lignes de Syriana, elle fut surprise de voir que son écriture était plus fluide. Aucune nervosité ne déformait ses lettres.

  « Je ne pensais pas en arriver là. Cette proximité était inattendue, mais l’idée que je puisse apporter quelque chose à quelqu’un, guérir son cœur et lui montrer que l’on peut vivre autrement, est quelque chose de gratifiant. Je pense que nos sentiments ont commencé à naître dans cette auberge sordide, depuis ce jour où il a défendu mon honneur. Il m’a tendue la main pour la première fois, de sa propre initiative, l’adrénaline semblant l’avoir momentanément aidé à ne plus redouter le contact physique. Finalement, il a décidé de ne pas m’abandonner. »

« Ainsi, vous vous êtes donc bel et bien rapprochés. »

  La jeune femme avait du mal à se l’imaginer. Pourtant, elle savait qu’il s’agissait de la vérité. Une seule fois dans sa vie, Serymar avait accordé sa confiance à quelqu’un. Une boule se forma dans sa gorge.

« Pourquoi pas à moi ? »

  Elle jeta un œil à l’étrange objet métallique qu’elle avait trouvé. Petit et fort laid, composé de pièces en divers métaux, certainement de facture Avancée et faisant penser à une araignée. Les pattes étaient composées de fins tuyaux. Elma hésita pendant une seconde, mais elle devait en avoir le cœur net. Un souvenir de Syriana y était lié. Serait-il aussi violent que ceux de Serymar ?

— Pour Karel, s’encouragea-t-elle.

  Elle posa la main sur l’araignée de métal et son corps fut aspiré au travers de quelque chose d’indéfinissable.

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