Chapitre 54 - 2

7 minutes de lecture

  Wil se laissa emporter par le courant. La vitesse était vertigineuse. Grâce à ses attributs aquatiques, il put garder un minimum de contrôle sur ses mouvements pour ne pas être balloté dans tous les sens, et encore moins de faire une chute mortelle si la vague venait à l’éjecter.

  Aquilée déploya une sphère de vent qui se réduisit drastiquement au fil des secondes. Wil la repéra. Il dirigea son pouvoir à ses pieds et créa des geysers pour gagner en vitesse et contrer la force de l’eau.

  Wil tendit la main et parvint à saisir de justesse Aquilée par le col alors que sa bulle d’air s’anéantissait. Wil l’attira contre lui pour éviter que l’eau ne les séparent et invoqua aussitôt une bulle d’air autour de la tête d’Aquilée. Prisonniers de la vague géante tournoyant autour de la Tour, Wil se concentrait à ne pas se laisser éjecter.

— Tu peux ouvrir les yeux et respirer normalement.

  La jeune fille obéit et s’accrocha aussitôt à son cou.

— Je peux faire quelque chose pour t’aider ? demanda-t-elle.

— Juste atterrir sans te casser la figure ! Prête ? Un !

— Quoi ?! Attends, Wil, je…

  Wil ne lui laissa pas le temps de réfléchir. Tout allait beaucoup trop vite, il n’avait que peu de marge de manœuvre. Il n’eut pas le temps de compter jusqu’à deux. Lorsqu’il repassa à quelques mètres de l’entrée, il expulsa Aquilée hors de l’eau à plus grande vitesse qu’il ne l’aurait voulu. Elle disparut aussitôt de son champ de vision pendant que le torrent l’emportait.

  Karel et Lya rattrapèrent Aquilée pour lui éviter une chute mortelle à l’intérieur de la Tour. L’élan fut si violent qu’ils tombèrent tous les trois à terre.

— Je… je suis désolée !

  Karel lui fit signe que ce n’était rien.

— Et Wil ?

  Le jeune homme regarda le torrent avec une pointe d’appréhension.

« Wil, je t’en prie, sors de là ! »

  Son inquiétude fut très vite balayée par une forme qui déboula à une vitesse vertigineuse du torrent. Karel tendit sa main pour le freiner, mais Wil atterrit violemment à l’intérieur de la Tour et disparut sous leurs yeux dans un puits géant débordant d’eau à même le sol.

— C’est très profond ! s’inquiéta Lya. J’espère qu’il n’y a pas de piège là-dessous…

  Plusieurs bulles apparurent sur la surface. Wil sortit à une vitesse folle, son artéfact animé d’une lueur bleutée, des geysers sous ses pieds. Le jeune homme atterrit en catastrophe auprès du rebord, pâle comme s’il avait vu un mort.

  Tout le monde se précipita pour l’aider à se relever.

— Ça va, Wil ? s’enquit Lya.

  Le concerné effectua un rapide examen de sa personne et il souffla de soulagement.

— Oui. Je crois. Attends… J’ai tous mes doigts, mes deux bras et ma tête… Oui, je crois que je vais bien ! Sauf que mes genoux font des claquettes, là, je crois que j’ai besoin de quelques secondes pour me remettre.

  Karel afficha une expression soulagée. Si Wil était capable de faire de l’autodérision, il en conclut donc qu’il allait bien. Il avait remarqué que leur nouveau compagnon usait souvent de ce stratagème pour gérer sa nervosité.

— Wil, qu’est-ce qu’il y a, au fond de ce puits sombre ? questionna Lya, les sourcils froncés.

— Des lames géantes ! s’écria Wil. Elles se sont activées dès mon approche ! Cette fichue vague m’a propulsé directement dedans ! Heureusement que j’ai des réflexes !

  Il inspira profondément, acheva de se relever.

— Désolé…

— Tu n’as pas à l’être, le réconforta Aquilée. C’est normal, d’avoir peur.

  Wil répondit par un sourire gêné et se releva.

— Allez, c’est passé, on y va ? Nous n’avons que très peu de temps pour revenir chez moi.

  Karel ne put s’empêcher de ressentir de la peine pour leur nouveau compagnon. Il n’osait pas s’imaginer à quel point ce qu’il devait vivre devait être difficile et angoissant.

  Aussi se motiva-t-il à observer les lieux plus en détail, déterminé à l’aider jusqu’au bout. Peu importait ce qu’en dirait Phényxia. Elle comme d’autres. Ils devaient en finir au plus vite ici. Une vie était en jeu, et bientôt les leurs s’ils ne parvenaient pas à lever la malédiction sur la mer. S’ils n’y parvenaient pas, ils resteraient à jamais coincés ici, et ce malgré le navire performant de Wil.

  Comme à l’extérieur, les murs étaient bleutés et le sommet n’était pas visible depuis leur position. En raison de la quantité astronomique d’eau tout autour d’eux, l’air était extrêmement humide.

  Karel fit le tour de la pièce en prenant garde à ne pas trébucher à l’intérieur du puits, dont la profondeur n’était pas visible. Qu’il sache nager ou non, il n’aurait aucune chance de s’en sortir contre les lames meurtrières au fond du puits géant.

  En levant le regard vers le haut, il aperçut de nombreuses masses d’eau flottant de part et d’autre. C’était un spectacle plutôt étrange. Karel plissa les yeux, cherchant à comprendre, mais il ne parvint pas à déceler une quelconque logique dans les déplacements flottants de ces courtes chutes aqueuses.

— Mh. Pour moi, ça serait faisable, commenta Wil. Mais pour vous, c’est une autre histoire. Et je me vois très mal faire face au Dragon fou tout seul. Faudrait être cinglé pour tenter d’affronter leur malédiction individuellement !

— Et inonder les lieux afin de nous faire flotter jusqu’au sommet serait beaucoup trop risqué, analysa Whélos en examinant le puits géant. Si des pièges se déclenchent, nous ne serons pas aussi agiles que toi pour nous y dérober.

  Un silence accueillit ses paroles.

— Ça va vous paraître dingue, ce que je vais vous dire, mais… du peu que j’ai pu voir, les choses vont très vite, ici, et la malédiction est imprévisible, intervint Lya. Je pense que pour une fois, il ne sert à rien de réfléchir trop longtemps à la situation. Nous devons y aller et nous faire confiance. Wil peut se propulser où il le veut. Karel peut interagir avec la pierre. Aquilée sait désormais voler. Nous devons juste faire très attention à ces chutes flottantes.

— Attends, tu veux dire… foncer dans le tas ? releva Aquilée.

— Je ne sais pas pourquoi, ça ne m’étonne pas ! railla gentiment Wil.

  Karel prit quelques secondes de réflexion et se plaça aux côtés de sa sœur. Il posa une main sur son épaule en regardant les autres avec sérieux. C’était certes surprenant, mais après avoir pesé le pour et le contre, il avait compris qu’elle avait raison. Réfléchir à une solution toute prête ne leur servirait pas à grand-chose, au vu de l’imprévisibilité des lieux. À part à les conditionner et à les surprendre lorsqu’un piège se déclencherait. Alors il soutint sa sœur et fit face à tout le monde avec elle. Lya lui répondit par un regard reconnaissant.

  Pour l’aider, Karel signa quelques mots et appuya les propos de Lya. Il indiqua qu’ils étaient tous désormais suffisamment dégourdis pour faire face au danger qui pouvait les surprendre, surtout depuis leur séjour chez les elfes noirs où ils avaient su se coordonner. Le plan n’était pas sans risques, mais en l’état actuel des choses, passer son temps à essayer de prévoir des mouvements imprévisibles était une pure perte de temps. Il rappela qu’ils avaient en plus les pouvoirs de Zmeï avec eux, désormais. Si Wil ne disposait pas de cet avantage, il avait déjà montré qu’il était capable d’être aussi rapide avec ses pouvoirs. Enfin, Karel fixa Wil droit dans les yeux et lui rappela ses propres mots : « pour moi, ça serait faisable ».

  Lya dût venir en renfort avec quelques signes de temps à autre à traduire, mais au moins, le message sembla passer.

— C’est en effet surprenant, concéda Whélos. Nous n’avons pas beaucoup de choix. Soyez très attentifs. Allons-y, mais pas tête baissée : je pense que nous aurons plus de chances si Wil et Aquilée ouvrent le chemin : ils sont tous les deux les plus à mêmes de prévoir les dangers. Nous autres allons suivre et protéger leurs arrières.

  Wil s’avança vers Lya.

— Je te prends avec moi.

  Lya recula d’un pas.

— Je ne suis pas certaine que ça soit une bonne idée.

— Allez… pour me faire pardonner de mes moqueries, insista Wil en lui tendant une main. Tes pouvoirs seront plus utiles que ce que tu penses, ici. Et je suis le plus agile et rapide en ces lieux. À nous deux, nous pourrons ouvrir la voie aux autres, bien plus efficacement que séparément. Fais-moi confiance, tu vas vite comprendre.

  Lya et Karel hésitèrent. Wil le regarda dans les yeux.

— Elle sera en sécurité avec moi, je te le garantis.

« Comment as-tu deviné ma pensée ? », s’étonna Karel.

Wil lui jeta un regard entendu.

— Tu n’es pas le seul ici à être un frère.

Karel comprit mieux et lui répondit par une expression bienveillante. Il recula, signifiant qu’il s’en remettait à lui et se dirigea vers Whélos qui lui offrit une expression reconnaissante.

— Tu es bien gentil, mais je suis plus agile que ce que l’on pense, même si je ne rivalise pas avec vous tous, et encore moins Lya et Wil. Mes voyages m’ont beaucoup aidé en ce sens ! Alors occupe-toi de nous faire monter et laisse-moi me débrouiller pour déceler les pièges.

Karel décida de lui faire confiance. Whélos avait démontré plus d’une fois qu’il avait plus d’un tour dans sa manche. Il sortit son artéfact de son dos et se prépara à appeler sa magie. Aquilée appela son pouvoir draconique et déploya ses larges ailes. Wil invita Lya à s’accrocher à son dos. Elle prit beaucoup sur elle pour ce faire.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Eylun ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0