22 avril 2020 (Poésie sans fin)

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Moi : « Mais quel con !… C’est ça, Dugenou, va les fabriquer toi-même, tes masques !… T’as qu’à le bouffer, ton molleton ! Ah là là, l’est vraiment pas possible, lui ! Et vas-y que je t’en remets une couche ! Pauv’ con, va ! Imbécile !

Elle : - C’est ce que tu écoutes qui t’énerve comme ça ?

Moi : - T’entends pas les conneries qu’il sort, l’autre crétin ?

Elle : - M’enfin, c’est juste un scientifique qui dit qu’il faut fabriquer ses propres masques…

Moi : - Oui mais il est bien gentil, Dugenou, mais je n’ai ni tissu, ni machine à coudre, ni compétence en couture !

Elle : - Ta mère t’a mal élevée.

Moi : - Laisse ma mère de côté, elle m’a montré le minimum. Je sais recoudre un bouton.

Elle : - Ouais, mais pour fabriquer un masque, ça va pas le faire.

Moi : - Mais écoute-le, le grand nigaud ! "Tout le monde peut faire un masque, pas la peine d’avoir une machine à coudre !" Gnagnagna ! Ça m’étonnerait qu’il tire l’aiguille, lui ! Connard !!! Un, j’ai la vue désormais trop basse pour pouvoir enfiler une aiguille, et deux, j’ai pas de tissu pour ça ! Non mais il veut quoi, l’autre ? Il faut que je flingue une de mes taies d’oreiller en pilou-pilou pour lui faire plaisir ?

Elle : - Mmm. Va falloir que tu m’expliques un truc. Pourquoi tu deviens grossière quand tu conduis ?

Moi : - Hein ?… Quoi ? Tu disais ?… Rhôôô non, il continue, le con !

Elle : - Je constate que la route est dégagée, qu’il fait beau, que les conditions de conduite ont rarement été aussi bonnes en pleine ville – et tu cries comme un putois depuis dix minutes. Éteins le poste, si ça t’énerve autant.

Moi : - Et alors ? Ça te gêne ?

Elle : - D’abord, je crois pas qu’en dehors d’ici, tu dirais la moitié du quart de ce que tu viens de sortir. Ensuite, oui, ça me gêne. Tu pourrais pas insulter un peu moins fort ?

Moi : - Écoute, je pense que je suis comme tout le monde. Il y a même beaucoup d’études qui ont été publiées sur le sujet : la plupart des gens deviennent grossiers quand ils se mettent au volant. C’est un fait assez largement connu.

Elle : - Heu ? Mais qu’est-ce qui vous prend, les humains ? Pourquoi on vous fait cet effet-là ?

Moi : - C’est juste qu’on est dans un espace clos où personne ne nous entend, donc on peut se laisser aller.

Elle : - Ah ouais… C’est à cause des vitres teintées ?

Moi : - Peut-être aussi. Mais tu sais, lâcher une belle flopée de jurons, ça fait le plus souvent du bien. Tiens, l’autre enflure, là, avec son ton de Balladur dégoûté, il me porte vraiment sur les nerfs.

Elle : - Une bonne vidange aussi, c’est souverain. Peut-être que c’est vrai, ce que tu dis, mais as-tu pensé à ceci : la grande majorité des insultes que les humains emploient en général sont le produit direct des rapports de domination entre groupe majoritaire et minorités – sans qu’on s’en rende forcément compte, d’ailleurs.

Moi : - Oh, toi, tu as encore eu des discussions avec Ursula !

Elle : - Ben elles sont intéressantes, nos conversations ! Je réalise plein de choses auxquelles je ne prêtais pas attention avant. Par exemple, quand on dit de quelqu’un que c’est un fils ou une fille de pute, on sous-entend qu’avoir une travailleuse du sexe pour mère est humiliant.

Moi : - Ben… oui. Je crois que c’est le but.

Elle : - Hein ?

Moi : - Enfin, quoi… le but de l’insulte, c’est d’humilier. Sinon, à quoi ça sert d’injurier les gens ? Tu voudrais faire des insultes non insultantes, toi ?

Elle : - Il doit y avoir moyen de produire des insultes non oppressives, non ?

Moi : - Il me paraît légèrement boiteux, le concept. Il ne faut pas non plus oublier que le succès de certaines insultes réside dans le fait qu’elles sont courtes. Je ne sais pas si tu vois bien, mais dire "fils de travailleuse du sexe de mes deux", ça perd singulièrement en force face à la version en trois mots.

Elle : - Ouais, je vais en reparler avec Ursula…

Moi : - Tu fais bien. N’oublie pas tant que tu y es de lui mentionner qu’il existe déjà une insule écolo : ″fumier″. Au fait, ça va toujours avec elle ?

Elle : - Bah, il y a des hauts et des bas. Ça dépend de l’humeur du moment. Elle a de la culture, dont ça nourrit la conversation, mais c’est normal pour une auto de son âge.

Moi : - Elle n’a pas l’air de bouger beaucoup.

Elle : - Encore moins que moi. Son propriétaire a un autre véhicule qu’il utilise plus souvent. Elle n’en dit pas grand-chose, mais je crois que ça lui pèse un peu. Elle est très consciente de son statut de voiture de sport, et en même temps elle se sait un rien délaissée.

Moi : - C’est curieux que ce type à la coule se soit payé une vieille Porsche. J’imagine qu’il y a des jours où elle doit être un rien gonflante, quand son côté grosse cylindrée prend le dessus…

Elle : - Ah oui, tu peux le dire ! Quand elle prend ses grands airs, elle devient une vraie pimbêche ! Et alors il faut se taper ses remarques à la con !

Moi : - Oh, pucette, tu t’entends parler ? Tu vois que tu te laisses aussi aller à la vulgarité quand tu roules ?… »

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