Moi : « Salut ! Je viens de lire une nouvelle très intéressante !

Elle : - C’est ce qui te rend toute guillerette ?

Moi : - Ouais ! Écoute un peu : (lisant sur mon smartphone) "Une nouvelle étude, résultant d’une expérience en laboratoire, montre que les anticorps produits par les lamas ont une action neutralisante sur la protéine du coronavirus." C’est grandiose, ça !

Elle : - Et ?

Moi : - C’est tout l’effet que ça te fait ?

Elle : - Excuse-moi si j’ai du mal à saisir la portée de cette info. J’ai cru un instant que tu avais trouvé le moyen de sortir du confinement.

Moi : - La solution est peut-être là, justement ! Attends, je te lis la suite : "les anticorps à domaine unique issus des lamas possèdent la capacité de se lier à la protéine spike du coronavirus. Cette protéine, en forme de pointe comme l’indique son nom, est celle qui infecte les cellules humaines. Les anticorps de lama, en se liant à cette protéine, bloquent donc sa capacité à attaquer les cellules. Ils ont alors une activité neutralisante contre SARS-CoV-2." Voilà, comme on ne sait pas quand les vaccins vont débarquer, et comme en plus ça risque de prendre du temps de vacciner tout le monde, on peut mettre à contribution les lamas et s’immuniser grâce à eux.

Elle : - Ah, c’est donc ça qui te préoccupe…

Moi : - Ben pardonne-moi si le sujet ne concerne pas directement les voitures, mais nous les humains, on aimerait sortir de la crise sanitaire.

Elle : - D’abord, qu’est-ce que c’est qu’un lama ?

Moi : - C’est une espèce de mouton à long cou et à tronche plus ou moins de chameau.

Elle : - C’est quoi, un chameau ?

Moi : - Le prof de physique-chimie que j’avais en classe de première…

Elle : - Quoi, c’est humain ?

Moi : - La plupart des chameaux que je connais sont humains, oui. Plus sérieusement, heu, un lama, c’est un animal typique d’Amérique du Sud.

Elle : - Aaaaah c’est ça la musique de l’autre jour !… Je commence à comprendre !…

Moi : - Quoi donc ?

Elle : - Tu nous prépares un voyage en Amérique du Sud. C’est magnifique ! On va enfin changer un peu d’horizon !

Moi : - Non, c’est pas prévu au programme. Et de toute façon, le jour où je pourrai y aller, je te prendrai pas avec moi.

Elle : - Non ?

Moi : - Non, Cocotte, je ne vais pas prendre un ferry-boat jusqu’à Caracas et me taper des jours et des jours de traversée rien que pour te faire plaisir. Et puis de toute façon, nul besoin d’aller jusqu’en Amérique du Sud pour trouver des lamas. Je sais où il y en a.

Elle : - Oh ? Sans blague ? Il y en a dans le coin ?

Moi : - En principe, oui. La dernière fois que j’en ai vu, c’était à Bellewaerde.

Elle : - C’est où Bellewaerde ? Dans le sud ?

Moi : - Non, c’est un parc d’attractions en Belgique, près d’Ypres.

Elle : - Ypres, je connais !

Moi : - Ce serait dommage, avec la densité de cimetières militaires qu’il y a dans ce coin-là…

Elle : - Attends, ça voudrait dire qu’il n’y a pas que des cimetières militaires en Belgique ?

Moi : - Bah… non, il y a d’autres choses à voir là-bas.

Elle : - Et tu me l’as caché ?

Moi (après un silence) : - Pas exactement…

Elle : - Par exemple, il y a aussi des lamas en Belgique ?

Moi (d’un ton soulagé) : - Oui, c’est ça. La Belgique, l’autre pays du lama.

Elle : - Et il y a encore d’autres choses cachées comme ça en Belgique ?

Moi : - Oh, en cherchant bien…

Elle : - Je me rends compte que je suis vraiment une victime de ta monomanie. On en reparlera à l’occasion, hein !

Moi : - Tu oublies que c’est moi qui décide de l’endroit où on va.

Elle : - C’est bien là le problème… Bon alors, explique-moi, c’est quoi le plan ?

Moi : - Le plan, c’est d’aller titiller les lamas.

Elle : - Titiller ?

Moi : - Oui, énerver, embêter, taquiner… Emmerder.

Elle : - Mais pourquoi emmerder les lamas ?

Moi : - On voit que tu ne connais pas Tintin.

Elle : - C’est quel modèle, Tintin ? Il est de quelle année ?

Moi : - Tintin, c’est un personnage de bande dessinée très célèbre…

Elle : - Ah ouais, la bande dessinée… Pff. Tu sais très bien que je ne peux pas lire les toutes petites lettres ; je ne déchiffre que les grands panneaux.

Moi : - Un des personnages principaux de cette bande dessinée, le capitaine Haddock, rencontre de soucis lors d’aventures en Amérique du Sud…

Elle : - Au moins, lui, il y est allé…

Moi : - Je ne suis pas sûre qu’il ait totalement apprécié le voyage. Bref, le capitaine Haddock a des problèmes notoires avec un lama qu’il a agacé d’un peu trop près. L’une des répliques les plus célèbres de l’album "Tintin et le temple du soleil", c’est "Quand lama fâché, lui cracher".

Elle : - Aaaah, c’est comme ça que tu comptes te faire immuniser !

Moi : - Tout juste ! Au fait, tu sais ce que c’est, cracher ?

Elle : - Oui, le propriétaire de Zeup fertilise souvent le sol comme ça.

Moi : - Le parking étant goudronné, je ne vois pas ce qu’il peut ferti…

Elle : - Quoi ?

Moi : - Non, rien, je ne vais pas te causer hygiène quand il s’agit de se faire cracher sur la gueule par un lama.

Elle : - Bon, je résume : tu comptes t’introduire en Flandre belge pour fâcher les lamas et qu’ils te bavent dessus.

Moi : - Quand on sera déconfinés.

Elle : - C’est ça. L’espoir fait vivre. Sinon, comment penses-tu exciter un lama ?

Moi : - Eh bien j’ai regardé des photos de lamas sur Internet, ils ont l’air moyennement aimables.

Elle : - Pas polis ?

Moi : - Non, c’est plutôt qu’ils font à peu près la même tête qu’un type qui vient de se faire mettre une amende de 135 € pour défaut de port du masque.

Elle : - Ils tirent la tronche, quoi.

Moi : - Tout juste. En les insultant copieusement et en leur tirant les poils, ça devrait le faire. (Lisant sur mon portable) "À l’inverse d’autres ruminants, à l’instar de la vache qui est peu expressive…" C’est vrai que c’est gentil, une vache, mais c’est vrai aussi que ça n’exprime pas grand-chose, un peu comme un étudiant qui sèche sur la grammaire anglaise. Je disais donc… "…le lama utilise énormément ses oreilles et sa bouche. Quand les lamas sont énervés, ils vont commencer par rabattre leurs oreilles en arrière. Puis, avec leur bouche, ils vont faire des claquements de langue. Les borborygmes créant un excès de salive, le lama va gonfler les joues, puis cracher la salive excédentaire." Ouah, un lama peut cracher jusqu’à trois mètres ! C’est ce que j’appelle du glaviot à longue portée.

Elle : - Respect. La bonne nouvelle, c’est que tu n’as pas besoin de t’approcher de la bête, tu peux l’énerver à distance.

Moi : - Mmm, va falloir réfléchir à une stratégie.

Elle : - Au fait, tu sais où se trouvent exactement les lamas belges ?

Moi : - Je suppose qu’ils sont dans un enclos quelque part. Je ne me souviens pas trop comment c’est fait, Bellewaerde. La dernière fois que j’y suis allée doit remonter à quarante ans…

Elle : - Ça vit vieux, un lama ?

Moi : - Comment veux-tu que je le sache ? OK, la première chose à vérifier, c’est de voir s’il y a toujours des lamas à Bellewaerde.

Elle : - Même vieux.

Moi (m’emparant à nouveau de mon portable) : - Ils doivent bien avoir un site Internet… Mmm, Bellewaerde… Ah. Ils n’ont plus de lamas, mais ils ont des tigres.

Elle : - Ça pose problème ?

Moi : - Ce n’est pas exactement la même chose.

Elle : - Ça ne s’énerve pas, un tigre ?

Moi : - Oh si. Je pense même que ce doit être un rien susceptible.

Elle : - Dans ce cas, tout va bien.

Moi : - Sauf que les tigres sont parmi les plus grands carnivores terrestres. Contrairement aux lamas qui mangent gentiment de l’herbe, ils ne cochent pas vraiment la case "végétariens". Ils courent vite, aussi.

Elle : - Moui… C’est curieux, j’ai déjà entendu ce mot-là, "tigre"…

Moi : - Les humains sont potentiellement des proies pour eux. On est un peu de la viande pour ce genre de bestiaux.

Elle : - Fichtre. Il y a tout ça en Belgique ?

Moi : – Entre autres. Ça et le Manneken Pis. Si tu veux mon avis, les tigres n’ayant pas d’anticorps spéciaux, ce n’est pas la peine d’aller en voir un pour tester son propre degré de comestibilité.

Elle : - Ah mais ça y est ! Maintenant, je me rappelle ce que c’est un tigre ! En fait, c’est comme un cheval !

Moi : - Pardon ?

Elle : - Oui, c’est un type de monture, comme les bourrins de l’hippodrome d’à-côté ! C’est pas Macron qui avait parlé d’enfourcher un tigre ? »