17 novembre 2020 (Doutes)

4 minutes de lecture

Elle : « Ça fait mal ?

Moi : - A priori, non.

Elle : - Tu vas pas me laisser seule, dis ?

Moi : - Si. À un moment, il faudra bien.

Elle : - AH NON. Tu vas pas me laisser seule !

Moi : - Pardon, je pensais que c’était une question de ta part. Mais je vais quand même être obligée de te laisser seule.

Elle : - Vraiment ? Ooooh… Je n’ai même pas de doudou à emmener avec moi.

Moi : - Manquerait plus que ça ! Un doudou !!! On aura tout vu !

Elle : - Certaines voitures ont des petits chiens qui font oui-oui de la tête sur la lunette arrière…

Moi : - Ce ne sont pas des doudous, c’est de la décoration…

Elle : - Ah non, c’est bien trop bêta pour être de la décoration… En tout cas, moi, je n’ai rien pour me rassurer.

Moi : - Non mais t’es une grande fi… je veux dire, tu as quatre ans maintenant ! Tu vas pas avoir peur pour ça ?

Elle : - T’es marrante, toi, c’est la première fois pour moi… Et si on me découvrait quelque chose ?

Moi : - On ne va rien te découvrir, allons !

Elle : - Sûr ?

Moi : - En principe… non.

Elle : - Voilà, t’es pas sûre. Comment veux-tu que j’y aille sans avoir la trouille ? Il y a tellement de trucs qui traînent en ce moment… On va me faire des sondages, tout ça ?

Moi : - Je n’en sais fichtre rien. J’imagine qu’il y a des appareils où il y aura des chiffres qui vont s’afficher, une ou deux personnes qui vont s’affairer autour de toi… Normalement, tu ne devrais rien sentir. Si Zeup était là, tu pourrais lui demander conseil, elle qui prétend faire du coaching…

Elle : - Ben voilà, je n’ai personne à qui confier mes angoisses depuis qu’Ursula est partie !

Moi : - Tu as des angoisses, toi, maintenant ?

Elle : - Moui enfin un petit peu. Tu vas faire quoi pendant tout ce temps-là ?

Moi : - Sans doute quelques courses. Pas envie de rentrer pour ensuite refaire tout le chemin dans l’autre sens une fois arrivée à la maison.

Elle : - Des courses ?!? Tu pourrais au moins t’inquiéter un chouïa pour moi, non ?

Moi : - Excuse-moi, mais tu n’es pas exactement à l’article de la mort !

Elle : - Eh bien voilà, tu es prête à me lâcher pour deux ou trois sacs de commissions. J’ai bien remarqué que depuis le début du confinement tu vas faire les magasins à pied !

Moi : - Oui, je le fais plus qu’au printemps dernier, ça me fait de l’exercice et…

Elle : - Mais pourquoi ?!? En avril, on ne sortait ensemble une seule fois par semaine, je devais te dire de bien faire attention et ça fonctionnait plutôt bien ainsi, et là… Tu te carapates tous les deux jours pour aller faire Dieu sait quoi que tu n’as pas envie de me montrer !

Moi : - Tu vas pas me faire une crise de jalousie, en plus du reste ? Il y a deux minutes, tu étais dans les trente-sixièmes dessous, et là tu deviens ombrageuse comme une babouine.

Elle : - C’est quoi cette expression ?

Moi : - Normalement on dit "jalouse comme une tigresse", mais je n’ai plus envie parler de tigres.

Elle : - Tu ne comprends pas que j’ai l’huile en train de chauffer grave et les plaquettes de frein qui tremblent. Qu’est-ce que tu ferais à ma place ?

Moi : - Je serrerais les dents et les fesses en même temps.

Elle : - Ben merci du conseil ! Comment veux-tu que je l’applique ?

Moi : - Bon alors écoute-moi bien. Puisqu’il faut motiver les troupes, motivons-les, et ne me casse plus les pieds après ça. Attends un peu… (Prenant une profonde inspiration) Lune de mes jours, soleil étoilé de ma vie ! Je suis une femme, mais toi, qui es-tu ? Ne combats ni pour le Roi, ni pour le royaume, ni pour l’honneur ou la gloire, ni pour la fortune, car tu n’auras rien de tout cela ! Combats pour, heu… toi-même. Souviens-toi que c’est ta carrosserie que Stannis veut piller, tes portières qu’il veut enfoncer ! Mais il n’est pas de bataille désespérée tant qu’on ne l’a pas livrée. Et surtout, ma p’tite Maguette, que sais-tu de la peur ?… La peur vient avec l’hiver, quand le soleil se cache des années durant, que les enfants naissent, vivent et meurent dans les ténèbres, car la nuit est sombre et pleine de terreurs. Alors il est temps d’avoir peur, quand les marcheurs blancs avancent dans les bois, mais… seulement quand l’hiver arrive. Ça nous laisse encore quelques jours devant nous ; ce n’est pas aujourd’hui que tu rencontreras ta fin.

Elle : - ’Tain ! C’est quoi ce discours à la con ?

Moi : - Eh bien, comme lors du premier confinement, je ne pouvais aller au supermarché sans que tu me gratifies d’un discours guerrier, maintenant c’est ton tour de subir la chose.

Elle : - Le problème, c’est qu’on n’y comprend que dalle. C’est qui ce ou cette Stannis, d’abord ?

Moi : - Hem… La dernière fois que j’ai entendu un discours pour inciter les gens à aller au combat, c’était dans Game of Thrones… Je crois qu’il y a des résurgences… Estime-toi heureuse que je n’ai pas fait mon speech en valyrien.

Elle : - On a les références qu’on peut, hein. Et toi, tu peux peu.

Moi : - Trêve de bavardages, avec tout ça, on va finir par être en retard à ton contrôle technique. Il faut y aller, maintenant. »

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