25 novembre 2020 (Les mots)
Elle : « On ne bouge pas aujourd’hui ?
Moi : - Non, ce n’est pas prévu.
Elle : - Un coup je bouge, un coup je bouge pas. Il est difficile à suivre, ce reconfinement.
Moi : - C’est une année difficile à suivre en général. Tu apprendras qu’en plus, la vie, Pucette, est un éternel recommencement.
Elle : - Uuuuuuuh.
Moi : - À propos, j’ai lu un article il y a pas longtemps sur les nouveaux mots répertoriés par les dictionnaires. "Télétravailler", "sexto", "R.I.P." font partie de l’édition du Petit Robert 2021. Ça me paraît être un bon résumé de l’année 2020.
Elle : - Le Petit Robert ?
Moi : - C’est un des dictionnaires de la langue française. Une espèce de grand catalogue ordonné du français, si tu veux, et chaque année on y intègre des mots apparus récemment.
Elle : - Aya Nakamura, c’est donc un dictionnaire ?
Moi : - Non.
Elle : - C’est pourtant un catalogue à elle toute seule.
Moi : - C’est très bien que ta voisine de parking t’ait fait découvrir de nouveaux styles de musique, mais sache qu’il n’y a pas qu’Aya Nakamura dans la vie.
Elle : – Ben si je ne le savais pas, avec ce que tu me fais écouter… Mais attends, y a un truc que je n’ai pas compris. Pourquoi le dictionnaire 2020 s’appelle "Petit Robert 2021" ?
Moi : - Tu touches là à l’un des grands mystères de l’existence, comme l’amour de certains humains pour les chats et l’existence de ces horreurs qui s’appellent glands de mocassin. Moi non plus je n’ai jamais compris pourquoi l’édition 2020 s’appelle 2021.
Elle : - Je comprends pas pourquoi vous êtes aussi illogiques, vous les humains.
Loi : - Parce que nous ne sommes pas de froides mécaniques, prévisibles… (Tapotant sur mon smartphone) Ah, je vois que de l’autre côté de la Manche, les responsables du dictionnaire Oxford n’ont pas trouvé de mot pour résumer l’année 2020… À la place, ils ont choisi un ensemble de termes et parmi eux "COVID", "BlackLivesMatter" ou encore "WFH", pour "work from home".
Elle : - Du moment que ce n’est pas WTF.
Moi : - WTF ? J’ai l’impression que Zeup t’apprend trop de nouvelles expressions en ce moment…
Elle : - À part ça, il n’y avait pas une allocution de Macron hier soir ?
Moi : - Si.
Elle : - Et alors ?
Moi : - ″Le président de la république s’est adressé aux Français pour leur fixer un cap, un calendrier et des perspectives pour les semaines à venir. La prochaine étape est fixée au 15 décembre″.
Elle : - Pffff, je t’ai pas demandé le communiqué de l’Élysée. Fais-moi encore un peu de poésie, ça rend tout nettement plus sympa !
Moi : - Il te faut tout le temps des trucs spéciaux ma parole !
Elle : - Tu ne sais visiblement pas ce que c’est de passer sa vie sur un parking. J’ai besoin de distraction, alleeeeeez… !
Moi : - Je vais demander à Macron de s’exprimer directement en alexandrins ou de se produire dans des spectacles son et lumière, ça me facilitera la tâche… (M’éclaircissant la voix) Ahem, voici une retranscription un tout petit peu libre de ce que le président de la république a dit hier.
Il est venu nous dire que ça y est
Et que nos larmes n’y pourront rien changer
Nous sommes une fois encore confinés
Et sans attestation, pas d’échappée
On s’souvient des jours anciens et on pleure
On suffoque, on blêmit maint’nant qu’on a moins peur
Et toujours isolés - Ouais
On a des regrets
On peut s’dire qu’c’est pas gai
Tous ces chiffres, oui, mais
Il est venu nous dire que ça y est
Que tous les hôpitaux sont saturés
Comme l’a dit Salomon à la télé
Les vieux vont finir tous intubés
Elle : - Quelle inspiration…
Moi : - Ça s’appelle le talent, Pollinette.
Elle : - Parfois, tu m’impressionnes.
Moi : - Je peux te faire un autre poème si tu veux, je me sens en forme aujourd’hui.
Elle : - Mmmm, vas-y.
Moi : - Et pourtant il faut vivre ou survivre / Sans poème / Sans infecter ceux qu’on aime / Être heureux, malheureux / Fêter Noël à trois fois deux
Elle : - On se demande où tu vas chercher tout ça.
Moi : - Le seul talent, je te dis…
Elle : - Ouarf ! T’as même pas compris que j’étais ironique ! Moi aussi je peux faire des vers à la noix ! Écoute un peu :
Rien de plus chiant
Que le cyan
Et le blanc
Du ciel
La couleur la plus belle
Est le bleu Majorelle
Ah ! Qu’on me débarrasse
De ces chiures
De mouches
De ces fientes
De gras pigeons
Je rêve d’air pur
Et de douches
De détente
Et d’autres horizons
Moi : - …
Elle : - C’est bien, non ?
Moi : - Non. Il n’y a pas de distance entre toi et ton sujet, ça n’élève pas le débat, il n’y a pas de légèreté… Bref, le talent, ça ne s’apprend pas. On en a ou on n’en a pas.
Elle : - C’est ça, comme la mauvaise foi, hein ! »
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