10 décembre 2020 (En quête de sens)

4 minutes de lecture

Elle : « Tu reviens d’où comme ça ? Tu étais bien matinale…

Moi : - Je reviens de ma première consultation de naturopathie.

Elle : - C’est suite à notre conversation de lundi ? Tu t’es aperçue que tu as besoin de psychologie positive ?

Moi : - J’ai juste gagné une consultation gratuite.

Elle : - En faisant quoi ?

Moi : - Parmi les rares locataires de l’immeuble qui n’ont pas bougé durant le confinement du printemps, il y avait une étudiante en naturopathie avec qui j’ai partagé ma connexion Internet afin qu’elle puisse suivre ses cours en distanciel sans exploser son forfait. En échange du service rendu, j’ai eu donc droit à une séance de naturopathie gratuite.

Elle : - Et alors, on t’a trouvé quelque chose, en plus de ce que tu as déjà ?

Moi : - Non, mais c’était un peu couru d’avance : je me suis montrée très mauvaise cliente.

Elle : - Raconte-moi.

Moi : - À la question : "Êtes-vous en demande de naturopathie ?", j’ai été très honnête et j’ai répondu que non, j’étais venue parce que j’avais eu une séance à l’œil grâce à une de mes voisines. Je peux te dire que c’est plutôt parti sur de mauvaises bases.

Elle : - Je peux te demander pourquoi tu y es allée, dans ce cas ?

Moi : - Pour me coucher moins bête le soir. Les naturopathes sont quand même les seules personnes qui animent des débats sur les bienfaits comparés du thé vert et du vin rouge quand les pangolins affreux menacent notre civilisation multi-séculaire. Leur sens des priorités n’est manifestement pas tout à fait le même que celui de la plupart des citoyens lambda. Et ça, ça m’intrigue.

Elle : - Rheu, je sens que tu vas encore jargonner…

Moi : - Je voulais toucher du doigt cette sorte d’agencement machinique à travers ses diverses composantes, qui essaie d’arracher sa consistance en franchissant des seuils ontologiques que j’te raconte même pas.

Elle : - Bingo, je devrais m’acheter un billet pour jouer au Loto !

Moi : - Allons, je te mettais en boîte ! En fait, je me contrefous un peu de la naturopathie, mais comme je pouvais y aller…

Elle : - Et tu disais que la séance était mal partie… Guère étonnant dans ce cas…

Moi : - En effet. Quand on m’a interrogée sur la qualité de mon sommeil, j’ai répondu que je dormais bien – ce qui est la vérité d’ailleurs. Tu sais quoi ? Pas de bol, la naturopathie se propose de travailler entre autres sur les troubles du sommeil. La petite dame que j’avais en face de moi ne s’est pas démontée pour autant et m’a répliqué que la non-rupture des énergies pourrait être dans mon cas l’extériorisation d’un processus dont la vitalité intrinsèque régénère plutôt bien mes polarités discontinues.

Elle : - Ouah.

Moi : - La situation s’est franchement corsée quand la dame m’a posé des questions sur mon régime alimentaire, en insistant sur tout ce qui pouvait me venir à l’esprit quant à des écarts passés. Je lui ai alors raconté que j’avais développé dans mon enfance un goût immodéré pour la colle blanche Cléopâtre dont je me servais à l’école maternelle – et pas seulement comme adhésif. Elle a eu l’air atterré.

Elle : - Ce qui voudrait dire que les perturbations auraient commencé très tôt, chez toi…

Moi : - Non mais de toute façon, tout désordre psychopathologique serait causé par un déséquilibre au sein de l’environnement proche de chacun – environnement dont tu fais d’ailleurs partie. Si je devais prendre un raccourci audacieux, je dirais que lorsque je vais mal, tu es au moins en partie responsable.

Elle : - QUOI ?!? Mais on t’a raconté vraiment des conneries !

Moi : - Tiens, c’est bizarre, là, ça te touche !

Elle : - Ben ouais, en tant qu’élément de ton environnement, je proteste !

Moi : - Allez, p’tite tête, je te taquine. Tu vois, le problème, c’est qu’il est difficile de s’opposer a priori aux médecines douces. Pour résumer, soigner par la nature, c’est comme le fondant au chocolat : c’est pas trop compliqué à concocter et c’est très dur d’être contre.

Elle : - Si je comprends bien, tu es allée à ta petite séance ce matin pour te moquer des gens qui font ça.

Moi : - Eh bien même pas… Je voulais vraiment en savoir un peu plus sur le sujet ; je ne suis pas cynique à ce point-là.

Elle : - Mouais, c’est pas encore comme ça que tu vas positiver de façon un peu saine. Je ne sais pas ce que dénotent au juste tes activités du moment, mais on ne m’ôtera pas de l’idée que tu as l’esprit tortueux.

Moi : - Mais si, je positive à fond depuis tout à l’heure. Je vais faire une semi-retraite en distanciel. Je vais écouter mon corps, ou plutôt, tâcher de le reposséder.

Elle : - Parce que tu ne le possèdes plus ???

Moi : - Et mon expérience quasi mystique au rayon des produits ménagers l’autre jour m’a donné une grande idée. Rien de tel que d’être créative pour booster son bien-être profond. Je me souviens que lorsque j’étais gamine, il y avait des cadeaux dans les paquets de lessive Bonux. Il paraît que ça n’existe plus. Je pense qu’on pourrait ressusciter les cadeaux Bonux en les mettant au goût du jour. Cela apporterait un peu de joie aux gens.

Elle : - Et tu proposerais quoi comme cadeau remis au goût du jour ?

Moi : - Bah, par exemple, un lit de réanimation miniature et tout son équipement à monter en Lego. Carrément dans l’esprit de l’époque, non ?

Elle : - Mais ça va vraiment pas, toi, en ce moment !

Moi : - C’est à ce genre de réactions que je donnerais peut-être raison aux naturopathes : je sens de très mauvaises ondes générées par mon environnement. Vraiment mauvaises… »

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