Elle : « Qu’est-ce que tu fais ? Tu me tires le portrait ?

Moi : - Je trouve que l’angle est intéressant.

Elle : - Wouaaah… Je vais devenir mannequin !

Moi : - Je crois que tu es déjà la Twingo la plus photographiée de France… tu es souvent sur ma page Facebook.

Elle : - En fait, tu es une photographe pépère : tu ne t’intéresses qu’à des sujets qui ne bougent pas – les tombes, les bagnoles à l’arrêt… Ça va, c’est pas trop dur ?

Moi : - Chacun son truc, hein. Je deviendrai une photographe de l’extrême dans une autre vie.

Elle : - Pourquoi tu te prends jamais en selfie ?

Moi : - Se photographier devant le Taj Mahal ou Buckingham Palace est déjà d’un intérêt tout relatif, mais devant le cimetière allemand de Fricourt, heu… Et puis, très peu pour moi, l’onanisme photographique. Je ne vois pas pourquoi j’irai faire une bouche en cul de poule devant des alignements de croix en acier 100 % Vorsprung durch Technik.

Elle : - Tu pourrais montrer à tes amis que tu y étais.

Moi : - Que j’étais où ? La plupart des gens de mon entourage se foutent de savoir si j’étais aujourd’hui dans la Somme ou l’Artois ou au fond de mon appartement. Les plus polis me demanderont peut-être le temps qu’il a fait et puis c’est à peu près tout.

Elle : - J’ai bien remarqué qu’il n’y a jamais foule dans les cimetières militaires. Ça n’attire pas les gens ou quoi ?

Moi : - Beaucoup moins qu’une soirée mousse au Macumba, c’est certain, mais c’est précisément le côté paisible qui m’attire.

Elle : - Misère ! J’aurai passé ma vie d’auto à ne voir personne !

Moi : - Tu es injuste : on circule assez dans la banlieue de Lille en temps ordinaire, non ? On s’est déjà tapé pas mal de bouchons, n’est-ce pas ? Je vais t’appeler la ″Jamais contente″. C’était le nom de la première voiture à franchir le cap des 100 km/h.

Elle : - Le problème actuellement est plutôt de franchir une distance de plus de cent kilomètres… »