Moi : « Zeup ? Vous voilà de retour ?!? Ça alors ! Je pensais qu’on ne vous verrait plus !

L’autre : - Woa, y avait pas de blème. J’étais juste en tournée.

Moi : - Ah bon ?

L’autre : - Ouais, dans les lieues-ban reculées. Ronchin, Neuville-en-Ferrain, tout ça.

Moi : - Ah ouais, Ronchin … C’est grave reculé… Dix kilomètres au nord…

L’autre : - Le rayon de dix kilomètres, c’est les limites de mon biotope.

Moi : - Et comment allez-vous, depuis tout ce temps ?

L’autre : - Je suis top cool ! Je me sens hyper bien sous le capot, je me sens hyper bien dans mon habitacle, wo. Rien de tel qu’une tournée pour retrouver son moi. Franchement, ça m’a touchée de fou que les gens rencontrés soient touchés par la rencontre.

Moi : - Tant mieux. Enfin quelqu’un qui va bien dans un monde qui va mal.

L’autre : - J’ai une recette, my friend. Tous les matins, je consulte ma météo intérieure. Actuellement, c’est sunny. Y a pas, j’ai le swag, j’ai trop envie de profiter de tout ! Et toi, Marie-Pop’, comment ça va bien ? Tu sais que tu m’as manqué grave par moments, Sis !

Elle : - ″L’absence n’est-elle pas, pour qui aime, la plus certaine, la plus efficace, la plus vivace, la plus indestructible, la plus fidèle des présences ?″*

L’autre : - Non mais qu’est-ce qu’elle déblatère, la gonze, là ? Tu peux plus causer normal ou quoi ? On te laisse six mois et tu te mets à dire n’importe nawak.

Moi : - Marie-Apolline a fait connaissance avec des pans de la littérature française : d’abord George Sand, et maintenant Marcel Proust.

L’autre : - Prost ? Littérature ? Ah le bourbier.

Elle : - Heu, à propos, j’aimerais bien passer à quelque chose d’autre. Je commence à avoir fait le tour de ″La recherche″. Odette et Albertine commencent à me percoler le carburateur.

Moi : - On verra ça.

L’autre : - J’te raconte pas, j’étais sur un parking top friendly, c’était trop la chance d’avoir atterri là. Y avait une bonne communauté de bagnoles, hyper inspirante. J’ai appris à m’aimer moi-même et désormais je me fais des self déclarations d’amour tous les matins. Avant, j’étais plutôt dans une ambiance à la Nessbeal à dire ″à chaque jour suffit sa peine″, aujourd’hui je me dis que chaque jour est un good day.

Moi : - Ça a l’air d’aller, les chevilles – je veux dire, les jantes !

L’autre : - Il y a que je me suis révélée à moi-même. Je suis spontanée, passionnée et déterminée, désireuse de prendre mon destin en main et d’échapper au formatage.

Moi (sarcastique) : - Nobles idées pour une Peugeot. Pour échapper au formatage, il va falloir y mettre sacrément du vôtre, parce qu’il n’y a rien qui ressemble plus à une voiture qu’une autre voiture.

Elle : - Ah pardon, je crois qu’au contraire certaines autos se démarquent par rapport aux autres ! On n’a pas toutes les mêmes options, pour commencer.

L’autre : - Il est difficile pour une humaine de s’abstraire de ses propres tabous et convictions culturelles. J’t’explique. Aujourd’hui, chuis pas la même automobile que j’étais à 20 mois ou même à 30, parce que j’apprends sur moi tout le temps. J’ai compris avec le temps que les choses sur lesquelles je complexais étaient une force.

Moi : - Vous aviez des complexes, vous ?

L’autre : - Ouais, ce n’est pas parce que je fais des tournées que j’ai pas de complexes. J’étais pas super fière de ma calandre. Maintenant je suis une vraie badass, yo – je kill tous ceux qui ne me donnent pas de respect.

Moi : - Et retrouver la fierté de soi pour cultiver l’humilité, ça vous parle ?

L’autre : - Uh ? Tu peux très bien avoir confiance en toi et être dans une humilité totale… ’fin l’humilité précède la gloire, tu vois, genre. C’est pour ça que j’aime la culture anglo-saxonne, parce que de ce côté-là ils sont décomplexés à donf. Ils n’ont pas de… Genre tu vas dire à quelqu’un ″Mais putain t’as grave du talent !″, genre la tenue de route est hyper classe. Et l’autre tchop, elle va dire ″Mais merci, j’ai pas travaillé pour rien.″ Enfin, j’veux dire, ils ont pas honte de le dire. Mais c’est vrai que la façon dont je communique là-dessus est très… quoi, clivante dans le sens où ça peut… ça peut choquer certains humains. Mais on a le droit de dire ″Bah ouais je suis douée et so what ?″ Ce que j’ai porté longtemps à l’intérieur, je le mets devant pour pouvoir le mettre derrière, en fait.

Elle : - ″La prétention avoisine la bêtise, la simplicité a un goût un peu caché mais agréable.″*

L’autre : - Encore une quote de Prost ? Pas étonnant qu’il ait couru pour Renault, c’était une sacrée équipe de rabat-joie ! »

* M. Proust