Chapitre 9 : Retour à Luminar
Retour meurtri
Le soleil déclinant teintait le ciel de nuances pourpres lorsque le détachement d'Edwyn et Thibaut franchit enfin les portes de Luminar. Leur retour, loin d'être glorieux, portait les stigmates d'une mission périlleuse : des visages marqués par l'épuisement, des armures cabossées et des chevaux ralentis par le poids des corps blessés ou tombés au combat.
Dans la cour, Aldemar, accompagné d'Élisabeth, les attendait. Son regard grave trahissait à la fois l'inquiétude et la colère. À ses côtés se trouvaient Père Théobald, immobile, les mains jointes en une prière silencieuse, et Bastien de Saint-Cyr, dont le regard scrutateur suivait chaque mouvement des cavaliers.
Edwyn descendit de cheval, ses bottes s'enfonçant dans la terre gelée. Avant qu'il ne puisse prononcer un mot, Aldemar s'avança, sa voix tranchante brisant le silence.
— « Edwyn. Thibaut. Vous aviez pour ordre d'éviter tout affrontement. Expliquez-moi pourquoi mes hommes reviennent blessés et pourquoi certains ne reviendront jamais. »
Thibaut, sentant la tension monter, intervint avant son compagnon.
— « Mon seigneur, une patrouille viking nous a pris au dépourvu. Leur campement est bien plus organisé que ce que nous avions imaginé. Certes, des vies ont été perdues, mais nous avons obtenu des informations cruciales. »
Bastien, toujours en retrait, fronça les sourcils, son ton grave brisant la discussion.
— « Des informations cruciales ne justifient pas des pertes inutiles. »
Aldemar tourna alors son attention vers Edwyn.
— « Et toi, Edwyn ? Quelle est ta justification ? »
Edwyn serra les poings, maîtrisant difficilement l'irritation qui montait en lui.
— « Père, ces Vikings ne se contentent pas de piller. Ils préparent une invasion. Nous ne pouvons pas attendre qu'ils frappent nos terres. Nous avons l'opportunité de les affaiblir avant qu'il ne soit trop tard. »
La mâchoire d'Aldemar se crispa.
— « Ce n'est pas à toi de décider quand agir. Une victoire précipitée peut causer plus de pertes qu'une défaite calculée. »
Edwyn ouvrit la bouche pour répliquer, mais Père Théobald, jusque-là silencieux, s'avança.
— « Seigneur Aldemar, la colère est compréhensible, mais elle ne nous guidera pas dans l'heure présente. Concentrons-nous sur ce qui a été appris et utilisons ces informations pour nous préparer. »
Élisabeth posa une main légère sur le bras d'Aldemar, sa voix douce s'ajoutant à celle de Théobald.
— « Écoutons-les, Aldemar. Leur mission était risquée, mais ils n'en reviennent pas les mains vides. Ces informations peuvent être cruciales. »
Aldemar inspira profondément, laissant peu à peu la colère s'évanouir. Fatigué, il hocha lentement la tête.
— « Très bien. Nous en parlerons dans la salle du conseil. Mais sache-le, Edwyn : ton impulsivité met en péril tes hommes et le comté. Cela ne doit plus se reproduire. »
Confidences dans l'intimité
Tard dans la soirée, Aldemar s'était retiré dans ses appartements. Assis près de la fenêtre, il observait la cour où les torches illuminaient faiblement la scène. Les images des hommes blessés hantant son esprit, il se perdit dans ses pensées jusqu'à ce qu'Élisabeth le rejoigne, une coupe de vin chaud à la main.
— « Tu es trop dur avec lui, » dit-elle doucement, posant la coupe devant lui.
Aldemar tourna la tête, les traits fatigués.
— « Il est imprudent, Élisabeth. Cette impulsivité pourrait tout détruire. Je ne peux pas laisser cela passer. »
Elle s'assit à ses côtés, prenant sa main dans la sienne.
— « Il est jeune, Aldemar. Rappelle-toi combien de fois tu as défié ton propre père pour prouver ta valeur. Edwyn cherche à faire de même. Il veut montrer qu'il est digne de toi. Mais il a besoin de ton soutien, pas seulement de tes reproches. »
Aldemar esquissa un sourire triste.
— « Peut-être as-tu raison. Mais chaque jour, je sens le poids du temps. Je crains de ne pas pouvoir les préparer suffisamment à ce qui les attend. »
Élisabeth serra sa main avec douceur.
— « Alors donnons-leur tout ce que nous pouvons, tant que nous en avons encore le temps. Ils sont nos fils, Aldemar. Et ils auront besoin de nous. »
Un avertissement de Bastien
Dans un recoin sombre des couloirs du château, Bastien s'entretenait avec Père Théobald, la voix basse mais chargée d'une inquiétude palpable.
— « Edwyn est brave, mais il est imprudent. S'il continue ainsi, il risque de causer des pertes irréparables. »
Théobald hocha la tête, son ton serein apaisant.
— « La jeunesse est souvent ainsi. Mais rappelez-vous, Bastien : cette ardeur peut devenir une force immense si elle est bien guidée. »
Bastien croisa les bras, son visage marqué par une réflexion intense.
— « Je resterai attentif. La guerre ne pardonne pas l'arrogance. »
Théobald posa une main sur son épaule.
— « Vous êtes un pilier pour ce château. Continuez à veiller sur eux, comme vous l'avez toujours fait. »
Une conversation dans les jardins
Sous une lune voilée, Edwyn errait dans les jardins, cherchant à apaiser sa colère. Isolde, un panier d'herbes à la main, le vit et s'approcha doucement.
— « Tu sembles préoccupé, » dit-elle avec douceur.
Edwyn, surpris, la fixa, son visage encore marqué par la tension.
— « Mon père me traite comme un enfant. Il ne comprend pas que nous devons agir. Attendre est une faiblesse. »
Isolde posa calmement son panier.
— « Aldemar est dur avec toi parce qu'il voit ton potentiel. Il croit en toi, Edwyn. Si ce n'était pas le cas, il n'attendrait rien de toi. »
Edwyn resta silencieux, ses poings lentement relâchés.
— « Tu es différent, Edwyn, » poursuivit-elle. « Mais cette différence implique d'apprendre. Même de tes erreurs. »
Edwyn la fixa, ses épaules se détendant pour la première fois. Dans les mots d'Isolde, il trouvait un écho à ses propres doutes.
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