Chapitre 13 : Les Derniers Adieux
Les cloches du deuil
Le silence du comté de Vannes fut brisé par le carillon lourd des cloches de l'église, résonnant jusque dans les villages les plus reculés. Aldemar, seigneur de Vannes, était mort, laissant derrière lui une terre en deuil et une famille au bord de la division. Nobles et paysans s'étaient rassemblés pour honorer celui qui les avait protégés des guerres, des révoltes et des raids vikings.
Dans la cour du château de Luminar, une foule silencieuse regardait le cortège funèbre avancer. Des chevaliers en armure sombre formaient une haie d'honneur, leurs visages graves reflétant leur douleur. Les villageois, vêtus de leurs habits modestes, observaient avec respect. Beaucoup pleuraient, non seulement pour Aldemar, mais aussi pour l'incertitude qui pesait sur l'avenir.
Une perte universelle
Dans la grande salle du château, le corps d'Aldemar reposait sur un catafalque drapé des couleurs de Vannes. La lumière vacillante des bougies projetait des ombres mouvantes sur les murs, ajoutant à la gravité de l'instant.
Élisabeth, veuve d'Aldemar, se tenait près de lui, sa main posée sur le drap funéraire. Ses épaules tremblaient, mais elle refusait de céder à son chagrin. Elle inspira profondément, cherchant la force de rester digne pour ses fils.
Non loin, Edwyn observait son père, les larmes coulant librement sur ses joues. Chaque regard vers ce visage désormais figé lui rappelait que plus jamais il ne pourrait entendre ses conseils ou sentir sa main rassurante sur son épaule.
Eudes, en retrait, restait impassible, le visage fermé. Mais ses yeux trahissaient une lutte intérieure : il était bouleversé, mais refusait de montrer la moindre faiblesse.
Bastien de Saint-Cyr, fidèle chevalier d'Aldemar, s'approcha d'Élisabeth et posa une main respectueuse sur son épaule.
— « Votre seigneur était un homme d'honneur, madame. Sa mémoire vivra à travers ses fils et à travers nous tous. »
Élisabeth hocha la tête en silence, incapable de répondre.
Théobald, chapelain du château, se tenait près du catafalque. Il leva les bras et entama une prière solennelle.
— « Seigneur tout-puissant, accueille Aldemar dans ton royaume. Veille sur ceux qu'il laisse derrière lui, et donne-leur la force de continuer son œuvre. »
Son regard se posa sur les deux frères, cherchant à leur transmettre un message silencieux : leur père avait fait sa part, désormais c'était à eux de préserver son héritage.
La présence du duc de Bretagne
Parmi l'assemblée se tenait une figure imposante : le duc de Bretagne. Drapé dans un manteau richement orné, il observait la scène avec gravité. Sa présence ajoutait une dimension politique à la cérémonie, soulignant l'importance d'Aldemar pour le duché tout entier.
Après la prière, le duc s'avança vers Élisabeth et inclina légèrement la tête.
— « Dame Élisabeth, la Bretagne pleure la perte de votre époux. Aldemar était un pilier de notre duché. Son absence laissera un vide immense. »
Élisabeth répondit avec dignité, malgré la douleur visible sur son visage.
— « Merci, monseigneur. Votre présence honore sa mémoire. »
Le duc tourna ensuite son attention vers Edwyn et Eudes.
— « Vos actions détermineront si l'héritage d'Aldemar perdure. Montrez-vous à la hauteur de sa confiance. »
Une confrontation poignante
Plus tard, dans les appartements privés d'Aldemar, Élisabeth réunit ses fils autour du lit où il avait rendu son dernier souffle. L'atmosphère était pesante, éclairée par la lumière tamisée des chandelles.
Elle brisa le silence.
— « Votre père croyait en vous. Mais il savait que cette famille ne survivrait pas à la division. Je vous implore, honorez sa mémoire en restant unis. »
Edwyn, la gorge serrée, répondit avec une sincérité brute.
— « Mère, je veux protéger ce qu'il a bâti, mais comment travailler avec quelqu'un qui doute de moi à chaque instant ? »
Eudes, piqué au vif, répliqua.
— « Et toi, Edwyn ? Penses-tu qu'une épée suffira pour maintenir la paix ? Père m'a appris à réfléchir, à anticiper. Si je te conteste, ce n'est pas par plaisir, mais parce que je vois les dangers que tu ignores. »
Bastien s'interposa, sa voix ferme coupant court à leur querelle.
— « Vos disputes affaiblissent ce comté. Aldemar aurait insisté sur l'importance de l'unité. »
Théobald ajouta, d'un ton plus conciliant :
— « Vos différends sont naturels, mais ne les laissez pas devenir un poison. Si vous échouez à travailler ensemble, ce sera tout Vannes qui en souffrira. »
Les deux frères restèrent silencieux, chacun plongé dans ses pensées.
Les ambitions des vassaux
Tard dans la nuit, alors que le château sombrait dans le calme, plusieurs vassaux se réunirent discrètement dans une antichambre. Armand de Lorient, un vicomte ambitieux, prit la parole, son ton empli de méfiance.
— « Nous devons être réalistes. Edwyn et Eudes sont incapables de gouverner ensemble. Cette division affaiblira Vannes, et nous en paierons tous le prix. »
Geoffroy de Malestroit, un autre seigneur, hocha la tête.
— « Si Aldemar n'avait pas laissé d'instructions claires, c'est à nous de choisir le dirigeant qui protégera nos terres. »
Mais Erwan de Châteaubriant, plus prudent, s'opposa.
— « Soyez prudents dans vos paroles. Le duc de Bretagne est attentif à la moindre dissension. Si nous agissons trop vite, nous risquons de provoquer une intervention ducale. »
Le murmure de leurs discussions fut interrompu par un serviteur qui passa non loin, et les vassaux se dispersèrent rapidement. Mais une chose était claire : les ambitions individuelles commençaient à s'aiguiser, et l'unité d'autrefois n'était plus qu'un souvenir.
Une discussion avec le duc
Le lendemain matin, le duc convoqua Élisabeth, Edwyn et Eudes dans la grande salle. Son regard sévère passa de l'un à l'autre.
— « La Bretagne ne peut se permettre une famille divisée. Si vous ne trouvez pas un moyen de collaborer, je n'hésiterai pas à intervenir. »
Il se tourna vers Edwyn.
— « Votre courage est une force, mais le courage sans discernement peut devenir une faiblesse. »
Puis il fixa Eudes.
— « Votre intelligence est un atout, mais elle ne doit pas vous éloigner de ceux que vous êtes censé diriger. »
Élisabeth prit alors la parole.
— « Monseigneur, mes fils apprendront à travailler ensemble. Je veillerai à ce qu'ils honorent leur père. »
Le duc hocha la tête, mais son regard restait empreint de doute.
Après le départ du duc, le château retomba dans un silence lourd. Tandis qu'Élisabeth se retirait dans ses appartements, Edwyn et Eudes restèrent immobiles, chacun absorbé dans ses pensées. Dans l'ombre de Luminar, une tempête se préparait, et l'avenir du comté semblait suspendu à un fil.
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