Eudes : Le Doute

Dans la pénombre de ses appartements, Eudes scrutait la carte du comté de Vannes. Ses doigts glissaient sur les marques rouges représentant les villages pillés, les routes en danger. La lumière vacillante d'une chandelle faisait danser des ombres sur ses traits tendus.

— « Père... tu nous as confié un comté en lambeaux, » murmura-t-il. « Tu m'as demandé de raisonner là où Edwyn frappe, mais... comment la raison peut-elle triompher du chaos ? »

Son regard s'assombrit en imaginant son frère. L'impulsivité d'Edwyn, sa fougue insatiable pour le combat, tout cela semblait une contradiction aux méthodes patientes d'Eudes.

— « Comment pourrais-je coopérer avec quelqu'un qui ne voit que par l'épée ? » lâcha-t-il, la voix amère. « Et pourtant, père... tu nous as demandés de rester unis. »

Il inspira profondément, tentant de calmer l'agitation qui bouillonnait en lui. Mais une pensée plus sombre s'insinua dans son esprit.

— « Et si je me trompais ? Et si je n'étais pas à la hauteur de ta vision ? »

Ses doigts se crispèrent sur le bois de la table, et il ferma les yeux, murmurant pour lui-même :

— « Je trouverai un moyen... pour Vannes. Pour toi, père. »

Edwyn : La peur du lendemain

Non loin de là, Edwyn se tenait près de la fenêtre de ses appartements, le regard perdu dans l'obscurité. Le poids de l'héritage que lui avait laissé son père semblait plus lourd que jamais.

— « Père... » murmura-t-il, les mains tremblantes. « Comment as-tu supporté ce fardeau ? »

Les mots de son père, prononcés sur son lit de mort, résonnaient dans son esprit : « Toi et Eudes devez diriger ensemble. » Mais cette injonction lui paraissait presque impossible.

— « Eudes... toujours à comploter, toujours à me défier. Comment pourrais-je m'allier à lui alors qu'il doute de chaque décision que je prends ? »

Il se souvenait des batailles récentes, des corps tombés sous son commandement, des regards de ses hommes. Une angoisse sourde l'envahit.

— « Et si je n'étais pas digne de toi, père ? Et si je menais Vannes à sa perte ? »

Il ferma les yeux un instant, rassemblant sa volonté.

— « Non, » se reprit-il, le poing serré. « Je ne peux pas échouer. Je dois être fort, pour toi, pour Vannes, pour ceux qui croient en moi. »

Élisabeth : Une mère inquiète

Dans ses appartements, Élisabeth contemplait un ancien parchemin sur lequel Aldemar avait tracé des plans pour le comté. Ses doigts caressaient les lignes familières, mais son esprit était troublé.

— « Aldemar... » pensa-t-elle, le cœur lourd. « Tu m'as laissé la charge de les unir, mais comment ? Edwyn et Eudes sont si différents... »

Elle ferma les yeux, laissant une larme glisser sur sa joue.

— « Je vois leurs peurs, leurs doutes. Edwyn, si fort en apparence, mais si fragile dans ses moments de solitude. Et Eudes, si calculateur, mais rongé par ses propres incertitudes. »

Elle leva les yeux vers le ciel visible par la fenêtre.

— « Aide-moi, Aldemar. Montre-moi comment les guider. »

La conversation de Bastien et Théobald

Dans la cour, Bastien de Saint-Cyr et Père Théobald marchaient lentement, leur conversation reflétant leurs inquiétudes.

— « Edwyn porte un fardeau immense, » dit Bastien, le regard fixé sur les remparts. « Mais je crains qu'il ne s'épuise à vouloir tout régler seul. »

Théobald, pensif, hocha doucement la tête.

— « Il est jeune, mais il a la volonté de son père. Ce sera suffisant, si nous sommes là pour le guider. »

Bastien s'arrêta, son regard grave.

— « Et Eudes ? S'il décide de s'opposer à Edwyn... »

Théobald posa une main sur son épaule.

— « Alors nous devrons être des piliers pour eux deux. Ces jeunes hommes ont perdu leur père, mais cela ne signifie pas qu'ils doivent perdre leur chemin. »

Bastien acquiesça, le poids de cette responsabilité pesant sur lui.

— « Je serai là pour eux. »