En attendant que l'orage passe, Fred devait mettre de l'ordre dans ses idées.

Cette colère semblait stupide, demesurée. Pleine de non-dits. Enfin pas venant de lui, au contraire. Mais il avait explosé, comme s'il avait gardé pour lui plein de réminiscences qui trouvaient le passage pour s'exprimer. En plus, curieusement, le temps qui déjà était très lourd depuis le début de la journée avait peu à peu tiré sur le ciel une couverture de plomb avec quelques nuances mauves voire presque noires.

À vouloir être trop sincère, il avait sans doute tout gâché et le ton était monté si vite qu'il en était le premier étonné. Mais il était hors de question de laisser passer cette fois. Il lui avait dit ses quatre vérités. Et le plus dingue, c'est que cela lui avait pris que quelques secondes. D'un regard, il avait embrassé toute la pièce de la cuisine au salon et à la salle à manger. Et son sang n'avait fait qu'un tour.

Et le pire, c'est qu'elle était restée complètement détachée de ses reproches, clignant les yeux parfois comme au ralenti. Elle semblait indécise, tournant la tête sur le côté intriguée par un évènement extérieur. Et bien sûr, cela avait eu un effet dévastateur sur lui. Sa colère trouvait là de nouveaux terrains de conquêtes.

• Mais tu as vu ce que tu as fait ?
• Je t'assure, j'ai rien vu venir. T'es en colère, c'est sûr !
• Ne te mêle pas de ça, s'il te plait.
• Mais si, j'aurai pu être plus présente.
• Ne te mêle pas de ça. Je vais régler ça moi-même. Non mais t'as vu ce carnage ?

Elles jettent chacune un regard périphérique.

L'une catastrophée du haut de ses talons aiguilles et l'autre errant dans une autre dimension à regarder sur elle si tout est impeccable des fois qu'une mèche dépasse...

• Je sais ce que tu vas lui dire... Mais tu risques de commettre l'irréparable !
• Écoute ! On est ensemble depuis quatre ans. Et dès les premiers jours, elle m'a fait passer des moments de dingue...
• Oui mais tu oublies sans doute, les bons côtés, les longues promenades, le grand air et tous ces élans de tendresse...
• Non, non. Je n'oublie rien. Mais là c'est trop...

Fred donne une nouvelle fois, un regard périphérique et désespéré, sur l'intérieur de sa maison.

• Est-ce que tu as vu ma maison ? C'est un désastre. On dirait qu'un cyclone est passé et qu'il a tout emporté, dévasté, déchiré, éventré...
• Écoute, écoute ! Passe-moi les clés de ta voiture.
• De la Peugeot ?
• Tu en as une autre ?
• Non, bien sûr, tiens, dit-il en sortant le trousseau de la poche arrière de son jean. Tu veux faire quoi ?

Son regard erre sur la pièce, son amie debout la main tendue et à côté d'elle, presque cachée derrière ses bottines, la chose avec des yeux de merlan frit.

• Écoute, je prends Puppy avec moi et je l'emmène chez la véto...
• (stupeur et sidération)
• Pendant ce temps, tu vas sous la véranda, tu te sers un verre et tu regardes l'orage passer...
• Et toi ?
• Avec ton véhicule, je ne risque rien... dit-elle dans un sourire complice et enjoleur. Non ?
• C'est d'accord ! lâche Fred en se débloquant. Mais tu fais bien attention à elle !
• Ta voiture ?
• Mais non, bien sûr, tu sais bien !

*

Sans plus attendre, Hélène attrape son sac à main, entraîne au bout de la laisse une Puppy fière et enthousiaste, et toutes deux s'engouffrent dans le SUV, stationnés le long de la façade. Très vite la musique emplit tout l'espace intérieur et Fred croit entendre comme des vocalises alors que le véhicule s'éloigne...

*

Parce qu'une envie de Peugeot, ça n'attend pas ... et surtout un samedi en attendant la pluie !

=O=