Une journée sans ... fin !

4 minutes de lecture

C'est pire que tout ce que j’avais imaginé jusqu'alors.

Et je ne manque pourtant pas de créativité dans mes petits délires mentaux pour envisager des situations catastrophiques, dramatiques ou drôles.

Qui ne se tordrait pas de rire en voyant quelqu'un partir en dérapage et se vautrer sur le sol, puis se relever en se frottant le bas du dos, tout en regardant si personne ne l'observait ? Ou bien cet individu qui se renverse une boule de glace sur le pantalon, juste sous la ceinture, au moment de l'avaler avec encore les yeux exorbités de trop de gourmandise ? Et celui-ci ou celle-là qui percute une paroi vitrée avec cette grande conviction suivie d'effroi à l'instant précis de rencontrer l'obstacle inattendu et invisible ?


Mais je manque à tous mes devoirs.

Je m'appelle Martin. Marty pour les potes et les intimes.

Il m'arrive quelque chose de drôle ces derniers temps.

En fait, je doute encore de mon état mental.

Tout a commencé un lundi matin avant de me rendre au journal où je tiens la rubrique faits divers. Le soleil, comme à son habitude, demande à la lune, de bien vouloir quitter la place. Et la lune se moque de lui mais le soleil ne le sais pas.


Étrange ! Cela me rappelle une chanson.

Je m'assois dans mon lit, les cheveux en bataille, comme sorti d'une nuit de folie. Je viens de sauver la moitié de la Planète qui émerveille, en proie depuis plusieurs décennies, à des hordes sauvages qui pillent et mettent chaque contrée dans un désordre chaotique.

À chaque fois, le retour à la réalité est pour tout dire, décevant.

De plus, voilà que j'ai dû me découvrir après une bataille acharnée entre la couette et l'oreiller, laissant mon postérieur affronter la nuit froide et glacial de mon studio. Alors, je tousse comme un perdu, et sans grande conviction, je me dirige vers la salle de bain.

À ce moment précis, mes pieds en quête de certitude rencontrent mes chaussons. Ces derniers, pour une raison que j'ignore, stationnent à un emplacement interdit, exactement sur le tapis de bain à l'entrée de la cabine de douche. Je vous passe sous silence la douce musique qui s'élève dans l'air embrumé, accompagnée d'une bordée d'injures qui écorcherait sans aucun doute, les chastes oreilles du Capitaine Haddock.

Nu comme un ver, je rentre sous le jet qui tombe en pluie chaude et réparatrice, prenant la forme d'un entonnoir inversé. Je saisis alors le pommeau de douche et passe en mode Marty, espérant que l'on me donne l'envie d'avoir envie. Je rigole de satisfaction en voyant à travers les gouttes, mes chaussons que j'ai envoyé bouler en direction du radiateur électrique.

Mes pieds se lancent dans une cadence frénétique, qui soulèvent des flics et des flacs, au son des guitares qui résonnent dans ma tête et m'amènent tout droit vers la scène où le public nombreux s'agite en délire.

Personne ne résiste à ma voix charismatique et puissante. Sauf peut-être le téléphone portable qui pleure sur la table du salon.

Coupant l'eau qui ruisselle sur mon corps de rêve, rouge comme un homard de mer, je m'entoure d'un drap de bain et fonce répondre à l'impertinent qui interrompt mon concert. Bien sûr, je reste dans mon délire et je continue à fredonner ma chanson.

  • Qu'on me donne l'envie !
  • Monsieur Martin ?
  • L'envie d'avoir envie !
  • C'est la rédaction...
  • Qu'on rallume ma vie.
  • Monsieur Martin !
  • Oui, pardon, j'ai une patate ce matin. Bonjour Nathalie. " La place Rouge était vide - Devant moi marchait Nathalie - Il avait un joli nom, mon guide - Nathaaaalie ".
  • Marty !
  • Oui ! Pardon, Nath ! Vous allez bien ?
  • Oui, je vous remercie. Je dois vous dire un truc important.
  • Ah ?
  • Cela fait deux jours que l'on ne vous voit plus à la rédaction. Alors vous savez comment ça marche ?
  • Quoi, deux jours. Vous êtes sérieuse ?
  • Bien évidemment que je suis sérieuse !
  • Évidemment.
  • Le rédac-chef vous prévient que si vous n'apportez pas de photos du braquage du coffre-fort du Château de Moulinsart, vous êtes viré. Une oeuvre d'art en marbre blanc représentant une magnifique Licorne a été dérobée la nuit dernière.
  • ...
  • Marty ... Marty... Vous êtes là ?

Entendant les couinements hydrauliques d'un engin de levage, je lâche le portable sur un fauteuil et me précipite à la fenêtre donnant sur la rue. J'ouvre les deux vantaux et sous l'appel d'air, voilà que ma serviette s'envole et tombe à mes pieds sous le regard horrifié ou envieux (je négocie encore) de ma voisine. Celle-ci, toujours à l'affût, se dresse en robe de chambre sur le seuil de sa maison sise sur le trottoir d'en face, en quête d'en apprendre sur l'agitation soudaine qui règne sur la voie.

  • Mais ils sont tarés, dis-je à la cantonnade. Ils embarquent mon scooter...

Je réalise alors que je me refroidis et que tous mes appendices se retractent. Enfin surtout, tous les doigts et les orteils... Alors, je cours vers la salle d'eau, serviette à nouveau nouée autour de la taille et saute par dessus le chat Tibérius (comme le capitaine James T. Kirk, ça jette !) qui lui voit surtout une occasion de s'évader.

Perdant l'équilibre, je glisse sur le tapis, percute l'un des radiateurs en fonte du salon et hors de tout contrôle, m'endors profondément dans les pulls de laine de la caisse du matou.

...

Au moment où je me réveille, me voilà dans mon lit.

Le couchage fortement perturbé par une nuit agitée se présente comme un amas informe.

Le réveil indique huit heures. On est lundi.

  • Lundi ?

...

Et cela fait des mois que cela dure. Impossible de reprendre le cours de ma vie.

C'est drôle ! Ne trouvez-vous pas ?


=O=

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