Scène de crime
Lorsque les enquêteurs entrèrent dans l'arrière-salle, le spectacle leur apparut comme fascinant. Dans le désordre qui régnait où des corps étendus gisaient, il semblait facile d'imaginer la scène d'un règlement de compte : les balles avaient déchiré et anéanti la Bande des Pokers Menteurs, troué les murs et explosé tout le mobilier.
*
Sur une table encore debout et intacte, dans une panière, le commissaire se saisit d'une collection de passeports couverts de poussières et de quelques gouttes de sang. La scientifique déjà à l'œuvre effectuait des moulages sur de curieuses empreintes de boue.
Depuis plusieurs semaines, la police relevait des actes similaires dans tous les tripots clandestins des vieux quartiers de Marseille. Il semblait évident qu'un nouveau parrain sévissait dans le business et lançait une opération de liquidation totale avant changement de propriétaire.
Le commissaire commençait à se fatiguer de tous ses règlements de compte. Une trentaine de morts violentes depuis le début de l'année. Ses articulations un peu rouillées le faisaient souffrir et sa tête bourdonnait de colère à l'idée qu'il ne puisse pas partir pour sa cure.
Il portait sur lui un billet de première classe pour un TGV à destination d'une station thermale bretonne réputée sur la presqu'île de Quiberon où il se savait incognito. Il sortit un mouchoir brodé de ses initiales qu'il passa sur sa nuque humide. Avant de le ranger dans la poche intérieure de sa veste, il en profita pour respirer le parfum de sa compagne, ce qui l'apaisa en un instant.
- Les petits-loups ! Venez-là !
Personne ne fit cas de cette appellation auquelle, ils étaient habitués. Elle traduisait un esprit d'équipe de longue date et une certaine empathie parternaliste et une bonhommie de son auteur. Aussitôt ses adjoints se réunirent autour de lui, carnet et stylo en main.
- Enquête de voisinage auprès des habitants. On épluche les vidéos de surveillance sur la rue principale et dans celles adjacentes. Trouvez-moi des images des lascars qui ont fait le coup.
- (assentiments et prises de notes)
- On laisse travailler la scientifique !
Comme un seul homme, les membres jusqu'alors en apnée dans leurs combinaisons bleues reprirent la collecte d'empreintes, le repérage des victimes et des douilles qui jonchaient le sol et la prise de photographies pour immortaliser la scène.
- Tonio ! On se retrouve à la morgue dans deux heures avec le légiste. Tiens prends ces passeports et commence à éplucher nos bases de données. Et dès que tu as les résultats des empreintes, fait le tour de nos différents fichiers.
Tonio prit les documents d'identité des mains du commissaire. Certains étaient tachés de sang séché. Les cachets des douanes permettraient sans doute de retracer des déplacements internationaux et des pays d'origine.
- Je suis en congé ce soir !
- (sourires des collègues)
- Alors tout le monde met le paquet !
- Ok patron ! firent en cœur les petits-loups, un rictus sur les lèvres en se dispersant immédiatement.
*
Alors il sortit dehors car pour lui, l'air devenait irrespirable.
Black, son fidèle berger allemand, l'attendait dans la voiture de service. Il le prit avec lui en laisse et descendit en douceur la rue pavée pour aller se prendre un café et un petit croissant au bar à l'angle.
Il allait se relire la brochure, histoire de se mettre dans l'ambiance prochaine de sa thalasso.
Mais allait-il pouvoir en profiter ?
Rien n'était moins sûr !
=O=
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