Dans le village, on la surnommait la veuve noire. Non pas qu'elle fût très habillée de vêtements sombres mais parce que bien trop souvent au cimetière, à fleurir les tombes de ses nombreux maris ou compagnons, au destin tragique.

Certains disaient d'elle, l'avoir aperçue les nuits de pleine lune, portant une grande valise et dévalant la rue principale. Puis gravir un chemin de promenade au-delà de la maison forestière et rejoindre un éperon rocheux baptisé la Pierre Clouise pour y rendre quelques dévotions.

D'autres racontaient encore qu'elle s'accompagnait de sept chats de plusieurs couleurs, souvent tigrés qui semblaient envoutés par les phéromones qu'elle distillait dans son sillage. En effet, elle dégageait l'arôme d'un très vieux parfum qui pour l'anecdote ne laissait guère indifférent ces messieurs, surtout les plus âgés.

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D'ailleurs, elle savait s'y prendre pour attirer les âmes esseulées dans sa toile d'araignée.

À commencer par ces dames qu'elle aimait inviter à l'heure du thé, offrant à chacune une grande variété d'infusions accompagnées d'une assiette avec quelques rondelles de citron jaune. Le sujet de conversation portait très souvent sur la gent masculine et ses turpitudes à paraître, en quête de pouvoir. Elle ignorait en cela la femme, toujours prompte à la ranger dans sa cuisine, au ménage ou bien à l'éducation de la progéniture.

Pour prendre l'air, elle entraînait ses invitées vers son jardin. Dans ce dernier, habité d'une grande diversité d'arbustes dont de magnifiques Buddleia davidii, appelés de façon commune arbre à papillons, plutôt invasifs et d'un charme incroyable, elle aimait saisir l'instant en photographiant ces lépidoptères aux couleurs chatoyantes.

Puis elle glissait avec son aréopage intarissable vers son potager pour présenter ses tomates, ses salades dont de très belles laitues, des cucurbitacées avec force courges et potirons. Mais surtout, elle offrait des navets si riches en potassium, magnésium, phosphore et en fibres qui comme chacun savait, contribuaient à l'amélioration du transit intestinal, parfois encombrés, des séniors.

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Ce qui se passait ensuite, restait alors du domaine de la supputation et les ragots allaient grand train.

Nombre d'allégations couraient à travers chaque maisonnée et parmi les villageois. Elles trouvaient leur acmé à l'église, lors des cérémonies d'enterrement. Car une à une et parfois en série, des mères et des épouses disparaissaient dans d'atroces souffrances. Personne ne songeait à pousser plus avant les investigations pour comprendre ces décès si soudain. La municipalité, composée en majorité d'hommes, voyait là un phénomène incompréhensible et la maréchaussée réservait ses actions pour les troubles à l'ordre public.

De fait, le village voyait ainsi s'accroitre le nombre de ses veufs. Ce qui au final ne déplaisait pas à notre belle veuve noire qui trouvait là l'occasion de répandre ses charmes et de proposer quelques rendez-vous en sa demeure, une fois respectée une juste période de deuil.

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Pour la petite histoire, savez-vous que l'on attribue le nom de veuve noire à la femelle araignée qui mange le mâle à l'issue de l'accouplement. Bien que non agressive, elle tient sa réputation de sa dangerosité en cause de la toxicité de son venin.

Alors, pour le visiteur trop confiant et en peine de compagnie, s'aventurer dans la demeure de notre veuve présenterait un grand risque. Même pour prendre un thé, proposer à l'occasion une assistance au bricolage ou au jardinage ou tenter de conter fleurette, il vaudrait mieux qu'il gardât ses distances et fuît, le plus loin possible.

En effet, selon une rumeur tenace, la belle entretiendrait à l'abri des regards curieux et surtout de la lumière, un très grand aquarium à l'ambiance tamisée et humide. Dans celui-ci vivraient bon nombre d'arthropodes dont la fulgurance du venin calmerait bien des ardeurs, même celles de vieux mâles encore verts...

Dans les petits villages, les rumeurs et autres cancans alimentent bien des conversations et participent souvent à construire des contes ou des légendes...

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