Sur l'écran de mon ordinateur, je découvris la citation du jour de Michel Carré, laquelle correspondait à mon humeur matinale :

" Qu'il est doux de ne rien faire quand tout s'agite autour de nous ! "

Alors je quittai ma case en passant sous la varangue, chassant au passage de jeunes margouillats et me glissait entre deux caoutchoucs majestueux qui bordaient mon jardin pour rejoindre, par des chemins de traverse, la Plage de l'Ermitage.

Je reprenais mon train-train quotidien de dilettante tout en renonçant à des enjambées trop rapides. Je voulais profiter de chaque instant.

Une fois sur le littoral, je me lançais dans une cueillette d'objets hétéroclites que je glissais dans mon chapeau de paille. Répartis sur les étendues en pente douce et bordant l'océan à l'abri du récif coralien, ils représentaient une source inépuisable.

Le jour et la nuit négociaient encore, entre pleine Lune et Œil orangé. Un vent léger, loin des tempêtes tropicales qui abondaient en période cyclonique sur l'Océan indien, vint rafraîchir l'atmosphère.

*

Au final, le jour allait encore se lever.

Au bout de ma collecte, je trouvai un rondin d'acacia en retrait d'une bande de poudre de craie faite de mille coquillages sur lequel je m'asseyais. J'étalais alors ma pêche miraculeuse en profitant de la chaleur des premiers rayons. Quelques os de seiches, des coquilles ébréchées, des morceaux de bois de tamarin. À la suite de cet inventaire, j'improvisais un cérémonial artistique visant à dessiner sur le sable une étoile de mer, les bras ouverts en forme de rose des vents.

Depuis plusieurs années, des efforts conséquents des autorités locales visaient à revégétaliser les étendues du littoral avec des espèces endémiques ou indigènes propres à l'Île de la Réunion et j'en profitais tout en respectant ces actions, ce qui n'était pas la préoccupation des vacanciers de métropole.

Ces plantes supportaient les embruns salés, les températures élevées et la sècheresse. Autour de moi, je voyais ramper la patate à Durand et celle à cochon qui se destinaient à fixer le sable et à le retenir face à l'érosion combinée du vent et de l'eau. Plus en arrière, se présentait un premier rempart jalonné de buissons de manioc marron ou de veloutier bord de mer.

Enfin plus en arrière encore, des paysagistes avaient plantés des arbres en quantité et en diversité : le mahot bord de mer, le porcher, le toto margot et le vacoa et le latanier rouge. Au fil du temps, les Filaos cédèrent la place pour permettre aux nouvelles espèces rampantes de pouvoir s'étendre.

*

Je vis arriver les premiers touristes.

Ils étalèrent leurs serviettes de plage et gonflèrent des matelas pneumatiques. À l'aide d'un gonfleur, le papa développa un immense dauphin bleu, faisant le ravissement de sa petite fille. Cette famille semblait d'humeur festive. La maman sortit une guitare et se mit à fredonner " Over the Rainbow " et sa voix mélodieuse m'envahit comme un baume de tendresse. Israel "IZ" Kamakawiwoʻole mais aussi Éric Clapton vinrent tour à tour me rendre visite.

*

Je pensais à cette journée qui commençait et m'ouvrait l'appétit.

L'heure de manger un petit déjeuner sonnait donc à ma porte. Alors je remis mes tongs, mon chapeau, mes lunettes, ma serviette autour de mon cou et dans un dernier regard, saluait le soleil, le remerciant d'offrir à mon hypersensibilité encore un peu de bonheur et de douceur.

Des idées bouillonnaient dans ma tête et donneraient sans doute matière à écrire, des mots, encore des mots, aux humeurs créoles.

=O=

À découvrir

Feuilles et fruits de l'Île de la Réunion : fleurs-fruits-feuilles-de.com/accueil_.php

Somewhere over the Rainbow - Israel "IZ" Kamakawiwoʻole : youtu.be/V1bFr2SWP1I

Éric Clapton - Over the Rainbow (with lyrics) : youtu.be/iwlFTYT2Fdw