Exactement. Ça n’a pas de sens
Elena était debout, face à la fenêtre, le dos appuyé contre le bord de la grande table de la salle de réunion, une tasse de café fumante à la main. Mince, ses cheveux coupés courts en désordre, elle avait un certain air juvénile.
- Madame le capitaine ?
- Hmm ?
- Je viens d’avoir Armel, l’info sur la disparition de Laval est arrivée à la presse.
- Son téléphone est toujours éteint ?
- Le téléphone du professeur ? fit Karim. Oui.
Et il avança dans la salle. La table se devinait à peine de sous les piles de papiers récupérés de la maison du professeur Laval. Mais posée au-dessus d’une pile, devant lui, une grande photo en studio du professeur.
- Pas mal pour un prof, fit-il mais le sourire ne vint pas.
De la photo, toute en pénombres, le regardait un bel homme, aux yeux gris perçants, presque obsessifs, cheveux blancs et moustache extravagante. En dessous, une chemise en papier beige en guise de dossier, avec, découvrit Karim, le CV du professeur Hugo Laval étendu sur 5 pages bien remplies et une biographie provenant, sans doute, d’une publication. Aucun papier de police.
- J’attends vos rapports, dit Elena avec une voix absente.
- Et, euh… la fiche d’enlèvement ? L’appel à la police ?
Elle montra les papiers dans sa main avec le même regard pensif.
Sur un côté de la salle, il y avait un tableau blanc sur roulettes, couvert de post-it. Karim nota le tableau, et se dirigea intrigué vers celui-ci. Elena l’observait à moitié retournée.
- Si vous voyez des détails qui me soient échappés…, dit-elle. À droite ce sont les indices utiles pour l’enquête, à gauche les informations inutiles…
Au milieu du tableau on avait tracé une ligne épaisse au feutre noir.
- Le tapis roulé ? fit Karim.
- Oui, je le trouve étrange.
- Mais il n’y avait rien dedans.
- Exactement. Ça n’a pas de sens.
- Le manque des clés ?
- Vous trouvez que les ravisseurs ont l’habitude de récupérer les clés et fermer la porte ?
- Pour endormir les soupçons…
- Vu le bazar qu’ils ont laissé dans l’appartement ? D’ailleurs, vous avez pu contacter les voisins d’en dessous ?
- Non, le syndic doit nous fournir leurs noms, ce sont des locataires…
- Les noms sur la boîte aux lettres… ?
- Pas les bons. Les objets jetés au milieu des pièces ?! demanda Karim en s’approchant encore plus du tableau.
- Regardez les photos. C’est un acharnement, pas une fouille. Pareil dans la chambre. Pourquoi jeter les chemises sous le lit ?
- Comme pour le miroir cassé.
- Exactement. On a des empreintes ?
- Oui, plusieurs. Mais aucune correspondance jusqu’à maintenant, Jérôme est en train de les classer avec les scientifiques.
- On a les empreintes du professeur dans la base ? ou son ADN ?
- Non. La voisine ?!
- Il faudrait regarder sur sa brosse à dents peut-être ou son rasoir, son réveil... Pour la voisine, elle ne peut pas prouver son histoire : le professeur part en voyage et la prévient à l’avance, pourtant personne d’autre n’est au courant, même pas à l’université… Elle est la seule à avoir cette information et rien d’écrit… Vous avez trouvé des preuves pour une location ou un billet d’avion quelque chose ?
- Je ne crois pas que…. mais c’est vrai. Sa voiture est dans le garage. Non, on n’a rien.
- Le chat est réapparu ?
- … je ne sais pas.
- En tout cas, les papiers ne nous sont pas de grande aide pour l’instant... si ce n’est que… il gardait les thèses qu’il corrigeait. Il me semblait qu’ils doivent les rendre à leurs étudiants avec les notes…, dit Elena en posant sa tasse sur le bord de la fenêtre et se redressant.
Et après un moment, le temps pour Karim d’essayer de comprendre le document qu’il avait pris au hasard sur la table :
- Il y a plein de notes illisibles dans les piles à votre gauche, à voir si ça va servir, et plusieurs articles du professeur, dont un sur la grippe, très intéressant.
Karim déposa le papier et contempla les magazines, celui au-dessus, Epidemiology Review, affichait une couverture blanche étincelante aux fines rayures dorées.
- Je veux que vous épluchiez son compte bancaire, continua Elena.
- Ses comptes.
- Ah, ça va être intéressant alors.
- Et les fadettes ?
- Aussi, sourit Elena, on les a reçues ?
Karim hocha la tête.
- Je vais à l’université. Ah, j’oubliais : le joggeur, à quelle heure il l’a vu dans le parc ?
- Vers 7 heures, 7 heures 30, il n’est pas sûr.
- C’est un peu tôt, mais pas inhabituel. Donc il allait à pied vers l’Université ? Ça fait loin quand même.
- Je pense qu’il allait plutôt vers la station de métro, c’est juste à côté.
- C’est beaucoup plus plausible, tout à fait, rit-elle. Vous vérifiez s’il a pris le métro ce jour-là ? Sa voiture est en panne ? Clémence essaie de trouver quelqu’un de sa famille, mais pas beaucoup de succès encore…
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