Le tournoi (1/2)
Avertissement : c'est la deuxième fois de ma "carrière littéraire" que je m'attaque à une scène de combat. Soyez indulgents ;-) . Je suis cepandant preneuse de tous les commentaires qui pourraient m'aider à m'améliorer et à rendre ces scènes plus réalistes et plus crédibles.
Update 1 : le texte a été adapté suite aux nombreuses remarques générées par ma demande ci-dessus.
Je remercie tout particulièrement @Romogulus@ pour sa contribution et ses précieux conseils ainsi que @sergent@ qui ne se lasse pas de me botter le c... :-))) ... ainsi que tous les autres qui prennent le temps de me lire, de m'encourager et de me conseiller.
Update 2, 20 mars 2024 : l'éternelle réécriture, qui consiste encore une fois à tout mettre au passé.
C'était une belle journée printanière, le ciel d'un bleu profond et uniforme hébergeait un soleil radieux, à mi-course déjà de son zénith. Les trois tribunes étaient disposées en demi-cercle, dos à l'astre diurne. Elles abritaient la Cour, les dignitaires, et quelques invités de marque, avec leur suite, tous rassemblés dans celle du centre. Les tribunes latérales étaient réservées aux notables et aux bourgeois suffisament fortunés pour pouvoir s'offrir un siège. Face au soleil, tantôt debout, tantôt assis à même le sol, le petit peuple ne se contentait pas de son statut de spectateur de seconde zone. Les vendeurs ambulants remplissaient des gobelets en bois de cervoise ou d'hydromel. Des hommes vociféraient et emplissaient l'espace de leurs rires gras tandis que leurs moitiés, aglutinées en grappes, gloussaient et caquettaient à tout va. Des enfants, tout à la joie de se retrouver en nombre, couraient et jouaient sous la surveillance débonaire de leurs aînés.
Les trente-deux concurrents sélectionnés à l'issue des épreuves d'archerie défilaient devant la foule en liesse. Si Fille n'avait eu aucune difficulté à obtenir haut la main une très belle troisième place, décrochant ainsi son ticket d'entrée pour la seconde partie du tournoi, il lui fallait maintenant combattre encore cinq fois, à moins que l'un de ses combats ne connaisse une issue funeste, auquel cas elle n'aurait plus jamais à se soucier de quoi que ce soit. Son passage déclencha des rires moqueurs et des exclamations grivoises. Une raison de plus de montrer à tous ces bouseux ce qu'elle valait. Mais plus que l'orgueil, c'était la peur qui lui tordait le ventre. Avant d'entrer dans l'arène, elle avait vomi tripes et boyaux sous l'oeil goguenard de quelques concurents.
Un édile assisté d'un prévôt, d'un casuiste, et de plusieurs tâcherons et jouvenceaux veillait au bon déroulement des activités et au respect des règles. Il divisait les participants en deux groupes, chacun se voyant attribuer un adversaire. Lors de la première ronde, les concurrents combattraient tous ensemble, dans une joyeuse pagaille. Par après, les combats auraient lieu l'un à la suite de l'autre, permettant au public de les apprécier au mieux et aux participants d'assister aux joutes de ceux qu'ils pourraient avoir à affronter lors d'une des rondes suivantes. Fille comptait beaucoup sur ces observations pour étudier ses futurs adversaires. L'un d'entre eux, en particulier, l'impressionnait un peu trop à son goût. Elle avait rarement vu quelqu'un d'aussi grand, mais plus encore que sa taille, c'était son allure qui lui faisait un peur. Sa cotte de maille était recouverte d'un tabard noir. Même son heaume, qu'il portait pour le moment à la main, était fait d'un métal très sombre. Il ne portait ni armure ni plastron, comme une minorité des combattants d'ailleurs. Fille se méfiait plus de ces jouteurs d'apparence plus légère, elle les devinait rapides et vifs. Les armures devaient alourdir leurs hôtes. C'était aussi la raison pour laquelle elle avait opté pour une cotte de mailles courte, qu'elle portait par dessus un gambison. C'est Seth qui avait insisté, malgré les réticences de sa jeune élève qui voyait ces artifices comme des entraves. Elle avait cédé aussi pour le casque. Léger et bien dégagé, il ne protègerait que son crâne mais avait le mérite de ne pas limiter son champ de vision.
Un des assistants déambulait maintenant devant les concurrents alignés. Il portait un sac de toile qu'il tendait à chaque participant afin qu'il y puise une banderole de couleur. Trente-deux banderoles de seize couleurs différentes. Fille plongea la main dans le sac pour en tirer un morceau de tissu de quelques pieds de long. Il était pourpre. Elle l'attacha à sa taille tout en observant les autres combattants. Elle devrait affronter celui qui tirerait une bandelette identique. Elle le repéra enfin. Un vigoureux jeune homme qui lui aussi tentait d'identifier son adversaire. Quand son regard se posa sur elle, un large sourire vint illuminer son visage. Il devait s'estimer chanceux. Fille, elle, se réjouit de voir le garçon engoncé dans son armure. Quand il aurait ceint le heaume qu'il tenait à ses pieds, il serait presque intouchable mais peu mobile. Elle pourrait aller à sa guise, comme une guêpe autour d'un boeuf. Elle ajusta sa tenue tandis que les paires de combattants se formaient sur deux rangs, s'observant et se jaugeant. Son adversaire à elle, par contre, semblait ne même pas lui prêter attention. Peut-être pensait-il avoir déjà partie gagnée.
***
Fille risqua un coup d'oeil à la tribune. Le Légat affichait une mine sérieuse, presque grave. Dans un instant, il donnerait le coup d'envoi, toute son attention semblait concentrée sur ce petit geste qui lancerait les concurrents dans la bataille. À ses côtés, Layna, tout sourire, devisait à bâtons rompus avec sa voisine. Fille ne se souvenait pas l'avoir jamais vue. Elle chercha Seth des yeux dans les deux autres tirbunes, sans succès. Elle ne le trouva pas non plus dans le parterre populaire.
Où donc es-tu ? C'est maintenant que j'ai besoin de toi ...
Elle parcourut encore une fois l'assistance du regard, mais de Seth, point de trace. Elle avait dû le rater, il ne pouvait pas ne pas être là.
Tant pis pour Seth ! Elle devait se concentrer sur le combat. Elle respira profondément, parvint tant bien que mal à maîtriser le poids qui quelques instants plus tôt, lui comprimait la poitrine. Ne restait qu'une peur diffuse, une terrible appréhension. Du coin de l'oeil, elle vit le Légat se lever, tendre le bras, lâcher l'étoffe. C'était parti.
Elle s'attendait à une mêlée brutale et violente, mais rien de tout ça. Les concurrents prenaient la mesure l'un de l'autre, quelques épées tintèrent autour d'elle, sans réelle conviction. Son adversaire, lui, s'enhardissait déjà. Il lança une attaque qu'elle esquiva. Elle décida de le fatiguer avant de prendre l'initiative. Elle virevoltait telle une danseuse tandis que le jeune homme s'épuisait dans de vaines tentatives de lui porter un coup puissant. Son épée fendait l'air et par deux fois même le sol sans avoir ne fût-ce qu'une fois touché le bâton. Ses mouvements se faisaient plus saccadés tandis que ceux de Fille demeuraient fluides et précis.
Un choc.
Elle se rattrapa de justesse. C'était un concurrent voisin, déséquilibré, qui était venu la percuter par derrière. Elle n'eut que le temps de le voir s'écrouler au sol. Peut-être était-il déjà mort. L'antagoniste de Fille profita de la diversion pour lancer toutes ses forces dans une ultime attaque. Mal lui en prit. Elle esquiva, tournoya sur elle même et vint asséner un formidable coup dans la nuque du malheureux qui, déséquilibré, vint buter sur l'homme au sol. Il s'étala de tout son long, face contre terre. D'abord immobile, il cherchait maintenant à prendre appui sur le sol.
Ne te relève pas.
À quatre pattes, il s'écarta et tenta de se relever. Fit face.
Ne te relève pas !
Elle frappe le côté du heaume avec toute la force dont elle était capable, puis le sommet du casque, comme si elle voulait enfoncer un piquet dans la terre. L'homme s'écroula.
Ne te relève pas.
Soulagée, elle constata qu'il semblait lui obéir. Des soigneurs vinrent évacuer le blessé, elle put s'avancer devant la tribune, rejoindre le rang des vainqueurs qui commençait à se former. Elle eut juste le temps d'apercevoir un léger sourire sur le visage de Dame Layna avant de se tourner face aux combats en cours. Elle trouva ça bien moins spectaculaire que ce qu'elle imaginait. Les combattants fatigués, parfois blessés, s'affrontaient sans panache dans une lutte désordonnée, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un seul combattant debout, qui venaitt alors rejoindre les rangs des chanceux. Quand enfin, le groupe des vainqueurs fut au complet, ils se tournèrent d'un bloc face au légat et ses invités.
La première ronde était maintenant achevée.
***
Dans la zone d'attente, Fille tentait de faire le vide, comme Seth le lui avait appris. Elle avait assisté aux deux combats précédents, il en restait deux autres avant qu'elle ne doive affronter son second adversaire. L'homme, à peine plus grand qu'elle, était étonnament petit pour un guerrier. Elle ne savait si elle devait s'en réjouir, d'autant que comme elle, il n'était pas lourdement harnaché. Les cris et les clameurs étaient maintenant étouffés par la bulle qu'elle s'était construite. Elle était étonnament calme, détachée. Quand elle pénètra dans la fosse, le silence lui parut si compact qu'elle pouvait presque le toucher. Pourtant, la foule hurlait son impatience, Fille pouvait par ailleurs voir les visages déformés et les gueules grandes ouvertes. Un léger brouhaha perçait le mur de sa concentration. Face à elle, son opposant. En garde. Déjà. Elle s'approcha, le bâton le long du corps, pointant vers le bas. L'homme dansait lentement d'un pied sur l'autre. Il attendait. C'était à elle de prendre l'initiative. Elle lança une attaque qu'il repoussa de son épée. Il lui fallait éviter ce genre de contact. Son bâton, bien que taillé dans du bois d'Akh-Kargir, pourrait ne pas tenir le choc. Elle se déplaça avec assurance, sans précipitation, tourna autour de l'homme. Elle attaqua encore, sans trop de conviction, juste pour le jauger. Une deuxième, puis une troisième fois. L'homme était agile, mais à ce jeu, elle comprenait qu'elle le dominait. Elle était maintenant totalement en confiance, pas une fois son concurrent n'avait pris l'initiative. Ça allait être facile. Trop facile. Alors elle décida d'y mettre les formes. C'était une chorégraphie, presque une parade nuptiale. Elle se déplaçait avec tant de grâce que la scène n'avait plus rien d'un combat. Elle virevolta, fit tournoyer son redoutable bâton. Celui-ci passa au-dessus de sa tête et s’abattit sur l'avant-bras gauche de l'homme.
Impact.
Sous le choc, le membre émit un craquement bref, l’adversaire hurla de douleur. Il marqua un temps d'arrêt. Releva sa garde. Son bras gauche pendait le long de son corps ; il ne tenait plus son épée qu’à une main. Fille continuait sa danse sous les clameurs de la foule charmée. Seth désapprouverait. Combien de fois l'avait-il rappelée à l'ordre ? Pour lui, ces figures sophistiquées étaient autant de phases dangereuses, il ne fallait jamais tourner le dos à l'adversaire, même une fraction de seconde, serinait-il toujours. Mais Fille était convaincue qu'elles renforçaient la puissance de ses coups et elle les affectionnait. La foule aussi d'ailleurs se régalait de cette danseuse qui évoluait avec grâce autour de sa proie.
L’homme tenta de la piquer. Emportée dans son élan, elle se décala. Le bâton partit comme une gifle vers la tempe de son opposant.
Nouvel Impact. La foule exultait.
Le casque de l'homme, maintenant déformé par le coup, venait de lui sauver la vie, mais le choc le sonna suffisamment pour qu'il ne pense pas à remonter sa garde. Cela n'échappa pas à Fille qui ramena son arme pour une nouvelle attaque. Elle porta un formidable coup d'estoc juste sous le bord inférieur du casque, en direction de la gorge de son adversaire.
Ultime impact.
Le cerclage de métal vint s'écraser à pleine vitesse à la jonction des mâchoires inférieures. Groggy, l'homme vacilla, puis partit en arrière et s'écroula. Ses jambes et ses bras s'agitaient en tous sens tandis que le sang giclait à gros bouillons sous la mentonnière tranchée nette. Fille détourna les yeux.
Ne pas penser. Ne pas penser Ne pas penser ...
Mais c'était sans compter sur la foule qui, transportée, hurlait son enthousiasme et sa joie. Rarement spectacle avait conjugué avec un tel brio la violence du combat et la beauté du geste. Des enfants battaient des mains. Tout devant, une petite fille faisait tournoyer une branche, pâle tentative de mimer la combattante victorieuse. Les hommes martelaient le sol du pied en rythme, si fort que Fille pouvait ressentir la vibration dans ses jambes. Ils scandaient quelque chose à pleins poumons, mais les sons lui parvennaient déformés, au point qu'elle ne parvenait pas à en identifier le sens. Était-ce dû au subit relachement après toute cette tension ? Ou à l'euphorie de la victoire qui libèrait en elle un torrent d'humeurs et d'émotions ? Le sol qui vibrait sous ses pieds, les clameurs lancinantes qui lui vrillaient les oreilles, la sueur qui maintenant lui coulait dans les yeux, la poussière qui envahissait la fosse, la foule qui s'agitait comme une vague ... pour elle ! Elle avait gagné. Gagné ! Alors, solidement campée sur ses pieds, elle brandit son bâton et poussa un cri qu'elle voulait gutural mais qui se révèla strident. Il était toutefois si animal et si puissant que personne ne songea à s'en moquer. Bien au contraire, la foule déchaînée lui répondit de la même voix perçante. Si fort que le hurlement dut s'entendre à près d'une lieue.
***
Les huit vainqueurs sétaient alignés côte à côte, face à la tribune. Il règnait un calme qui contrastait avec la fureur qui il y avait un instant encore, animait la foule du petit peuple. Les conversations allaient malgré tout bon train, chacun commenttant l'une ou l'autre phase du combat. Dame Layna rayonnait, le Légat salua les combattants d'un bref signe de la tête.
Un jouvenceau s'avança, porteur de la hotte aux banderoles. Quand Fille en sortit la main, elle dut se faire violence pour ne pas trembler.
Ruban jaune. Le même que le chevalier noir.
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