Chapitre 34-2 : Thébaldéric Guldegriffritter

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  L'air faussement choqué, la fée porta une main à sa poitrine.

  –Thébaldéric ! Mais quel est donc ce langage ? Tes précepteurs t'ont mieux instruit que cela.

  –Je me moque bien de ce que mes précepteurs m'ont enseigné ! Vous avez perdu le peu de respect que j'avais encore envers vous !

  –Tout de suite les grands mots...

  –Les grands mots ? Si je n'avais pas cédé à votre odieux chantage, vous auriez laissé cette jeune femme être condamnée à mort alors qu'elle n'a cherché qu'à obtenir justice pour sa parente et qu'elle n'avait rien à voir avec moi ! Alors que vous saviez ce qu'il m'en coûterait de dévoiler mon identité et que vous auriez pu le faire vous-même vous m'avez forcé à le faire, à me condamnez moi-même ! Maintenant que ces soldats sont au courant, ce n'est plus qu'une question de temps avant que mon père...

  –Non.

  Jäger cilla une fois, puis fronça les sourcils.

  –Non, quoi ?

  –Je ne pouvais pas dévoiler ton identité. Vois-tu, le lendemain de ton départ, Aine a convoqué toutes les Tírnaniennes susceptibles de te connaître au moins de vue afin de nous faire promettre quatre choses. (Elle dressa l'index.) Premièrement, de ne pas nous lancer à ta recherche, ni de notre propre chef, ni sur l'ordre d'une tierce personne, pas même de ton père. Elle seule pourrait nous y autoriser. (Elle leva le majeur). Deuxièmement, de ne pas dévoiler ton identité aux autres personnes potentiellement présentes si jamais nous tombions sur toi par hasard. (Elle leva l'annulaire.) Troisièmement, de ne pas te ramener de force auprès de Melchior ou de tout autres personnes pouvant servir d'intermédiaire en cas d'une telle rencontre. Et enfin, de ne parler de cette rencontre à personne en dehors des nôtres. Alors, comme tu peux le voir, nos options sont assez limitées. À part te convaincre ou te pousser te dévoi...

  –Vous aviez toujours le choix de ne rien faire du tout et de me laisser tranquille, rétorqua-t-il, le timbre vibrant de ressentiment. Mais non, c'était plus fort que vous. C'est toujours plus fort que vous. Qu'importe que cela soit au détriment de quelqu'un, à chaque fois que vous voyez une occasion de vous divertir, vous vous en saisissez. Alors cessez de vous trouver des excuses et reconnaissez une bonne fois pour toutes que vous n'êtes que de sales garces manipulatrices.

  La fée cessa de sourire.

  –Trouver un moyen de te renvoyer chez toi n'a pas pour seul but de nous distraire et tu le sais. Ton père...

  –Nous a séquestré pendant quinze ans, sous prétexte que c'était le seul moyen de nous garder en sécurité, et cela a fini par tuer ma mère. Alors qu'il souffre. C'est tout ce que cet égoïste mérite.

  J'écarquillai les yeux, choquée par ces mots. La fée fronça les sourcils.

  –Tu ne penses pas ce que tu dis.

  –Bien sûr que si. Alors pour une fois, faites-moi plaisir et dites-le-lui, la prochaine fois que vous le verrez. Qu'il cesse d'importuner les dieux avec ces vaines prières. Car il aura beau les supplier, je ne reviendrais pas au palais. Jamais.

  Une ombre tomba sur les traits de la marraine.

  –J'avais imaginé bien des raisons pour expliquer pourquoi tu n'étais pas rentré après trois ans d'errance, mais il faut croire que j'avais une trop haute estime de toi, car la vilenie et l'ingratitude n'en faisait pas parti.

  Les doigts de Jäger tressaillirent sur son arme.

  –De l’ingratitude ? S'il ne nous avait pas forcé à rester auprès de lui...

  –Si tu tiens tant que cela à lui planter un coup de couteau en plein cœur, le coupa-t-elle avec froideur, soit un homme et dis-le-lui toi-même. Tu en auras de toute façon bientôt l'occasion, quand ses hommes t'auront récupéré à ton arrivée à Wiegerwäld. (Elle décocha un regard assassin aux soldats qui ne savaient clairement plus quoi faire ni où se mettre. Tous se raidirent.) Un prince ne devrait voyager sans protection, alors escortez Son Altesse jusqu'au meilleur bateau qui se rend en Wiegerwäld. Je compte sur vous pour prendre bonne note du nom du navire et du port où il débarquera, que Sa Majesté Melchior sache où récupérer son ingrat de fils.

  Le chasseur grinça des dents.

  –Je ne suis pas un pr...

  Une ligne verticale lumineuse fendit soudain l'air dans le dos de la fée, puis l'air se déchira, s'ouvrant sur un paysage trouble mais assez visible pour constater qu'il n'avait rien à voir avec la plaine où nous nous trouvions. Au lieu des hautes herbes se déroulaient une rue longée de part et d'autre d'habitations à l'architecture étrange, ainsi que de luxuriante plantes qui ne me disaient rien du tout. De nombreuses silhouettes, tout aussi floues que leur environnement, remontaient ou redescendaient cette allée, soit à pied soit dans les airs. Quel que soit leur mode de déplacements, aucune ne marqua de temps d'arrêt à l'ouverture du portail, à croire que rien ne se voyait de leur côté, à moins qu'elles soient tellement habituées à ce phénomène qu'il les laissait indifférentes.

  Sans quitter le chasseur des yeux, la marraine fit un pas en arrière et franchit la porte entre nos mondes.

  –Au revoir Thébaldéric. J'espère sincèrement que tu te seras remis en question avant d'arriver au château. (Ses yeux glissèrent sur moi.) Peut-être que ta petite futée pourra te faire entendre raison durant la traversée. De ce que j'ai compris, elle aimait et respectait ses parents, elle.

  –Elle n'est pas ma...

  Le portail se referma.

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