SCÈNE II. Diamartène, Onion.
Les spots diffusent une lumière orangée.
Nous sommes chez Diamartène ; il y a un canapé en L, couvert de linges blancs
et une table basse sur laquelle repose un panier garni de fruits et une manette de switch.
Des tissus pendent du ciel, comme de grands rideaux en étoffe romaine.
DIAMARTÈNE
Onion ! Je suis colère ! Le ciel s’est abattu sur moi ! Le Vésuve a craqué ! Tout ça à cause de cette maudite Oracle, qui n’en a que le nom ! Une incompétente, une vipère !
ONION
Oh messire, mon pauvre messire. Quels mots peuvent contrarier ainsi mon ami, mon fidèle féal ?
DIAMARTÈNE
Cette harpie, car elle devait être sur son mauvais jour, m’a deviné un destin peu enviable ! Entends-moi ! C’est la solitude et le chagrin qui m’attendent !
ONION
Quoi !? Comment l’Oracle ose-t-elle vous prophétiser de tels abîmes ? À vous l’orphelin plus pur que le lys, plus blanc que la neige ! Vous, l’éthéré, le splendide, le magnificient. Vous qui jamais n’avez fait le moindre mal ? Comment le fatum peut-il se montrer si néronien avec vous !?
DIAMARTÈNE
Ce n’est pas tout. (À genoux, les bras levés devant la cruauté du Ciel) Je vais finir puceau !
ONION
QUOI !?! Impossible ! Vous êtes le charnel, le désirable, la tentation, charmeur irrésistible ! Vos muscles brasillent comme mille éclats de verre sous la lune, vos cuisses saillent sous vos jupons, votre visage est si sculpté qu’on s’y couperait ! Tous les aveugles pleurent de ne point vous aviser, les sourds, de ne point vous ouïr, et les muets de ne point pouvoir vous susurrer de doux mots d’amour. Vous mourrez la verge accomplie, et sans plus d’hymen, je le jure ! Car toutes les femmes devraient vous sau…
DIAMARTÈNE
Mon bon Onion, vais-je finir ma vie seul ? Sans la moindre compagnie, sans une embrassade pour me réchauffer ?
ONION
Oh non mon bon messire, ça non, pas tant que vous m’avez moi !
DIAMARTÈNE
Toi… Toi et toi seul ?
ONION
Moi, monsieur, et vos moult amantes, et vos amants, si le cœur vous en dit ! Et des amis aussi, plein d’amis !
DIAMARTÈNE
Tu le dis et le penses, et pourtant, je crois bien être haï par le Monde ! Et surtout par les femmes.
ONION
Comment vous haïr, vous avez tant de hauts faits, tant accompli pour notre cité d’Athène-lès-Saint-Pourçain-sur-Sioul ! Oublient-ils la fois où vous avez terrassé le penseur de vérité qui offensait la cité ? Et la fois où vous avez empêché le bélier de défaire ses enclosures ? Et la fois où vous avez recouvré l’escargot de compagnie du temple ?
DIAMARTÈNE
Détesté par tout le monde, et surtout par les femmes.
ONION
Les femmes ! Oh elles ! Elles jouent les effarouchés, mais ne peuvent rester frigides à vos charmes. Elles n’osent nûment pas vous coudoyer de peur de tomber dans les affres du ridicule.
DIAMARTÈNE
Mais rassure-moi, dis-le-moi droit dans les yeux : tu ne quitteras jamais mes côtés ?! Je suis ton Alexandre, et tu es mon Héphaistion, c’est ensemble que l’on doit conquérir la Gloire !
ONION
Moi !? Vous laisser? Comment osez-vous le penser !
DIAMARTÈNE
Roh, c’est vrai, tu me suivais déjà alors que nous étions tout petits ! Et jamais, tu n’as eu de parole mauvaise, jamais le geste gourd et malavisé !
ONION
Je vous le jure, mon prince, sur ma vie, sur la cité, sur tout ce qui existe, que si quiconque menace votre vie, j’irai en guerre ! Je brandirais l’oriflamme, et je l’enroulerais autour de mon cou pour me pendre si j’échoue à vous sauver !
DIAMARTÈNE
Mais malgré tout ce que tu dis pour me rassurer, même mes mères me détestent !
ONION
Ah, ces mégères, ces grognasses ! Elles n’ont pas rendu service à mon bon seigneur. Non, ça non ! Elles vous ont lâché dans la vie avec une viatique dans un baluchon et votre apparat pour toute arme. Des bonnes à rien !
DIAMARTÈNE
Oui enfin, Aphrodite reste une déesse quand même…
ONION
Oh non mon bon compagnon, certainement pas. Vous valez tellement plus qu’elle…
DIAMARTÈNE
Je te rappelle que c’est de ma mère que tu traites…
ONION
Navré mon prince, mes mots ont dépassé ma pensée. Je ne saurai que m’incliner devant la créature au vagin prodigieux, qui a su accoucher de notre salvateur.
DIAMARTÈNE
Ah ! C’est cela ! Oui ! Tout à fait ! Prodigieux, et salvateur !
Tu as le mot doux, mon ami, mais j’ai encore à te dire.
ONION
Je suis tout ouïe !
DIAMARTÈNE
Tu as su prendre soin de mon cœur abîmé, et caresser le Cerbère qu’il est pour le rassurer.
ONION
J’en suis fort joie !
DIAMARTÈNE
Et donc…
ONION
Et donc ?
DIAMARTÈNE
Je vais me confesser !
ONION
Vous… Quoi ? À qui ? À quoi ?
DIAMARTÈNE
La belle Hécatonéphapse, la plus belle de la Cité ! Un dieu ne pourrait lui résister !
ONION (dépité)
Oh… Je suis ravi pour vous mon seigneur. Quelle riche idée… J’ai hâte que vous me comptiez vos exploits avec elle, et j’espère de tout cœur que votre entreprise se soldera d’une réussite.
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