SCÈNE III. Diamartène, Hécatonéphapse, Anadève.
Le décor est celui de la ville d’Athène-lès-Mortemart ;
De grandes colonnes gréco-romaines en carton encadrent la scène.
Il y a une fontaine au milieu, un banc côté jardin, un trépied côté cour,
et un arrière-plan de temples et d’HLM.
DIAMARTÈNE
Hécatonéphapse !
HÉCATONÉPHAPSE
Moi.
(à part)
Le fils d’Aphrodite. Son diagnostic a été posé dès la plus tendre enfance : syndrome de l’esprit vagabond et développement précoce d’une crétinite aiguë. Les dégâts furent irréversibles.
DIAMARTÈNE
Je dois te dire quelque chose !
HÉCATONÉPHAPSE (faussement enjouée)
Oh, vraiment ?
DIAMARTÈNE
Vous êtes une belle âme, radieuse comme Hélios, charmante comme ma mère ! Et voilà…
ANADÈVE
Bonjour ? Bonjour ! Excusez-moi, je n’en ai pas pour longtemps, mais c’est à vous ce trépied ?
DIAMARTÈNE
Pardon ?
ANADÈVE
Voyez-vous, il n’était pas là ce matin quand je suis sorti promener le chien, j’étais seul dans la rue, enfin, aussi seul qu’on peut l’être quand on sort promener le chien quoi, et maintenant, il est là, juste là ! C’est fou non ?
DIAMARTÈNE (l’ignore)
Ainsi, je disais ! Vous avez tout l’air d’une olympienne, avec vos yeux, je me dis que c’est Zeus qui a volé les étoiles du Ciel pour les y cacher ! C’est certainement de là que vient votre sagacité ! Vous êtes vraiment, de toutes les femmes que j’ai à connaître, l’Athéna de la Cité !
HÉCATONÉPHAPSE (faussement enjouée)
Jusqu’à présent, vous ne m’apprenez rien, et vous arrivez quand même à le faire sans démesure d’éloquence.
(à part)
Je sens où il va avec ses grosses sandales pleines d’éloges et ça ne me plait pas du tout.
ANADÈVE
Mais donc c’est pas à vous ce trépied ? Vous êtes sûr hein ? Vous ne l’avez pas fait tomber de votre poche ou…
DIAMARTÈNE
BONS DIEUX ! Non, ce n’est pas à nous !
HÉCATONÉPHAPSE
C’est un anémomètre. Une perturbation atmosphérique d’origine convective est vite arrivée, et avec ces cumulonimbus qui nous planent dessus depuis quelques jours…
ANADÈVE
Ah d’accord ! Je vois, c’est clair en fait ! Bon bah, merci hein ! J’y vais maintenant !
DIAMARTÈNE
Enfin !
Ainsi, je disais donc : je ne peux plus retenir ces sentiments qui m’habitent ! Et vous devez le savoir ! Hécatonéphapse, je vous aime comme personne ne peut vous aimer !
HÉCATONÉPHAPSE
Ah.
(à part)
Ah !
(à Diamartène)
C’est embarrassant. Je ne puis retourner tes sentiments.
DIAMARTÈNE
Mais. Mais pourtant, je suis si connaisseur, si sachant que l’on s’enorgueillit d’être à mes côtés !
HÉCATONÉPHAPSE
J’ai connu des poules plus malignes que toi.
DIAMARTÈNE
Mais ! Je suis également un véritable apollon ! L’on me le dit ! L’on se crèverait les yeux si je devais interdire que l’on me regarde !
HÉCATONÉPHAPSE
J’ai connu des sangliers plus beaux que toi. Tu n’es pas symétrique et ton teint verdâtre te rend moins attirant qu’un macchabée.
DIAMARTÈNE
Mais… C’est pas très gentil, ça …
HÉCATONÉPHAPSE
Tu n’es pas en droit d’espérer de la gentillesse de la part d’une femme dont tu refuses le rejet. Je t’ai dit non, accepte ma réponse et va !
DIAMARTÈNE
NON ! Non de non ! Ce n’est pas comme ça que ça doit se passer ! Vous allez voir !
HÉCATONÉPHAPSE
Et que vas-tu faire ? Te mettre à pleurer pour rendre cette situation plus embarrassante encore ?
DIAMARTÈNE
Vraiment, vous êtes un spécimen authentique de votre genre ! Une vipère ! Non, une mégère ! Pire ! UNE SALOPE ! Comme toutes les autres, là ! À faire exprès, à se forcer à me rejeter !
HÉCATONÉPHAPSE
Garde pour toi tes excès de langage, et contient ta colère. Tu fais honte à tes mères et tu t’humilies. Pour ma part, je m’en vais, je n’ai rien de plus à entendre de celui qui a perdu la raison.
HÉCATONÉPHAPSE quitte la scène.
DIAMARTÈNE
Elles verront… Toutes autant qu’elles sont ! Personne ne refuse à un demi-dieu ! J’ai été choisi par l’Olympe ! Je leur suis meilleur en tout point !
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