SCÈNE V. Hécatonéphapse, Aphrodite, Nénufar, Aléthie.

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L’Olympe.
L’herbe est décoiffée.
Les nuages sont en bordel.
Une coupe d’ichor est renversée au sol.
Hécatonéphapse fait les cent pas quand Aphrodite et Nénufar arrivent, essoufflées.


HÉCATONÉPHAPSE
Alors ?

APHRODITE
Alors ça s’est mal passé ; une ire stupide !

NÉNUFAR
Si vous saviez. Vous ne pouvez pas en tenir rigueur à ma maîtresse, elle a tout fait, vraiment, pour que les choses se passent bien.

HÉCATONÉPHAPSE
Détaillez avant que je ne balance une bombe sur la maison de ton fils l’ahuri.

APHRODITE
D’abord, nous avons fouillé les ruelles sordides
De cette cité, et jusques au champ de Mars !
Il discourait, nous avons cru à une farce !

NÉNUFAR
Il faut reconnaître qu’il y a des améliorations en termes d’éloquence. Les soldats étaient suspendus à ses lèvres, happés par ses mots. Il eut pu leur dire de se jeter dans les laves du Vésuve, je crois qu’ils l’auraient fait.

APHRODITE
Il n’y aurait d’amour consenti, disait-il
Et marcher sur Gif-en-Laconie, fallait-il !
Pour se saisir par la force de toutes femmes !
Des paroles viles, horrifiques, infâmes !

NÉNUFAR
Alors, elle est bravement intervenue. Elle était magnifique, je dois dire. Baignée des rayons d'Apollon, les pans de sa toge imprégnés d’un parfum de rose ondulaient autour de sa silhouette sulfureuse, son front était ceint de lauriers blonds… Elle leur est apparue comme une révélation. J’ai vu sur leur regard la peur et l’euphorie, de comprendre qu’une déesse se présentait à eux.

APHRODITE
J’étais la tempête ! Attrapant par l’oreille
Ce qui est encore, je l’espère, mon fils !
J’allais le tirer de son perchoir cavalier…

NÉNUFAR
Il vous eut fallu voir tous ces regards hébétés, la prise de conscience de ses âmes en peine. Ils comprirent que Diamartène n’était qu’un charlatan. Enfin, ils le comprirent à ce moment du moins, parce qu’après…

APHRODITE
Qu’il m’a noyé sous une vague maléfice !
Comme à l’enfant que l’on gronde, que l’on effraye !
Il voulait me ridiculiser, m'humilier
Devant sa cohorte de soudards hébétés,
Et alors, d’un geste ferme, je l’ai claqué.
En larmes, il est tombé à genoux, en supplique
Qu’il termine sa bien mauvaise homélie,
Qu’après, l’on parlerait sans détours homériques ;
Pour un’ fois qu’il se sentait aimé, accompli !
Lors j’ai cédé, je l’ai laissé y retourner.

HÉCATONÉPHAPSE
Ma colombe, il vous a pris pour un pigeon. Ses crocs de vipères ne sifflaient mensonge que pour mieux se refermer sur votre chair innocente.

ALÉTHIE
Ce n’est ni une colombe ni un pigeon puisque c’est un canard.

NÉNUFAR
Elle le sait maintenant, soyez en sûre ! Ma dame a beaucoup regretté quand elle a vu ses soldats lever leur glaive au ciel pour son fils. Mais il fallait qu’on essaye de le raisonner pacifiquement. Alors, elle l’a pris dans ses bras, et lui a déclaré de la manière la plus tendre et belle son amour.

HÉCATONÉPHAPSE
Il ne connait pas ce mot. Comment a t’il réagi ?

APHRODITE
Il ne voulait plus m’entendre. Il m’aime, a-t-il dit.
Mais son destin inaliénable, il s’y dédie !

NÉNUFAR
Alors une larme, ronde et brillante, a coulé le long de la joue de ma dame. Anamorphosant les plus pures ondes de lumière, elle a diffusé autour d’elle une aura splendide, la détresse inconsolable de la plus belle des déesses. C’était comme…

APHRODITE la coupant
Oh, silence, Nénufar ! C’est toujours comme ça !
Tu exagères tout, tout le temps ! J’ai lâché une larmiche
Pas de quoi en appeler encore à Eris !


Hécatonéphapse se met à rire comme une damnée.


HÉCATONÉPHAPSE
Ridicule ! Une déesse qui s’écrase devant la vermine. Je t’ai connu plus grande, Aphrodite.

APHRODITE
Tu ris d’une mère qui pleure. N’as-tu pas honte ?
J’ose te rappeler que je suis la maîtresse
De ta conditïon humaine et vengeresse…

HÉCATONÉPHAPSE
Peu importe. Je t’ai laissé la journée. Tu as failli. Je ferai le sale boulot moi-même.

NÉNUFAR
Vous n’y pensez pas ?

APHRODITE
Laisse nous, Nénufar, veux-tu bien ..?

Nénuphar se retire.


HÉCATONÉPHAPSE
Je m’en vais aiguiser mon glaive. Rien de mieux qu’un bon poignardage à l’ancienne pour régler tout cela.
Et j’émincerai le petit Onion en prime.

APHRODITE
La violence ne peut être la solution.
L’amour ne vaincra jamais par Extinction !

HÉCATONÉPHAPSE
Allons, tu ne penses pas toi-même ce que tu dis. Une fois cette histoire réglée, tu me remercieras d’avoir eu le courage de faire couler ton sang.

APHRODITE
Tu ne feras rien du tout. Tu ne comprends pas !
Tu cherches à tuer là un enfant que j’essaie
D’aimer ! Tu dois le voir, si ton cœur n’est pas las !..

HÉCATONÉPHAPSE
En l’épargnant, je sacrifie mon honneur, en le tuant, je sacrifie mon amour. Tu m’accables d’un choix immonde. Mais si je t’aime, je ne peux laisser couler en ton nom le sang d’innocentes. Laisser ta propre chair commettre un crime contre l’amour, c'est accepter ta mort. Si je ne fais rien, ton nom sera effacé de ce panthéon.

APHRODITE
Il y a d’autres solutions qui ne t’ont pas …
Elles ne t’ont pas effleurée ! Et … Et si jamais
Tu devais passer à l’acte ! Je ne pourrais pas
Continuer de t’aimer !..

HÉCATONÉPHAPSE
Qu’il en soit ainsi. Rien ne me fera plus plaisir que de te porter comme cadeau d’adieu le cœur de ton fils dans un petit écrin de soie, seulement pour que tu voies comme il est atrophié et exsangue.

APHRODITE
Monstre. Te voilà mortelle. De nouveau et à jamais.
Entends. Je veillerai personnellement avec obstination
A ce que tu ne l’approches pas. Une seule main posée
Sur lui, et je t’enverrais dans le Phlégéthon.


Hécatonéphapse s’en va, glaive à la main.
Elle n’a pas de regard en arrière.

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