Le vide
Je suis assise sur un banc de la cour, à fixer le vide. Je passe tout mon temps libre ici, seule, sans bouger ni parler, contrairement aux autres filles qui profitent de leur temps de récréation pour discuter et s'amuser entre elles. Moi, je ne me suis jamais amusée, je ne sais pas ce que c'est de ressentir du plaisir, ni de la joie, pas de même de la tristesse ou de la colère. Je n'ai jamais rien ressenti. Je me rends bien compte que ce n'est pas normal en voyant la multitude d'expressions qui se dessinent sur les visages de mes camarades, mais qu'y puis-je ? D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été ainsi. Je ne me rappelle pas de la moindre émotion, ni d'un quelconque sentiment. Ça n'a jamais existé pour moi.
J'ai pourtant déjà essayé de ressentir quelque chose. Un jour, j'ai ridiculisé une fille, connue dans l'orphelinat pour être particulièrement sensible, devant toutes les autres pensionnaires. Elle a éclaté en sanglots, mais en la voyant dans cet état, je n'ai ressenti ni le plaisir de l'avoir écrasée, ni de la culpabilité, de la pitité ou de la peine pour elle. Rien. Juste un vide béant.
Alors j'ai laissé tomber, en me disant que je ne ressentirai jamais rien, comme je n'avais jamais rien ressenti auparavant et que je devais me faire à cette idée.
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