Chant premier
Au centre d'un flamboyant reliquaire,
Un crâne, préservé de la poussière,
Trônait, au temple où les sages méditent.
L'ostensoir, ourlé d'or et de néphrite,
Brillait ; mais cent fois plus profondément
Du crâne brûlait, tels deux firmaments
Glacials, la nuit d'orbites caverneuses.
Un cénobite, à la mine curieuse,
S'interrogeait sur son étrange histoire,
Car on se clivait quant à sa mémoire :
Devant la boîte où la gloire et la mort
Hantaient la décombre du même corps,
Les moines, entre eux, sanctifiaient un saint ;
L'armée priait feu un fier fantassin ;
D'autres l'élevaient au rang des prophètes
Et recherchaient son auguste tablette.
L'on s'accordait du moins sur son trépas,
On le disait tombé sous l'attentat
D'un tyran voisin, supprimé lui-même
Par le haut fait d'un monarque suprême.
"Ilanver El Sambraz" était gravé
Sous le bel encéphale délavé,
Le bon roi Elmer fut son bras vengeur ;
Le vaincu laissa son nom aux rongeurs.
Quant au pieux garçon, baptisé Unone,
Il n'avait jamais côtoyé personne
Qui lui tînt discours historique et clair
Sur l'os prestigieux, nimbé de mystère.
Il avait réduit son terrain d'enquête
À la contemplation sourde et muette,
Et vaine, du joyau cadavérique.
La saine blancheur de la tête antique
Reflétait son silence recueilli,
Mais, du regard défunt, l'encre jaillie
Lui racontait d'un coup mille odyssées.
Des pieds jusqu'au chef, il en frémissait,
Si tôt envoûté, frappé de stupeur ;
Puis le charme passait comme vapeur,
Si bien que toujours il perdait le sens
Du vif émoi où l'abîmait sa transe.
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