Chapitre 11 : Renégat (2)
Aucune réponse ne vint. Entre deux quintes de toux, Nick avala une bouffée d’air nauséabonde. Bien que le jeune homme ne soit pas encore en mesure de s’exprimer, Vyrian redoutait la réaction de la jeune femme. Elle l’avait interrogé et il l’avait ignoré. Ses craintes se confirmèrent lorsqu'il la vit se rapprocher de Nick agressive, son couteau en main, la lame pointée en direction du jeune homme.
L’entendant s’approcher, Nick lui fit face. Il resta quelques secondes immobiles face à son agresseur. Vyrian le vit la détailler des pieds à la tête. Malgré la silhouette menue de son opposant, le jeune entreprit de reculer. Son dos rencontra le mur, il chercha une échappatoire mais se retrouva pris au piège.
Vyrian lu la peur dans ses yeux, lorsqu’il tenta de fuir et qu’elle le plaqua contre le mur. Sous le choc, le biologiste entendit les vertèbres de l’Historian heurter la pierre mal dégrossie. Le jeune homme émit un gémissement et ses traits se crispèrent sous la douleur.
Insensible la jeune femme, maintint sa prise d’une main et de l’autre, posa son couteau sur sa gorge, de la sueur perla sur la lame.
Le chercheur observait la scène le souffle court, aussi terrorisé que s’il s’était retrouvé face à l’agresseur.
Satisfaite de son effet, la jeune femme relâcha son emprise. Le corps immobile de Nick retomba. Dans sa chute, la lame du couteau lui écorcha le menton. A peine avait-il heurté le sol que la jeune femme le chevaucha. Elle lui tira tête en arrière, son arme dessinait des jeux de lumière sur sa gorge.
— Parle !
— Ça ne te concerne pas !
— Ta fierté est-elle une raison suffisante pour mourir ?
Vyrian comprit qu’elle ne bluffait pas, elle pouvait l’abattre à tout moment. Le scientifique supplia le jeune homme de coopérer, ce n’était pas le moment de faire preuve d’héroïsme. Sa prière sembla être entendue, Nick accepta de lui céder quelques informations.
— C’est lui qui m’a laissé sa carte.
— Où l’as-tu vu ?
— Ce matin au laboratoire.
— Je vois. C’est donc toi. Je m’appelle Feyna. Tout comme la personne que tu as vu ce matin, j’appartiens à l’homme qui habite à cette adresse.
Feyna rengaina sa dague, libéra Nick de son étreinte et le remit sur pied. Effrayé et perdu le jeune homme la dévisagea. Elle le fixa de ses yeux jaunes aux pupilles fendues. Déstabilisé, il tituba.
Non offusquée de sa réaction, Feyna lui montra ses oreilles aux bouts pointus et aux pavillons mobiles. La jeune femme continua sa démonstration. Vyrian vit apparaitre sur ses paumes de mains des callosités qui, une fois solidifiées, se colorèrent légèrement, apportant un léger contraste avec le reste de la peau. Ses mains étaient pourvues de coussinets. Pour terminer, la jeune femme tourna le dos à Nick et souleva le bas de son tee-shirt. Un pansement se détacha et des vertèbres coulissèrent hors de la plaie. Les os recouverts d’une fine membrane séchèrent à l’air libre, la membrane se solidifia, devint de la chair qui se couvrit d’une fourrure courte mais drue. La transformation à présent terminé, Nick restait pétrifié. Il exhala dans un murmure.
— Une hybride.
Vyrian discerna une seconde ressemblance avec Yomi. Les deux jeunes femmes possédaient des particularités physiques d'autres espèces. Les mondes avaient beau être différents, il était impossible de nier leur lien. Bien qu'il ne parvienne pas encore à en comprendre la mécanique, Vyrian percevait l'équilibre précaire qui les reliait.
Lorsque Vyrian avait assisté à la transformation de Yomi en Fusionnée, il avait été intrigué, mais devant les modifications morphologiques de Feyna, il prit la jeune femme en pitié. Que lui avaient-ils fait subir ? Dans son monde, seuls des animaux avaient été hybridés. Ils se révélaient stériles et leur durée de vie s’en trouvait raccourcie. Etait-ce aussi le cas de Feyna ? Vyrian ne pouvait imaginer le niveau de corruption et de désespoir qu’il fallait atteindre pour venir à hybrider des humains. N’avaient-ils aucune éthique ?
Feyna ne semblait pas attristée de son sort. Excepté ces particularités, son apparence restait humaine. Sa silhouette était féminine. La curiosité dépassant la crainte, Nick l’interrogea.
— Qui est ton créateur ?
— Yvias Ewias, un scientifique renégat. Il y a dix-huit ans, il travaillait sur le même projet que ton père.
Nick ne parut pas surpris par cette annonce.
— Je peux t’amener à lui si tu le désires.
Vyrian le vit hésiter. Les réponses étaient à portée de main, pourtant il n’osait franchir le dernier pas.
— Est-il fiable ?
— Yvias peut être qualifié de beaucoup de choses, mais je te déconseille de lui accorder ta confiance.
— Mon père est un homme respecté, pourtant il m’a trahi. Alors un homme qui ne cache pas sa véritable nature est surement plus fiable qu’une personne dissimulant ses actes. Je vais le rencontrer.
Comme promis, Feyna le guida à travers les étroites ruelles. Nick et Vyrian admirèrent l’aisance avec laquelle elle se déplaçait. Le trajet ne fut pas long, ce qui frustra Nick de s’être perdu si près du but. L’extérieur du bâtiment se révéla être comme tout le reste : sale, usé et délabré.
L’intérieur quant à lui contrastait avec l’impression de ruine que renvoyait la façade. L’endroit était fonctionnel, inconfortable et aseptisé de tout bien personnel, ç'en était presque triste.
Un homme apparut derrière le comptoir. Vyrian comprit qu’il s’agissait d’Yvias. L’homme avait une belle carrure. Des rides commençaient à creuser des sillons sur son front. Il invita Nick à prendre place à une table située légèrement en retrait de l’entrée. Quant à Feyna, il lui fit signe d’attendre dehors ce qui parut lui déplaire.
Dans l'attente, Nick jouait avec ses mains, ce geste n’échappa pas à l’ancien chercheur.
— Nerveux mon garçon ?
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