Chapitre 11 : Renégat (3)
Nick afficha un sourire timide, Yvias lui répondit par un sourire en coin. Vyrian ne savait pas comment l’interpréter, mais il appréhendait déjà la suite de la rencontre.
Yvias fit signe à une de ses nombreuses créations de leur apporter de quoi se restaurer. Après quoi, il se tourna vers le jeune homme mal assuré qui lui faisait face.
— Bien. Qu’es-tu venu chercher ?
— Des réponses, je souhaite savoir qui je suis.
L’hésitation semblait avoir quitté Nick sa demande ressemblait à s’y méprendre à un ordre. Yvias s’en amusa.
— Et qui penses-tu être ?
— Nick de Lastys.
— Vérifions ça.
Intrigués Nick et Vyrian observèrent l’homme pianoter sur les touches de son ordinateur. Soudain, le jeune homme comprit ce qu’il manigançait.
— Vous piratez la base de données des autorités publiques !
— Tout juste.
— Mais…
— Hm ?
— C’est illégal !
A cette remarque, Yvias ne put s’empêcher de se moquer de l’innocence de Nick.
— Et où crois-tu te trouver ? Regarde autour de toi et dis-moi si un tel endroit te semble conforme à la réglementation des autorités publiques.
Pour la première fois, Nick semblait se rendre compte du danger de l’endroit, il en blêmit. Ce qui en amusa Yvias. L’ancien chercheur changea de sujet, faisant oublier à Nick son malaise et ses regards en direction de la sortie.
— Quel est ton âge ?
— Dix-huit ans, deux jours, seize minutes et trente secondes.
— J’espère que tu profites des plaisirs de la majorité ! Enfin, rassure-moi. Tu n’as pas attendu cette formalité pour apprécier les bonnes choses ?
Devant l’air gêné de Nick, Yvias comprit la réponse muette.
— Hum, je vois. Dommage.
A ce moment-là, quelque chose sembla se rompre chez Nick. Il en oublia sa crainte vis-à-vis de l’homme qui lui faisait face et exprima le fond de sa pensée.
— Me regardez pas avec ce regard condescendant ! J’aurai p’te pus profiter de ma jeunesse si vous n’aviez pas foutu mon futur en l’air !
Tout en accusant Yvias, Nick s’était levé devant le regard ahuri de l’hybride venu apporter un plateau repas. Sans demander son reste, le serviteur déposa les affaires sur la table et fila. Yvias cessa ses recherches, prit une pâtisserie et foudroya l’insolent du regard.
— Qu’on soit d’accord tu m’accuses de t’avoir ouvert les yeux ? Tu préférais rester dans l’ignorance ? Pourtant ne viens-tu pas de me dire que tu cherchais ton identité.
— Euh… Je…
Nick se rassit. Vyrian vit différentes émotions animées son visage. Ses traits s’empourprèrent de honte avant de rougir de colère. Yvias l’observa avant de demander d’une voix calme.
— Alors mon garçon que choisis-tu ?
— Je veux savoir !
— Bien.
Yvias déclipsa l’écran de son ordinateur avant de le tendre à Nick et de reprendre.
— Ton âge a été synchronisé avec la base de données. On s’est donné beaucoup de mal pour que tu sois Nick. Mais ne t’inquiète pas nous allons prouver que tu as été cloné.
— Comment ?
— Donne-moi ton poignet. Je vais vérifier le fonctionnement de ton Tempus.
Ce que Vyrian avait pris dans un premier temps pour une montre à gousset se révéla être un bijou de technologie. Il découvrit que la montre indiquait bel et bien l’heure, mais était en plus couplée avec la date de naissance de son porteur. Il était donc possible de savoir à la seconde près son âge.
Vyrian perçu des signes de protestations chez Nick, mais il se ravisa, lui aussi voulait savoir, comprit le biologiste. Mère fournit de plus amples détails à Vyrian.
— Cet appareil se base sur la fréquence cardiaque de la personne ainsi que sur l’état de différents organes : glandes surrénales, cerveau, organes génitaux. Ces différents paramètres permettent d’estimer l’âge d’une personne avec une exactitude surprenante. Lors de l’analyse, les aiguilles tournent sur trois cadrans différents. Le premier indique les années, le second les mois et le troisième les jours. Suivant la précision du modèle, les heures, minutes et secondes peuvent être calculées.
Nick regarda les aiguilles tourner, elles venaient de dépasser le cap des dix-sept ans. Puis, une à une, elles s’arrêtèrent. L’estimation était faite. Nick se révéla être plus jeune que l’information présente dans la base de données, il avait dix-sept ans, onze mois et quinze jours.
Yvias sembla effectuer un rapide calcul mental pour attester de la cohérence des résultats du Tempus, au bout de quelques minutes, il parvint à cette conclusion.
— J’ignore comment ton père s’y est pris, mais il tenait à te protéger. Voulais-tu savoir autre chose ?
— Si je suis réellement un clone. Où se trouve mon frère ?
— Aucune idée. Soit mort sacrifié en vain, soit quelque part dans un monde inconnu. Va savoir.
— Attendez. Sacrifié ? Un autre monde ? C’est quoi cette histoire ?
— Oh ! Tu n’es pas au courant ?
— A votre avis, si je pose la question ?
— Demande donc à ton père, c’est lui le chef du projet. Enfin était le chef du Projet Trimondes.
— Pourquoi ne pas me l’expliquer ?
— Parce que ce projet est utopique et qu’il me valut mon renvoi. De plus, tu comprendras la raison pour laquelle ton père a mis en danger ta famille.
— Vous pouvez très bien me l’avouez !
— C’est vrai. Mais me croirais-tu ? Tu es venu ici en sachant déjà que tu étais un clone, tu étais à la recherche d’informations complémentaires. M’aurais-tu cru si je te l’avais annoncé ?
— Non. Attendez quel est votre lien avec mon père ?
— Nous étions collègues
— Tout ceci n’est qu’une histoire de vengeance.
— Les enjeux sont bien plus importants que ce que tu crois
— Prouvez-le-moi ! Pour l’instant, je ne vois que deux hommes à l’ego blessé.
— Très bien. Que dirais-tu de travailler pour moi ?
— Pourquoi je ferai une telle chose ?
— Tu ne crois ni moi, ni ton père. Alors que dirais-tu d’accomplir de petites tâches pour moi et de découvrir l’ampleur du Projet Trimondes par tes propres moyens ?
— Comment ?
— Prends ceci, c’est une balise. Si je m’aperçois que tes signes vitaux ne sont plus sur la carte, mais qu’une nouvelle carte se trace je saurai qu’il existe au moins un autre monde.
Nick accepta le marché. Vyrian doutait qu’il comprenne la signification de son geste. Pour sa part, le biologiste comprenait que le Projet Trimondes avait débuté sur le Monde Historique. Nick était le clone de l’un des exilés. Mais Vyrian voyait mal comment le jeune homme pouvait tirer au clair toute cette histoire sans informations supplémentaires. Il le regarda se saisir de l’objet et se lever. Yvias regarda le jeune homme partir. Une fois disparu au coin de la rue, il appela l’un de ses hommes.
— Conformément à vos instructions, la balise est activée, son activité est indétectable.
— Bien, s’il trouve quelque chose, je le saurai. Suis-les, tu sais quoi faire.
Feyna attendait Nick légèrement plus loin. Elle ne le questionna pas. Vyrian la suspectait d’avoir entendu la conversation. Le trajet fut plus rapide qu’à l’aller. Une fois revenu sur la place centrale, Nick fit seul le reste du trajet jusqu’à son foyer. Feyna le regarda disparaitre au loin. Alors qu’elle s’apprêtait à regagner l’obscurité des bas quartiers, une main se plaqua sur sa bouche, une seringue pénétra dans sa peau, ses yeux se fermèrent et son corps s’affaissa.
Au même moment une atroce douleur irradia dans la tête de Vyrian, sa vision se brouilla. Le Monde Historique disparut et Vyrian se retrouva de retour parmi les siens. Seuls peine, chagrin et douleur l’accueillirent. Vyrian s’énerva de la situation.
— Non ! Pas maintenant !
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