Chapitre 16 : Manipulations (1)

5 minutes de lecture

Vyrian aurait souhaité que Keenan obtienne une réponse à sa question. Il devinait un mal-être caché par une apparente confiance en soi. Lorsqu’il se souvint des explications de Mère au sujet des six Exilés et de leurs huit passeurs, Vyrian fut encore plus peiné de la situation. En effet, l’intelligence artificielle lui avait expliqué que le mage avait été séparé de sa famille, avant d’être confié à Ollesty dans le but qu’il l’élève dans le Monde Mythique, mais l’homme s’était défilé et l’avait abandonné devant les portes de la Confrérie des Sages.

Ainsi, le jeune homme avait grandi sans connaître ses origines. Lorsque Mère informa le scientifique de l’importance que revêtait l’esprit de famille pour les mages, Vyrian regretta le déroulement des événements. Mais il n’eut pas le temps de s’attarder sur le passé chamboulé de l’Exilé.

Au moment où Pitchi devint invisible pour rejoindre Feyna, Faric se présenta devant la cellule de Keenan. Le mage lui adressa à peine un regard et se leva. Ses gestes étaient lents et Vyrian ne doutaient pas de la souffrance qu’ils pouvaient lui causer. Bien que les plaies du prisonnier s’étaient résorbées grâce aux graines apportées par les poupées, sa gestuelle restait fébrile. Pourtant, lorsque le biologiste regarda de plus près, le visage du jeune homme ne reflétait aucune douleur. Bien au contraire, il semblait encore plus confiant et déterminé que précédemment.

Si bien que Vyrian se demanda si le mage ne jouait pas la comédie. Mais, il n’aurait su dire dans quel sens. Souffrait-il et le cachait-il ? Ou bien faisait-il semblant pour ne pas révéler à Faric le piège dans lequel il espérait le faire tomber ?

Bien qu’extérieur aux événements le chercheur peinait à discerner le vrai du faux, un léger sourire étira ses lèvres lorsqu’il réalisa que les deux partis utilisaient la même stratégie. Il ne restait plus qu’à déterminer lequel des deux serait le manipulateur ou le manipulé.

Vyrian ne pouvait s’empêcher d’être impressionner par Keenan. Au vu de la souffrance que lui avait infligé Faric, il n’aurait pas été étonné de le voir blêmir. Mais aucune peur ne se lisait dans son regard. Après s’être relevé, l’Exilé s’épousseta chassant volontairement la poussière dans la direction de son opposant.

Le politicien se râcla la gorge et Keenan se tourna vers lui, prêt à prendre sa revanche. Alors que Faric entamait une phrase, il l’interrompit et prit un ton badin.

— Je vous manque déjà ?

Faric ignora la question et interrogea à son tour le mage.

— As-tu réfléchi à ma proposition ?

— Ça se pourrait bien.

A présent, plus aucun doute n’était permis. Keenan jouait la carte de la provocation, le scientifique n’avait qu’une crainte : qu’il se retrouve piégé à son propre jeu. Aussi, il suivit les échanges le cœur tambourinant contre sa poitrine. Il n’avait jamais aimé être laissé sur la touche, visualiser les événements le stressait bien plus que s’il y avait participé.

Le scientifique tenta de se calmer et se mit à espérer que les événements ne se reproduiraient pas. Il ne souhaitait pas assister à un nouvel échec du mage, il n’arrivait déjà pas à oublier le dernier en date. Il n’était pas le seul, les lèvres de Faric s’étirèrent d’un sourire sadique.

— J’espère que tu as pris la bonne décision.

— Simple question de point de vue.

Faric rit de bon cœur à la provocation du mage, avant de s’en détourner et de rebrousser chemin.

— Suis-moi.

Bien que le politicien ait formulé sa demande sous la forme d’une invitation, il s’agissait d’un ordre et Keenan ne tarda pas à le découvrir. La porte de sa cellule s’ouvrit et le mage sortit dans le couloir avant de s’arrêter quelques instants devant les barreaux des autres cellules. Alors qu’il approchait la main d’un des cadenas qui en entravait l’accès, la voix de Faric se fit entendre.

— N’y pense même pas.

Comme pour étayer ses propos les cellules se nimbèrent d’une lueur malsaine, instinctivement Keenan s’en éloigna et se cogna contre le battant de sa propre cellule. A son contact, sa peau émit des grésillements et une odeur de chair brûlée emplit les cachots. Vyrian regarda sidérer les cloques éclore sur le bras du mage.

Keenan grimaça de douleur et lorsqu’il voulut voir l’étendue des dégâts, les brûlures se trouvant à l’arrière de son bras, il perçât les cloques et des gouttelettes perlèrent le long de son membre mouillant la manche de sa tunique déjà tâchée. Le mage grogna et entreprit de retirer les bouts de tissu qui s’étaient incrustés dans sa plaie.

Vyrian n’en revenait pas. L’instant d’avant le jeune homme provoquait Faric et l’instant d’après une brûlure au troisième degré recouvrait l’arrière de son bras.

Le mage qui jusqu’à présent affichait une expression décontractée serra les dents avant de répondre d’une voix qui se voulait joviale mais où perçait sa douleur.

— Qui aurait cru que notre combat nous reprocherait à ce point ?

Faric qui commençait à se prendre au jeu lui répondit de sa voix lointaine.

— Tu es prévisible, petit.

Keenan jeta un nouveau coup d’œil à sa blessure avant de répondre, un sourire désabusé aux lèvres.

— Faut croire. Dans ce cas laissez-moi vous surprendre !

— Tente toujours. Mais n’espère pas t’en tirer indemne.

Cette fois-ci le sourire de Keenan se fit plus franc.

— Ce n’est pas mon premier rodéo.

Le mage finit par déchirer sa manche et s’en servit pour bander sa plaie. A cette vue, Vyrian grimaça. Keenan n’avait ni désinfecté, ni nettoyé sa blessure. Quant au tissu, les fibres n’étaient pas suffisamment aérées pour laisser sa peau respirer. Sa chair n’allait pas s’assécher et lorsqu’il retirerait son bandage de fortune, il y avait fort à parier qu’il s’arrache la peau avec.

Vyrian frémit à toutes les malheureuses expériences qu’il avait pu vivre. Il se rappelait encore le contact de la pluie acide sur sa peau. Ses toilettes improvisées, ne tenant ni compte de la pudeur, ni de la propreté de l’eau de rinçage. Quant aux trousses de premiers soins cela faisait bien longtemps qu’elles étaient vides si bien qu’il avait réalisé les mêmes erreurs que le mage.

Il n’avait compris que bien plus tard la stupidité de ses actes. Si bien que lorsque le pansement de fortune devait être changé, sa peau se déroulait en même temps, le laissant à vif, les yeux larmoyants.

Vyrian avait apprit depuis lors à craindre la pluie et les brûlures qu’elle occasionnait. Ses pensées ravivèrent d’anciennes douleurs et le biologiste se prit à regretter de ne pas avoir accès à un casque de réalité virtuel. Ainsi, il aurait pu atténuer sa peine en se plongeant dans un monde enneigé.

Mère accéda à son souhait et fourni au scientifique un décor d’une blancheur immaculée, l’obscurité avait fait place à un paysage hivernal. Vyrian ressentait le froid apaisant sur sa peau et se refocalisa sur la projection.

Plaignant en son for intérieur Keenan et les complications que lui provoqueraient sa plaie. Les brûlures étaient d’horribles blessures. La cicatrisation ne se faisait jamais sans douleur que la plaie soit propre ou purulente, le blessé souffrait quel que soit le cas.

Alors que Keenan adressa un denier regard aux prisonniers, Feyna articula mais aucun son ne sortit de sa bouche. Vyrian parvint à lire sur ses lèvres : « Ne te foire pas »

Annotations

Vous aimez lire Neru ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0