naissance
_ Vous êtes Marc Philippart, l’artiste qui a peint toutes ces merveilles n’est-ce pas ?
_ Vue ma gueule, ce n’est pas un grand exploit de me reconnaître…
Malgré le ton de la réponse, l’homme ne sourcille pas. Une femme mince et longue à n’en plus finir s’est approchée prête à se mêler à l’échange. Mine déconfite après les premiers mots de Marc.
_ Où allez-vous chercher de telles juxtapositions de couleurs ? Si je peux me permettre la question, à moins que ce soit un secret.
_ S’interroger sur l’origine de l’inspiration, c’est de la connerie. S’il y avait une recette on la connaitrait depuis le temps. Que veux-tu que je te réponde, que j’ai été émerveillé devant une toile de Miro ou Kandinski quand j’étais minot ? Ou qu’à chaque fois que je me torche la gueule à la vinasse, je dégueule une œuvre d’art magnifique ? Ça pu les lieux communs tout ça non ? A moins que ce ne soient que de classiques mythes et légendes entretenus par les artistes eux-mêmes et par leur public…
_ Bon, je demandais gentiment, je ne vous manque pas de respect alors ce n’est pas parce que vous êtes une personnalité que vous devez pour autant mépriser les autres…Son visage était tout à coup devenu aussi rouge que ridicule.
_ Mais qu’est que tu viens me prendre la tête là ? Je te réponds sans parler de toi, non ? Alors pourquoi tu viens me casser les couilles en étalant les a priori que tu avais dès le départ sur moi ? Là, du coup, je te manque de respect, tu vois comment ça fait ? Mais c’est toi qui m’as lancé alors viens pas chialer maintenant..
_Ok, c’est de pire en pire là… vous êtes quelqu’un de méprisant, imbu de lui-même et finalement d’une inimaginable vulgarité. Je n’aurais jamais pu imaginer cela en voyant vos œuvres…
_ Ouuuuuulala, il a lâché le grand mot : je suis vulgaire ! Désolé si ça fait démago, mais je suis moins obscène que les trois quarts des bagnoles de luxe qui ont amené tout ce monde jusqu’ici. Tu sais pourquoi elles sont obscènes ? Parce qu’en sortant de l’autoroute, pour venir ici, elles sont toutes passées devant un terrain de réfugiés roumains. Ça c’est obscène tu vois. Moi je suis un poète à côté. Ma vulgarité ce ne sont que des mots, ce n’est rien comparé à la violence sociale de ce pays.
La grande femme blonde se décide alors pour entrer dans le débat et elle prend le bras de Marc pour dévier vers elle toute son attention.
_ Vous avez tout à fait raison, les vraies vulgarités se sont ces actes insultant les gens plus défavorisés. Bien vu !
_ Bon je laisse la gauche caviar s’extasier avec ses banalités favorites… rétorque alors, d’un air de conclusion et d’abandon, le fan déçu par l’artiste.
Marc s’envoie d’un trait son quatrième verre de rouge à l‘effet évident. . .
_ Oui, va rejoindre ta pouffiasse, elle doit être en train de ramasser la merde de son chihuahua avec un petit sac en plastique blanc qui sent la rose, lui répond Marc d’un ton devenu plus ironique qu’agressif.
_ Je ne vous permets pas d’insulter ma femme espèce de connard, si vous recommencez je vous casse la figure. En même temps qu’il prononce ses mots, il prend Marc par les deux revers de son col et le pousse en le soulevant brusquement.
_ ah non, pas la figure… la gueule au moins… et pas casser… défoncer. Oui ! Me défoncer la gueule, voilà ce qu’il te faut ! Je vais te maraver la tronche , je vais te pourrir ta face de rat…
Il finit par pousser Marc une dernière fois en lâchant le revers de son col.
_ Pauvre gars, t’es vraiment un connard. Dit-il à voix basse en faisant demi-tour et laissant Marc et la grande blonde dans leur échange de regards complices.
_ Même « connard », dans sa bouche cela reste aussi élégant que le béret de Monsieur Dupont quand il fait la queue chez Lidl. Il aurait pu faire un effort cet enculé !
_ Franchement vous devriez monter un spectacle tous les deux. Ou plutôt, puisqu’on est dans une galerie d’art contemporain, vous devriez en faire une performance.
La tête de Marc changea, tout á coup ébahi. L’idée venait de naitre. Géniale. L’un des concepts les plus novateurs de ces dernières années.
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