Chapitre 1
Au commencement
Parce qu’il faut bien un début, je vais vous présenter Bruno. Il avait été jeune, il y a tellement longtemps qu’il avait l’impression de ne pas s’en souvenir. Il n’avait pourtant que quarante et quelques années, mais dix ans plus tôt, sa vie s’était arrêtée.
Au lycée, il avait rencontré Isabelle, une des plus belles filles de l’établissement, et de très loin la plus belle à ses yeux. Brune aux cheveux longs et légèrement ondulés, des yeux noisette pétillants, plutôt grande et sportive. Aussi surprenant que cela puisse paraître aujourd’hui, il avait fière allure à l’époque, et ils formaient un couple harmonieux. Lui aussi était sportif : footing, musculation dans une salle de sport, sa silhouette était athlétique, sa mâchoire carrée, son nez droit et ses yeux clairs attirants. Lors d’une soirée, ils avaient immédiatement sympathisé, et deux soirées plus tard, sous l’effet d’un peu d’alcool, il avait osé l’embrasser. Très vite, ils passèrent beaucoup de temps ensemble, et contrairement à leur entourage où les couples se faisaient et se défaisaient rapidement, ils restaient solidement unis. Aussi improbable qu’on pourrait le croire à le regarder maintenant, il n’était pas trop mal à l’époque et ils avaient formé un couple bien assorti. La vie et les études avaient tenté de les éloigner, mais ils arrivaient toujours à trouver le moyen de s’appeler ou de se voir. Elle, poursuivant une passion artistique et lui, plus par dépit que par passion, suivait des études en économie. Il n’y a pas beaucoup de choses à raconter de leur famille, lui fils unique, elle une sœur un peu folle. Les deux ayant grandi dans une famille aimante aux valeurs catholiques, mais peu pratiquantes. Fin des études, un diplôme supérieur pour lui, pour elle aussi un diplôme, mais malheureusement sans grande valeur pour être reconnu « artiste » peintre. Il la trouvait tellement douée pourtant. Il réussit un concours de la fonction publique et ils s’installaient enfin dans la vie professionnelle. Il s’était promis à lui-même que dès qu’il aurait une situation stable il lui demanderait de l’épouser. Ils n’en avaient jamais parlé, cela l’avait toujours étonné en y repensant, mais il n’avait aucun doute. Leur amour était réel et réciproque, il n’y avait jamais eu le moindre nuage entre eux. Sa simple présence lui rendait le sourire et ressentir sa chaleur quand il la prenait dans ses bras faisait s’envoler tous ses soucis. Elle lui avait dit ressentir la même chose, que même après plusieurs années, le contact de sa peau lui faisait l’impression d’un chargeur de batterie, et qu’elle se sentait prête à gravir des montagnes à ses côtés. Il la croyait ; même plus que ça, il n’avait pas la plus infime pensée pouvant remettre en doute ce fait. Et ce jour d’octobre, dans leur petit deux-pièces, il l’avait demandé en mariage. Il était un peu ému, mais n’avait aucune appréhension ni doute quant à la réponse. Ce fut « oui », elle pleura, il pleura. La vie commençait. L’année suivante ils s’installaient dans son poste d’ingénieur dans un service financier national, elle fut obligée de prendre de petits boulots tout en préparant leur mariage. La force que lui donnait son mari fit la différence avec d’autres et, n’abandonnant pas sa passion malgré des journées bien remplies, elle commença à exposer quelques toiles dans une petite galerie. Elle fit sa première vente un mois avant la date de leur mariage.
Le plus beau jour arriva, pluvieux, mais même un ouragan n’aurait pu gâcher leur plaisir. Ils dansèrent et s’amusèrent toute la nuit, jusqu’au matin et s’endormirent tout habillé, l’un contre l’autre dans leur chambre.
Le lendemain matin, Bruno était encore sur son nuage. Préparant le petit déjeuner, histoire de reprendre quelques forces avant de retourner terminer les festivités avec leur famille. Elle se leva au moment où l’arôme du café et du pain grillé emplissait la petite pièce. Habillée d’un T-shirt bien trop grand pour elle, elle passa doucement derrière lui, enroula ses bras autour de sa taille et murmura à son oreille qu’un autre petit bonheur était en route. Il se retourna, le visage empreint d’incrédulité. Devant son regard interrogatif, elle précisa avec un sourire tendre : « Dans un peu plus de sept mois. » L’émotion les submergea. Il pleura, elle pleura. À cet instant, ils se sentaient invincibles, convaincus que rien de mauvais ne pourrait les atteindre.
Mais, il y eut des complications, des douleurs, très tôt. Des médecins ne cachant pas leur inquiétude. Elle fut contrainte de rester alitée. Un samedi soir, face à la souffrance insoutenable de son âme sœur et à son propre sentiment d’impuissance, Bruno, désespéré, finit par appeler les pompiers. En suivant l’ambulance en voiture, il refusait d’envisager que quelque chose puisse mal tourner. Pour lui, ce n’était qu’une épreuve, un obstacle temporaire. Ils en ressortiraient plus forts, c’était simplement un mauvais moment à surmonter.
Trois jours après Isabelle et son futur enfant étaient morts !
La terre s’ouvrit, il tomba, tomba… tout devint sombre. Son corps était tellement lourd et fatigué à présent. Ses sens ne fonctionnaient plus correctement. Toutes les lumières lui semblaient aussi froides que dans les couloirs de l’hôpital, les aliments n’avaient plus de saveur, il avait tellement sommeil. Il parlait et se déplaçait machinalement. Il avait l’impression de se voir de l’extérieur, son corps physique comme une coquille vide en mode automatique. Il ne retourna pas travailler. Un médecin lui prescrit « un truc » pour dormir, mais deux semaines plus tard quand il le rencontra en consultation, quand il vit son visage maigre et pas rasé, son teint terne, ses yeux éteints, ils n’en revenaient pas. Il n’avait jamais vu quelqu’un changer autant en si peu de temps. Il se dit que s’il ne faisait rien, il ne le reverrait plus. Il le fit admettre dans un service de soin pour le faire surveiller.
Bruno se vit, comme on voit un mauvais film, suivre des consultations, prendre des pilules. Se lever, se laver, manger, se coucher… il se sentait perdu. Ce qu’il préférait c’était de s’asseoir sur un banc au soleil, seul. À cet endroit seulement il avait l’impression de respirer dans la fraîcheur du début du printemps. Il y restait une heure, peut-être plus, difficile à dire, jusqu’à ce que la sonnerie de la cantine retentisse. Il mangeait, dormait, et recommençait…
Un début d’après-midi, il s’assit comme à son habitude sur son banc, dans le petit parc derrière l’établissement de soin. Au bout d’un temps, cinq minutes, ou une heure, il entendit une voix. Relativement agaçante, à la fois grinçante et aiguë. Il sursauta et en tournant la tête sur sa droite, il se rendit compte qu’il n’était pas seul sur ce banc. Était-elle là avant son arrivée ?
— Je vous ai fait peur ?
Elle n’était plus toute jeune, pas très belle non plus, un peu ronde aussi. Elle portait des lunettes avec des verres assez épais, et sa voix était vraiment très agaçante. Il ne se rappelait pas l’avoir déjà vu, mais il était tout aussi possible qu’il l’ait croisé tous les jours. Bruno était quand même à peu près certain de ne jamais avoir entendu cette voix. Son attention se porta alors sur sa tenue, de toute évidence elle ne faisait pas partie du personnel soignant. Elle ne portait pas leur uniforme, mais des vêtements simples, jean, chemise, gilet en laine, cheveux gris en chignon. Bruno croisa alors son regard interrogateur, elle semblait attendre quelque chose.
— Pas bavard hein ?
Encore cette voix crispante, dans un soupire, il répondit.
— Bonjour
Aussitôt après, ramenant son regard devant lui, il pria pour ne pas avoir involontairement encouragé la conversation. Mais elle se mit à parler. Bruno ferma les yeux, tentant d’échapper à cette intrusion. C’était SON moment, sa bulle, son refuge. Pourtant, cette voix… Ces aigus, ce grincement, tout la rendait impossible à ignorer, contrairement aux autres.
Il se concentra, forçant son esprit à s’enfermer dans le silence qu’il espérait. Le temps sembla suspendu, pesant. Et puis, le calme. Ce silence si attendu, presque suspect. Doucement, avec un mouvement minimal, il tourna les yeux, cherchant à confirmer l’évidence : elle n’était plus là. Une vague de soulagement déferla en lui. Il inspira profondément, comme si l’air lui-même venait enfin de revenir.
Il y avait un parfum dans l’air, léger, subtil à la limite de la perception. Une odeur venant des cuisines peut-être ? Pour la première fois depuis longtemps, il eut faim. C’était quand même étonnant qu’une odeur vienne d’aussi loin et encore plus qu’une bonne odeur s’échappe des cuisines de « cet » établissement. Tournant la tête en espérant identifier la source de cette sensation, il finit par découvrir, posé sur le banc à côté de lui, un biscuit. Il le regarda, au début comme une poule pourrait regarder un portefeuille, puis comme une poule regardant un ver ! Il le saisit, le contempla encore une fois, et, en le rapprochant de son visage pour l’examiner de plus près, cette odeur envoûtante le frappa de plein fouet, l’engloutissant comme un tsunami. L’odeur était exquise, presque irréelle.
Il n’avait jamais trop été porté sur les sucreries, mais ce jour, à cet instant, il en salivait par avance. Ce n’était certainement pas une fabrication industrielle, il était irrégulier, faisait la taille d’une paume de main. Il le porta à sa bouche et prit une petite bouchée.
Du gras, du sucre, du chocolat, d’autres parfums… le tout englobant ses papilles, sa langue, ses dents. Ce fut un vrai moment de plaisir, son premier depuis… il eut honte. Honte d’oser ressentir. La saveur commençait à s’estomper. Il eut alors une pulsion, quelque chose de bestial, comme un prédateur devant une proie, devant l’avaler rapidement avant de se faire surprendre. Un besoin impérieux. Il eut envie d’en avoir plein la bouche, sentir le sucre, le gras, le tapisser de l’intérieur. Et à la fois, il le sentait et le savait que ce sucre était une punition pour son corps de sportif, quelque chose de néfaste. Mais un seul gâteau ne pouvait pas avoir autant d’impact ! Le dilemme résolu, il l’engloutit en une fois, mâchant goulûment, il en avait plein la bouche, il ferma les yeux, entre le plaisir et le risque de s’étouffer.
Le soir, au moment du repas, il eut beaucoup de difficulté à manger ses maudits légumes vapeur. S’il se força, ce fut, comme les autres jours, juste pour éviter des discussions avec les soignants.
Il dut attendre trois jours afin de retrouver son précieux banc, le temps que les précipitations de ce début de saison se calment. L’air était humide, le soleil discret, mais le quatrième jour il fut enfin au calme, sur son banc. À mesure que le temps passait, il se demanda, si cette agaçante dame allait revenir. Sur le moment, il ne sut dire s’il en avait envie ou s’il le craignait. Deux jours de calmes passèrent, commençant à estomper la sensation de pure gourmandise qui l’avait frappé. Il fut à nouveau soumis à des émotions contradictoires quand, en approchant de son banc, il la vit. Il resta figé dix mètres derrière, ne sachant que faire. En plus, elle était assise en plein milieu, lui préférait être légèrement excentré sur la gauche, si elle ne se poussait pas d’elle-même, il faudrait qu’il lui parle ou qu’il s’asseye à l’extrémité. Il avança prudemment. Et en passant par le côté gauche elle le vit. Aussitôt, elle se décala en un bond, avec un « Bonjour monsieur, comment allez-vous ? ». Répondant simplement « Bonjour », il s’assit à SA place. En le faisant, il remarqua la boîte métallique qu’elle avait sur les genoux, une boîte à biscuit !
Fixant un point devant lui et évitant délibérément de mentionner le cookie, il la laissa parler. Mais, chose étonnante, en l’écoutant cette fois. Que cette voix lui était pénible ! C’en était presque une souffrance. Il se rendit aussi compte qu’écouter activement une conversation lui demandait un effort considérable. Depuis qu’il était arrivé, il « entendait » les médecins et les soignants et répondait vaguement, il n’était pas difficile de comprendre leurs questions sans les « écouter ». Mais là, déterminé à ne pas manquer le seul sujet potentiellement intéressant qu’elle pourrait aborder, il restait attentif et enfin, le sujet tant attendu sembla émerger.
Elle lui expliqua que sa mère était atteinte de la maladie d’Alzheimer et qu’elle était « soignée » dans une autre aile du centre médical. Jusqu’à récemment, les biscuits avaient servi d’ancrage, ravivant des souvenirs qui permettaient à sa mère de se rappeler d’elle, sa fille. Mais désormais, cet effet s’était estompé. Elle se retrouvait maintenant avec sa boîte presque intacte en repartant.
— Vous en voulez un ?
Dit-elle enfin.
— OUI OUI !
Il se rendit compte que sa réponse était sortie trop vite, trop forte. Les mots étaient prêts depuis longtemps coincés derrière ses dents et à la seconde ou il avait ouvert la bouche, ils étaient parti d’un coup. Elle rigola, mais ne fit pas de commentaire. Elle ouvrit la boîte. Un peu honteux de sa réponse, il n’osa pas regarder l’intérieur. Elle lui tendit une main, il plaça la sienne en dessous et elle y déposa cinq biscuits en équilibre instable. Rapidement, il assura la précieuse pile avec son autre main. Il contempla ce petit trésor avec fascination. L’eau lui venait à la bouche. Il eut envie de l’ouvrir au maximum et de les enfourner en une fois. Comme il se sentait surveillé, il n’en prit qu’un et le croqua sobrement. Il ferma les yeux de plaisir. Un frisson partit du milieu de son dos et remonta dans son cou avant de diffuser dans ses épaules. Elle le regardait, il devait dire quelque chose, la flatter, pour qu’elle revienne lui en amener, il imaginait même la payer pour ce service !
— Ils sont vraiment délicieux
fit-il,
— Vous devez être une pâtissière ou boulangère !
Elle gloussa, et continua de plus belle à parler. Mais l’attention de Bruno avait déjà été mise à rude épreuve et il devait se concentrer pour manger les biscuits de façon civilisée. Il ne lui en restait plus qu’un quand elle se leva. Une volée de questions lui traversa la tête, restait-il des biscuits dans la boîte ? Comment faire pour le vérifier ? Il pourrait par « accident » la bousculer ! en écoutant attentivement il saurait s’il en restait, en la bousculant assez fort il pourrait peut-être même faire tomber la boîte ! reviendrait-elle lui en amener ? Peut-être pas s’il la bousculait… Pendant que son esprit s’échauffait, il mangea nerveusement le dernier biscuit. Il n’y avait même pas fait attention ! comment était-ce possible ? Avoir laissé son corps en « pilotage automatique » pendant ses dernières semaines en était-il la cause ? Il en avait perdu la merveilleuse sensation du dernier biscuit ! il s’en voulait que ces questions internes l’aient fait manquer ce plaisir, il lui en voulait aussi à elle. Sans savoir exactement pourquoi.
— Et bien dite donc ! Ils ne vous nourrissent pas ici ?
Une chance ! Une ouverture, vite en profiter !
— Pas assez, vous savez, des légumes vapeur ou des potages pas assez salés
Se plaignit-il en regardant ses pieds.
— Oh mon pauvre ! La prochaine fois je vous en apporterai une boîte entière. Je repasse voir ma mère d’ici trois jours, elle ne m’en demande même plus maintenant.
— C’est, c’est formidable !
Sentant l’erreur d’interprétation arrivée, il ajouta précipitamment
— Enfin pour les biscuits ! je suis navré pour votre mère !
L’attente fut difficile. Il pensait aux biscuits, les voyait, débordant de la boîte. Il en avait même rêvé. Il imaginait la sensation douce, englobante. Le deuxième soir, il se surprit à aimer son dessert, un genre de crème vanille. Il avait imaginé y tremper ses biscuits et en moins de temps qu’il lui fallut pour visualiser la scène la crème avait été engloutie.
Le troisième jour, il arriva au banc en avance en espérant trouver son fournisseur. Il attendit une éternité, et fut très rapidement pris d’une angoisse, on était bien le troisième jour ? Elle avait bien dit trois jours ? Ou alors c’était trois jours d’absence et une visite le quatrième jour ? Dans ce cas encore un jour de torture. Perdu dans ses suppositions, accablé par le temps qui passait, elle arriva enfin. Elle lui tendit la boîte et il n’osa même pas l’ouvrir. Elle lui parla de sa mère. Il dut le supporter. Elle lui dit qu’elle avait tenté de lui faire manger un des biscuits et que ça ne s’était pas bien passé. Le regard de Bruno se durcit d’un coup, et elle le vit. Elle imagina qu’il partageait sa douleur. Mais il ressentait de l’injustice. Comment avait-elle pu offrir un de SES biscuits à quelqu’un qui, en plus, ne les appréciait pas ? Il réussit à tenir, il n’ouvrit pas la boîte pendant la discussion. Son estomac lui faisait mal et, si elle ne tremblait pas, ses mains étaient bizarrement crispées.
À un moment, alors qu’il avait décroché de la conversation, son esprit dériva vers la logistique essentielle : le prochain approvisionnement. L’idée le taraudait comme un besoin pressant. Incapable de résister plus longtemps, il l’interrompit, le plus innocemment possible :
— Quand pourrai-je… euh… récupérer euh vous rendre votre boîte ?
— La prochaine fois, on échangera avec une autre !
Il ne se rappela pas comment il rentra dans sa chambre. Et enfin au calme il l’ouvrit.
Onze magnifiques biscuits l’attendaient, l’excitation était tellement forte que ses bras frissonnaient. Il les dévora sans leur laisser la moindre chance. Ces proies n’avaient rien vu venir et lui, l’ogre, les avait massacrées. La dernière miette engloutie, il retrouva peu à peu ses esprits, le souffle court. Dépassé par ses émotions, il se déplaça dans la petite salle de bain de sa chambre pour se passer de l’eau sur le visage. Quand il vit son reflet dans le miroir, il fit une pause. Son regard avait quelque chose de fou et le reste de son visage était couvert de miettes et de trace de chocolat, il en avait même une sur le front !
Cette folle devait mettre de la drogue dans ses biscuits, il ne voyait pas d’autre explication.
Le petit manège s’installa dans la durée. Deux fois par semaine, elle lui amenait sa douzaine de biscuits. Il échangeait la boîte vide contre une pleine, et il supportait ses conversations en retour… le prix à payer. Les soignants virent, amusés, le petit manège. Le médecin qui le suivait était content des progrès accomplis et ne craignait plus par sa survie. Bruno s’était « réveillé » et s’était « remplumé ». Sa sortie était prévue prochainement.
Bruno eut soudain la terrible crainte de perdre sa source de plaisir. Et lors de leur dernière entrevue, elle lui dit, fermant toute opportunité, comme le verdict d’une condamnation :
— Vous pouvez garder la boîte en souvenir !
De retour chez lui, il eut l’impression d’entrer chez des étrangers. L’appartement était froid. S’installant progressivement, il pleura en prenant le cadre contenant la photo du jour de son mariage. Il retourna au travail, ses collègues étaient pleins d’attentions mielleuses. Tout comme la secrétaire du service qu’il appréciait pourtant, avant. Il préféra, aux commentaires gentils, la boîte de chocolats belges qui lui fut offerte. Ils étaient délicieux, le contenu de la boîte s’évapora dans la journée. Il eut pourtant l’impression de n’en prendre que quelques-uns !
Sortant enfin après une longue journée, se sentant vide, et déprimé, il eut subitement une idée géniale. Le rayon sucrerie du supermarché !
Trois ans plus tard, il avait pris cent vingt kilos !
Annotations
Versions