Chapitre 3 (3ème partie)
J'étais demeurée très silencieuse durant toute la préparation du repas, évitant Drong, évitant même de le regarder, autant qu'il m'évitait. Je ne parlai pas non plus de toute la soirée, songeant que jamais il n'aurait osé agir ainsi si Arouk avait été présent. Je ne pouvais de toute façon lancer la moindre accusation contre lui tant que nous n'étions pas retournés au grand rassemblement. Mais je pesais tous mes arguments, réfléchissais à toutes les conséquences. Gourn, qui était si attentif à nous, ses presque enfants, avait bien tenté de m'arracher quelques mots, en vain. Il n'insista pas, mais je sentis plus d'une fois qu'il me surveillait. Je ne fis rien contre cet état, j'en étais même soulagée, et décidai de faire en sorte de ne jamais me retrouver seule durant les prochains jours, et peut-être même lorsque nous serions tous revenus de la grande chasse. J'aspirais également à regagner le campement, si possible avec le groupe qui repartirait dès que les quelques chasseurs et femmes seraient de retour, quitte à ne pas voir Arouk durant encore plus longtemps s'il restait avec les chasseurs. La chasse, en effet, allait se poursuivre sur plusieurs jours, car le gibier était vraiment abondant. Des éclaireurs avaient repéré des rennes et un troupeau de chevaux, à une demi-journée de notre petit campement provisoire.
Dès le lendemain, cependant, mon attitude de silence et de repli inquiéta vivement Ilya. Elle s'arrangea pour rester avec moi. J'avais choisi de ne pas accompagner les chasseurs qui allaient tenter d'abattre quelques chevaux. Il y avait encore à faire autour des bisons, et notamment, surveiller les foyers au-dessus desquels on avait mis de grands quartiers de viande à fumer. C'était un travail pénible, car il faisait chaud, il fallait veiller avec attention sur le feu : il ne fallait pas que des flammes trop hautes brûlent la viande, mais qu'il y ait constamment de la fumée. Il fallait aussi tourner les quartiers pour qu'ils soient bien uniformément fumés. Mais je préférais toute tâche, même la plus pénible, à condition de ne pas me retrouver en présence de Drong.
Ce dernier avait accompagné les chasseurs. Au cours de la soirée, il s'était comporté comme d'habitude. Il avait aussi partagé la couche d'Ilya au cours de la nuit et j'en avais serré les dents lorsque j'avais entendu les plaintes et les soupirs de mon amie. Je ne savais pas encore ce que j'allais lui révéler, mais il me semblait que tout ce que j'avais appris et découvert sur Drong ne pouvait lui être caché. Tout du moins, tant qu'elle aurait à l'esprit de dessiner le cercle de pierres pour lui.
**
Nous étions donc, Ilya et moi, en train de surveiller la fumaison de la viande. Deux hommes qui n'avaient pas pris part à la chasse aux chevaux allaient et venaient pour nous apporter du bois, afin que nous ne soyions jamais à cours.
Face à mon silence et à ma mine fermée, Ilya demeura elle aussi silencieuse durant un moment, jusqu'à ce qu'elle entame la conversation.
- Arouk reviendra certainement avec le groupe, Ourga. Ils seront de retour d'ici une ou deux journées, tout au plus. Il n'y a aucune raison pour qu'ils restent au campement. Tu le retrouveras vite.
- Oui, tu as raison, dis-je en levant légèrement les sourcils. Il me manque déjà, tu sais.
Elle me sourit avec bienveillance.
- Oui, je sais ce que c'est que d'attendre la personne avec laquelle on se sent bien. Et j'ai remarqué combien Arouk et toi étiez bien ensemble. Il fera un bon compagnon, Ourga. J'en suis certaine.
- Tu le penses vraiment ?
- Oui. Tu en doutes ?
Je restai un moment silencieuse : mon amie était prête à s'engager avec un homme peu fiable, et elle me vantait les qualités d'Arouk. Son jugement était-il si bon que cela ? Pouvais-je m'y fier pour moi-même alors que j'avais bien des raisons de douter de son propre choix à elle ?
- Pour l'heure, répondis-je prudemment, je sais simplement que je me sens bien avec lui, et j'ai aussi le sentiment, mais je me trompe peut-être, que nous nous complétons bien. Mais de là à dessiner le cercle de pierres... Il est peut-être trop tôt pour moi. Je n'ai connu mon rite intiatique que l'été dernier, ai-je assez de jugement pour m'engager, prendre un compagnon ?
- J'ai aussi connu mon rite l'été dernier, Ourga, me sourit Ilya avec complicité. Et cela ne m'empêche pas de souhaiter dessiner le cercle de pierres.
- Je ne doute pas que tu te sentes capable de t'engager, Ilya, mais devons-nous suivre ce que nous dictent nos envies ou réfléchir encore un peu, faire d'autres expériences ?
- C'est une question à laquelle je serais bien incapable de répondre, me dit-elle avec sérieux. Mais une Grande Mère serait plus apte que moi à t'y aider.
Sa suggestion n'était pas idiote. Et, petit à petit, j'entrevoyais une possibilité : parler de tout ce que j'avais sur le coeur au sujet de Drong, mais aussi de mes propres interrogations, avec une Grande Mère.
Je ne savais comment poursuivre la conversation. Evoquer Drong me paraissait difficile, du moins de manière franche. Pourtant, je ne voulais pas que mon amie soit malheureuse, mais si je lui parlais, alors, je la rendrais malheureuse. Et me croirait-elle ? Si Drong démentait mes propos, auquel de nous deux accorderait-elle sa confiance ? A moi ou à lui ? Je me sentais dans une impasse et il me tardait de retrouver les miens.
- Ourga, reprit-elle alors que je restais silencieuse, je crois... qu'il faut prendre des risques, parfois. Le bonheur peut être à ce prix.
- Tu veux... vraiment dessiner le cercle de pierres pour Drong ? osai-je enfin lui demander franchement.
- Oui. Il me comble tant et si bien... et c'est un bon chasseur. Il est dur à la tâche aussi. Sa force est un bon atout. Mais ces qualités sont aussi celles d'Arouk, non ? me demanda-t-elle avec un petit sourire en coin.
- Je ne sais ce que tu entends par là..., soupirai-je.
- Ne te comble-t-il pas totalement ? Je t'ai entendue prendre ton plaisir avec lui et le moins que je puisse dire, c'est qu'après cela, je n'avais qu'une envie : que Drong me prenne aussi ! rit-elle.
Je souris doucement. Comparer Arouk et Drong me semblait vraiment difficile. Arouk était respectueux de moi et je ne pensais pas qu'il aurait forcé Ilya. Peut-être lui aurait-il proposé de partager le plaisir, mais j'étais certaine qu'il n'aurait pas insisté si elle avait refusé. Il ne l'aurait pas non plus brutalisée, comme Drong l'avait fait avec moi.
Ilya se pencha vers moi :
- Et si j'ai bien vu et compris, tu aimes aussi quand il est sur toi... Il te fait vivre le plaisir comme aucun autre ne l'avait fait avant lui, sauf peut-être l'homme de tes rites. Je me trompe ?
- Non, tu ne te trompes pas. J'aime tout faire avec lui, répondis-je en la fixant droit dans les yeux.
- Alors n'est-ce pas un point essentiel pour décider d'un engagement ? Sachant qu'il a des qualités autres. Certaines t'envient déjà votre relation, tu sais. De même que je sais que certaines m'envient la relation que j'ai avec Drong. Un bon chasseur, un homme fort, un homme qui sait donner le plaisir à une femme, est toujours la proie des envies des autres. Et parfois même, de certaines qui sont déjà engagées.
Je songeai alors à la femme avec laquelle j'avais surpris Drong : elle était engagée, je l'avais appris un matin en la croisant au campement.
- Il est juste que Drong et Arouk peuvent susciter la convoitise, dis-je. Et si Drong est tenté d'aller vers d'autres femmes, que diras-tu ? Que feras-tu ?
Et j'ajoutai très vite, pour qu'elle puisse penser que je réfléchissais toujours à ma propre situation :
- Si cela arrivait à Arouk, je ne sais pas comment je réagirais.
- Et bien..., commença-t-elle et son front se barra d'un pli de réflexion. Je pense... je pense que j'en ressentirais de la peine si cela arrive fréquemment. Car au fond de moi, j'aimerais demeurer celle avec laquelle il veut prendre son plaisir, celle qu'il veut protéger, celle avec laquelle il fondera un foyer. Mais je ne pourrais pas empêcher qu'il partage le plaisir avec une autre femme, comme il me serait difficile de ne pas prendre le mien avec un autre homme, parfois. Ta mère, Ourga, même si elle est très attachée à Gourn, va parfois avec un autre homme. La mienne fait de même, et toutes les femmes aussi.
- Oui, bien sûr. Mais... je ne voulais pas parler de ce qui arrive parfois. Mais plutôt si cela arrive souvent.
- Je ne crois pas que cela arrivera. Pas pour Drong. Ni pour Arouk.
Je retins un soupir intérieur. Mon amie me paraissait aveugle. Mais ne l'étais-je pas aussi ?
**
Lorsque Arouk revint, je n'avais pas beaucoup avancé dans mes réflexions. J'avais abandonné mon attitude de silence et de repli, mais je restais sur mes gardes : plus question d'aller seule à la rivière, même en l'absence de Drong. Je ne pouvais en revanche me coucher bien loin de lui, car Ilya et moi avions installé nos fourrures non loin l'une de l'autre, comme nous le faisions depuis que nous étions enfants et que nous nous retrouvions chaque été. Je l'entendais ainsi, chaque soir, prendre son plaisir avec mon amie. Je ne pensais pas qu'il avait été tenté par une autre femme au cours de ces journées, car la chasse et la préparation des viandes prenaient beaucoup de notre temps. Mais ce fut avec un réel soulagement que je vis les hommes et les femmes revenir et, parmi eux, que je distinguai bien vite la chevelure plus claire d'Arouk.
Ils arrivèrent au campement peu avant que le soleil ne soit au plus haut. Tout en surveillant la fumaison, je m'employais aussi à préparer quelques peaux, celles que mon frère et Gourn avaient obtenues au titre de leur part de chasse. Je les assouplissais au mieux, afin qu'elles soient plus faciles ensuite à traiter et à utiliser. Le cri d'un homme me fit lever la tête :
- Ils reviennent !
Je me levai alors d'un bond, cherchant Arouk du regard. Dès que je l'aperçus, j'abandonnai mes peaux et mon feu et me précipitai vers lui. Je ressentais un réel besoin d'être contre lui, de le retrouver. En me voyant courir vers lui, il s'arrêta et me sourit, d'un grand sourire heureux barrant son visage. Il m'ouvrit les bras et je m'y jetai.
- Ourga ! Je suis heureux de te retrouver, dit-il en me serrant fort contre lui.
- Moi aussi, Arouk... Tu m'as manqué !
- Toi aussi. Mais je vais repartir dès demain, il y a de l'ouvrage au campement. Et il faut ramener de la viande.
- J'irai avec toi, dis-je. J'ai déjà des affaires à rapporter à ma mère.
- Je serai heureux que tu fasses ce petit voyage avec moi, me dit-il en posant un baiser sur mon front.
Puis nous nous séparâmes et, marchant côte à côte, nous gagnâmes le petit camp. Je passai la soirée à préparer mes affaires, jugeant ce que je pouvais déjà ramener, ce que je pourrais porter sans demander l'aide à quiconque. Le repas du soir fut un peu plus animé que les précédents, car nous étions plus nombreux et ceux qui étaient revenus nous donnaient des nouvelles du campement. La plus grande des nouvelles était que les Grandes Mères avaient décidé d'organiser les rites initiatiques dès que nous serions rentrés. La grande fête qui marquerait la fin de cette première grande chasse de l'été serait aussi celle des rites.
Nous ne veillâmes cependant pas trop tard, le groupe qui repartirait dès le lendemain le ferait tôt. Arouk et moi gagnâmes notre couche avant qu'Ilya et Drong ne rejoignent la leur. Bien au chaud sous nos fourrures, blottie entre les bras d'Arouk, je me sentis soudain à l'abri et apaisée. Je lui murmurai qu'il m'avait manqué, qu'un jour, j'avais même pris mon plaisir seule en pensant à lui. Il me dit qu'il avait fait de même, certains matins, à la rivière. Et qu'il avait hâte de me retrouver et de partager à nouveau le plaisir avec moi.
Si nous dormions le plus souvent avec nos tuniques, aussi parce que nous n'avions pas d'abri autres que nos fourrures et que la plaine était plus froide la nuit que l'endroit où nous avions installé le grand campement, cela ne nous empêchait nullement de nous caresser. Nos jambières furent vite retirées et, étendue sur lui, je frottai déjà mes cuisses et mes jambes sur les siennes. Il prit mon visage entre ses mains, le rapprocha du sien et m'embrassa longuement. Un premier éclat de désir me transperça, bientôt suivi d'un deuxième dès que je sentis son membre se dresser contre ma cuisse. Le troisième faillit me faire succomber quand il glissa sa main sous ma tunique et commença à caresser ma poitrine, déjà tendue vers lui. Tout en répondant à son baiser, j'ouvris mes jambes et me laissai glisser sur lui. Il s'interrompit un bref instant, avant de replonger sa langue dans ma bouche, surpris sans doute que je le veuille déjà en moi. Mais si je le voulais si fort, ce soir-là, ce n'était pas seulement parce que les nuits sans lui avaient été longues et froides, ce n'était pas seulement parce que mon désir était intense, non, c'était aussi parce que je voulais oublier la peur que Drong avait causée en moi. Je voulais oublier ce moment si pénible et chasser de mon esprit les vilaines images que son attitude y avait suscitées.
Arouk ignorait cela et pensa simplement que c'était pour combler nos nuits solitaires. Abandonnant ma bouche, il me murmura à l'oreille :
- C'est si bon d'être à nouveau en toi, Ourga... Mais... tu me veux vraiment si vite ?
- Oui... Arouk... Oui..., répondis-je en gémissant et en commençant à onduler sur lui.
Son membre était entièrement en moi, mais mes mouvements le faisaient aller et venir entre mes chairs humides. Mes petits muscles intimes se contractaient aussi tout autour de lui, lui arrachant des gémissements qui répondaient à mes halètements.
- Arouk... Oh... Oui... Oui... Oh...
- Ourga... Ourga... !
Je me redressai légèrement et me cambrai, le faisant s'enfoncer encore plus en moi. Son gland se fraya un chemin dans mes chauds replis et je sentis mon humeur se déverser sur nos cuisses.
- Plus fort, Arouk, plus fort... viens plus fort, le suppliai-je.
- Laisse-moi venir sur toi, Ourga...
J'hésitai à abandonner ma position, tant l'idée qu'il ne soit plus en moi m'était insupportable, mais il me fit me tourner avant même que j'aie pu prendre ma décision. Nos fourrures bougèrent avec nous, d'un rapide geste de la main, il les tira à nouveau sur nous, avant que de s'emparer avec son autre main de ma jambe et de la remonter aussi haut que possible pour me pénétrer plus profondément encore. Je me mordis les lèvres pour ne pas hurler tant c'était bon. Mais, déjà, il ne me laissa aucun répit et se lança dans un rapide va-et-vient.
- Tu me voulais fort, Ourga, me souffla-t-il à l'oreille. Tu vas m'avoir fort.
Et il écrasa sa bouche sur la mienne pour étouffer à la fois mon cri et toute protestation, bien qu'improbable, de ma part. Je subis avec délice tout autant l'assaut de sa bouche que celle de son membre qui me pilonnait désormais avec vigueur. Je succombai à une première vague de plaisir, mais Arouk n'avait pas l'intention de rendre si vite les armes et, malgré la plainte que je laissai échapper sous ses lèvres, il continua à faire aller son sexe au creux de moi, le faisant sortir presque entièrement, ne laissant bien souvent que son gland à l'orée de mon antre, pour mieux replonger ensuite. Ma jambe pliée me faisant un peu mal, je parvins à la passer autour de ses reins, bien vite rejointe par l'autre. Il avait maintenant toute latitude pour me prendre autant et comme il le voudrait. Et je lui abandonnai alors tout mon corps et tout mon être, jusqu'à mon esprit qui ne voulait rien d'autre que communier avec le sien autant que nos corps s'unissant dans un orgasme ravageur.
Annotations
Versions