Chapitre 8 (1ère partie) : Seuls au monde
Debout à la limite du grand campement désormais totalement vide, nous regardions s'éloigner les dernières silhouettes des hommes et femmes de mon clan, suivant la rivière vers l'aval. Il leur faudrait bien trois bonnes journées de marche pour rejoindre notre camp d'hiver. Voire quatre jours, car ils étaient chargés. Chargés de provisions, de fourrures, de cadeaux.
Les adieux avaient été brefs, ma mère, Gourn, Kari, Ilya, m'avaient serrée fort contre eux. Grak nous avait salués et avait encore donné quelques conseils à Arouk concernant le meilleur endroit où nous installer. Enfin, ma Grande Mère m'avait remis les plantes et préparations promises la veille et avait réalisé devant nos visages quelques étranges signes qu'elle seule pouvait comprendre. C'était sa façon à elle de rappeler aux esprits de veiller sur nous.
Alors que les derniers chasseurs tirant le dernier chargement disparaissaient à notre vue, Arouk me prit la main. Je levai les yeux vers lui.
- Merci, Ourga. Pour tout ce que tu es et pour vouloir toujours de moi, malgré tout ce qui est arrivé, et plus encore, pour rester avec moi.
- Je t'aime, Arouk. Je ne pouvais imaginer d'autre choix.
Et je me blottis un moment contre lui. Il referma ses bras autour de mon dos et posa son visage sur mon épaule. Puis il se redressa et me dit :
- Nous allons avoir du travail, nous aussi. Comme si nous étions de retour dans notre campement d'hiver.
- Oui, dis-je.
- Grak, mais aussi quelques chasseurs de ton clan, m'ont expliqué qu'il valait mieux ne pas rester près de la rivière, du moins, pas dans la plaine. Ils m'ont dit que, sur l'autre rive, la falaise nous empêche d'aller bien loin, mais en la longeant vers l'aval, elle s'amenuise pour devenir colline, à une demi-journée d'ici. Je propose que nous fassions le tour du campement, pour ramasser tout ce qui pourrait nous être utile et que les clans ont laissé. Ensuite, on fera un premier voyage pour trouver un endroit à nous convenir et on commencera à construire notre abri. S'il faut faire plusieurs voyages, nous aurons le temps de les réaliser avant que le froid n'arrive.
Je hochai la tête. La dernière lune était aussi la dernière de l'été. Nous avions environ une demi-lune devant nous avant que les premières neiges ne tombent. Le froid allait vite arriver. Durant toute la journée, nous nous activâmes à faire le tour du campement et à rapporter près de notre tente tout ce qui pouvait nous servir : paniers oubliés, peaux, branches coupées pour les supports de tente. Nous trouvâmes aussi quelques outils, souvent abîmés, mais qu'Arouk mit cependant de côté, se disant que certains pourraient être réparés.
Tout cela nous occupa le reste de la journée et, quand le soir tomba, nous étions bien fatigués l'un et l'autre. Nous descendîmes cependant à la rivière et, alors que je nageais un peu vers l'aval, Arouk pêcha trois beaux poissons pour notre repas du soir. Je retournai au campement avec, remis du bois dans le feu. Arouk me rejoignit peu après, ayant profité lui aussi de la rivière pour se laver.
C'était notre première soirée juste tous les deux. Cela me faisait un effet étrange. Jamais je n'avais été seule, il y avait toujours eu autour de moi des membres de ma famille, des amis, des gens de mon clan. Même quand nous partions en petits groupes pour chasser, nous étions toujours au minimum quatre ou cinq, et rarement pour plus de quelques heures. Etre à deux, sans les allées et venues des autres, sans les échanges des autres, c'était totalement nouveau pour moi comme pour Arouk.
J'étais en train de surveiller la cuisson des poissons quand il s'assit à mes côtés, le regard parcourant la grande étendue silencieuse. Le campement à l'abandon avait quelque chose de lugubre et je frissonnai en y pensant.
- Je n'avais pas souvenir qu'un camp pouvait avoir l'air si vide, dis-je.
- Moi non plus, répondit Arouk. L'an passé, c'était au Clan du Lynx d'organiser le petit rassemblement et nous étions partis les derniers, mais cela ne fait pas la même impression.
- L'été prochain, il n'y paraîtra plus ou si peu. Tout aura été recouvert par la neige et la fonte du printemps.
- Oui. Mais ce n'est pas pour autant que le prochain rassemblement se tiendra là.
- Non, on change d'endroit tous les étés, sauf pour les grands rassemblements.
- Je n'avais pas encore assisté à un grand rassemblement de ton peuple, Ourga.
- Comment cela se passait-il dans le tien ?
- Nous nous retrouvions aussi chaque été, mais tous ensemble. Il n'y avait que de grands rassemblements, si tu veux. Car mon peuple vit le long de la Grande Mer Salée et nous sommes un peu moins nombreux. L'équivalent de sept clans à peu près, pas d'une dizaine comme le tien.
Je demeurai silencieuse, puis tendis un poisson à Arouk. Nous mangeâmes en silence, puis il me dit :
- Il va falloir bien entretenir les feux, pour éviter que des animaux rôdeurs ne viennent voler nos provisions.
- On a rangé toute la nourriture dans la tente.
- Oui, mais ce ne sera peut-être pas suffisant. J'irai rechercher un peu de bois et si on se réveille dans la nuit, il faudra en remettre.
- D'accord.
Nous terminâmes notre repas en mangeant des fruits frais que Kari avait ramassés la veille. Nous avions convenu de nous nourrir tant que cela était possible avec de la nourriture fraîche, et de garder dans des paniers l'essentiel de nos provisions, viandes fumées, fruits secs, grains.
- Je pensais qu'on pourrait faire un premier voyage dès demain matin, Ourga, dit Arouk. On emmènera le plus de viande possible, quelques outils et de quoi monter un petit abri provisoire. Le gué est praticable. Je pensais aussi amener toutes nos affaires sur l'autre rive, afin de ne pas nous retrouver bloqués si des pluies font monter la rivière.
- Cela nous prendra bien la matinée pour cela. Nous ne pourrons pas aller très loin demain.
- Penses-tu qu'on pourra cependant aller au-delà de la falaise ? Qu'on atteindra l'endroit où elle devient plus basse ?
- Si on partait demain matin tôt, oui. Mais pas si on part au zénith. La rive est plus étroite et moins facilement praticable que celle que les miens ont empruntée pour rentrer au campement d'hiver. Et il n'y a pas de gué plus en aval avant une très longue distance. On se retrouverait alors quasiment proches des miens et...
- ... Et on risquerait d'en rencontrer ?
- Oui et il vaut mieux éviter, n'est-ce pas ?
- Oui. C'est pour cela que je préfère qu'on suive la rivière par l'autre rive, même si, ensuite, nous allons beaucoup moins loin que les tiens.
Je réfléchis, puis je dis :
- Je pense que c'est une bonne idée de passer toutes nos affaires de l'autre côté. Même si l'odeur humaine imprègne encore les lieux, les animaux vont vite comprendre qu'il n'y a plus personne et ils viendront chaparder. Je pense qu'on pourrait aller jusqu'au pied de la falaise, et y rassembler toutes nos affaires. Et après-demain, on pourra entamer la marche pour nous trouver un abri.
- Mais nous avons beaucoup de choses à emmener. On ne pourra pas prendre un travois, n'est-ce pas ?
- Non. La rive est étroite et encombrée de roches, la végétation est assez dense parfois, on aura du mal à passer avec. On peut porter beaucoup de choses dans les sacs de peau, mais pas tout d'un coup, surtout pas avec les morceaux de bois.
- On va vraiment devoir envisager plusieurs voyages. J'espère qu'on trouvera un endroit adéquat à moins d'une journée de marche d'ici, conclut Arouk.
Et il se releva pour remettre du bois dans notre feu. Puis il se rassit derrière moi et m'entoura de ses jambes et de ses bras. Un peu fatiguée par toute notre journée, mais aussi par les émotions des dernières heures, des adieux à ma famille, je me laissai aller contre son torse en fermant les yeux. Il appuya son menton contre mon épaule et fixa le feu. Je nouai mes mains aux siennes et nous restâmes un long moment ainsi. J'aurais peut-être même pu m'endormir s'il ne m'avait pas sortie de mon engourdissement en me soufflant à l'oreille :
- Va t'allonger, Ourga. Ca a été une bonne journée et, demain, on aura aussi beaucoup à faire. Je vais allumer deux autres feux autour de la tente et je te rejoins.
- D'accord, dis-je en bâillant.
Et je me glissai à l'intérieur de la tente, retirai mes vêtements et j'arrangeai notre couche avec nos fourrures. Une fois étendue, je fixai le toit de notre abri. Gourn et Lorg l'avaient construit assez solidement. Les peaux qui le couvraient ainsi que l'entrecroisement de branchages avaient bien tenu tout l'été, malgré les pluies et surtout, le gros orage que nous avions subi. Cet abri, en revanche, ne résisterait sans doute pas à la neige, mais on pouvait réutiliser une bonne partie des éléments, et notamment toutes les peaux. Ce n'était pas rien que les miens nous avaient laissé.
J'entendais Arouk préparer les feux, rassembler des morceaux de bois. Puis la peau qui fermait l'abri se souleva et il entra. Je l'observai qui retirait ses vêtements et les posait soigneusement à côté de notre couche. Puis, à son tour, il se glissa sous les fourrures et vint se coller à moi, m'entourant de ses bras.
- Ca va, Ourga ?, me demanda-t-il d'un ton que je perçus un peu inquiet.
- Oui. Et toi ?
- C'est étrange... de n'être que tous les deux. La présence des autres me manque un peu, mais... mais je crois que je vais apprécier, aussi. Au-delà des risques qu'il y a à se trouver isolés, je veux dire.
Je levai les yeux vers lui. Il souriait doucement, je pouvais encore nettement distinguer les traits de son visage car la nuit n'était pas tombée et un peu de clarté entrait encore dans notre abri.
- Oui, poursuivit-il, je vais apprécier aussi d'être avec toi. Juste avec toi.
Et il déposa un baiser sur mon front, avant de poser ses lèvres sur les miennes. C'était un baiser empreint d'une grande douceur et je me sentis déjà partir dans les prémisses du plaisir. Arouk savait si bien varier l'intensité de ses baisers ! De la fougue la plus intense à la douceur la plus délicate. J'adorais quand il m'embrassait et je me disais que, si je ne l'avais pas rencontré, je serais vraiment passée à côté de quelque chose de très agréable.
Il abandonna mes lèvres pour mon cou, mon épaule, avant de descendre le long de mon aisselle et d'embrasser doucement la peau de mon sein gauche. Sa langue remonta vers mon téton, par petits coups précis. Sa pointe tournait tout autour, provoquant ma première plainte. Mais il n'insista pas, à ma grande frustration, car il plongea bien vite vers mon ventre, ouvrant déjà lentement mes jambes. Son visage se posa sur ma cuisse, le regard tourné vers mon triangle sombre.
- Tu es belle à regarder là, Ourga, me dit-il d'une voix déjà plus rauque. Et j'adore sentir ton odeur. Cela me donne toujours tant envie de te goûter...
Et avant que j'aie pu lui répondre, il vint lécher mes lèvres, glissant sa langue entre elles pour faire ce qu'il aimait tant, mettant ainsi en pratique ce qu'il venait de dire. Je fermai les yeux, mes mains se perdirent dans ses cheveux. J'aimais sentir la tendresse de sa langue dans mon intimité, sa barbe un peu rêche sur la peau de mes cuisses ou, au contraire, la peau douce de ses joues quand il s'était rasé. Là, j'avais droit à une barbe un peu plus longue et aux poils moins drus. Mais les sensations en étaient tout aussi agréables. Oh, que j'aimais cela ! Cette façon qu'il avait de fouiller en moi, d'aller chercher mon jus, de parcourir mes replis, encore et encore, aiguisant mon désir à chaque passage, excitant mes chairs à chaque coup de langue.
Il avait pris mes fesses entre ses mains, me tenant bien ouverte. Je ne pouvais quasiment pas bouger mes jambes et m'abandonnai totalement à lui. De douce chaleur, le désir devint feu brûlant en mon corps et j'explosai dans un grand cri. Arouk continua à me lécher, malgré mon orgasme, mais en ralentissant comme pour retrouver progressivement le rythme de ses premières caresses. Il finit par s'allonger tout contre moi, m'entourant de ses bras, alors que je poussai encore de petits soupirs mêlés de gémissements.
Et je m'endormis ainsi, totalement bienheureuse.
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