Mémoire gravée
Chapitre 1
Automne 1983
"Schnell ! Schnell ! Arbeit !"
Je suis assise dans mon fauteuil de salon, devant la fenêtre de mon petit appartement chaleureux. Je regarde les feuilles couleur feu tombées de l'arbre juste en face de moi. Sans cesse, je me ressasse ces paroles dans ma tête. Des mots qui ont hanté, hantent et hanteront mon esprit, mes souvenirs, à jamais.
Je m'appelle... Peu importe mon prénom. A une époque, on m’appelait L-120183. Un numéro à jamais gravé en moi, dans ma chair.
J'avais tout juste quinze ans quand ils sont venus me chercher. Quinze ans... Un âge où nous, jeunes adolescents, rencontrons nos premiers amours. Mais les circonstances ont fait que... Vous le saurez bien assez tôt.
J'ai grandi dans une famille unie, respirant l'amour et la joie. Avant mon départ, je vivais avec mon père Jeremiah, ma mère Shayna et mon petit frère de onze ans, Joshua. J'allais, pour la deuxième fois, devenir grande sœur. Ma mère en était à son septième mois de grossesse. Une grossesse tardive, mais désirée.
J'étudiais dans une école juive, car il était devenu interdit, pour tous les juifs, de se "mélanger"avec les autres religions. Tous les squares, les magasins, et j'en passe, étaient interdits pour tous ceux qui portaient l'étoile de David. Même si nous étions propriétaires de notre commerce, il nous était "volé" par les allemands. Nous n'avions plus rien. Ou alors, il fallait faire du troc. Vendre nos biens pour espérer pouvoir tenir quelques jours.
A cause de cela, j'ai perdu, à mon plus grand regret, nombreuses de mes amies. Des amies que je connaissais depuis le berceau. Mais depuis l'arrivée de ces nazis et de leur stupide loi sur le port de l'étoile, elles se sont mises à me cracher dessus et me jeter des pierres. Aller savoir pourquoi... Mais nous le savons fort bien. L'endoctrinement allemand a parfaitement bien fait son rôle.
Les Allemands avaient envahi nos belles rues arborées, pour les remplacer par des véhicules de guerres, des drapeaux hissés portant le signe de la croix gammée, et des soldats armés, saluant à leur passage tous ceux qui n'étaient pas de religions juives du signe fasciste d'Hitler "Sieg Heil"
Hitler, pffff...
Je me souviendrai toujours de ce jour là, en octobre 1944. Nous avions fini notre repas du soir. Un bruit sourd est venu frapper la porte de notre appartement. Nous nous sommes tous regardés. Nous avions compris. Pour nous, c'était ici que notre belle famille allait se dire "au revoir".
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