Sabine

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Avec R1 on a l’impression de ne pas être synchronisés avec l’actualité. On ne se sent pas concernés par les réseaux A, B, C et D. On est à part. Je suis née seule sans frère et de deux mères, lui est carrément né sur Terre. En plus on a toujours pas fait d’enfants. On a le temps. On a notre temps. Maman nous a invité à faire une partie de tennis. Elle est resplendissante, belle, amoureuse, elle a rajeunit. Elle nous présente Graham, l’Amour de sa vie, il était là avant nous tous et elle l’a retrouvé. Il sont trop mignons à s’embrasser à chaque point. On se sent bien tous ensemble, comme en famille. Maman m’épate. Elle est devenue normale. On rencontre la Bri qu’elle était quand elle était jeune. Pendant que les garçons discutent, elle me fait des confidences :

  • C’est comme si la vie était un cercle et que j’étais revenue au point de départ. Je vais faire un deuxième tour avec toute la richesse accumulée au premier : toi.
  • Maman… Je suis heureuse pour toi. J’ai l’impression que tu as enfin trouvé ton équilibre. Il est trop beau ton Graham. C’est reparti pour une nouvelle vie.
  • On envisage de … fonder une famille. Pas vous ?

Je commence à rire mais pas elle. Non ? Elle est sérieuse. Je regarde Graham. Je la regarde. Je comprends :

  • Maman, c’est merveilleux. Je te souhaite le meilleur. Tu dois te sentir si heureuse, si forte, tu réécris ton histoire, c’est fantastique.
  • C’est toi qui est fantastique avec tes trucs de médium. C’est R1 qui t’a appris ?
  • R1 il me transforme, il rayonne sur moi. Pour le reste c’est sa mère qui m’a initié.
  • Je comprends, Graham, il rayonne aussi sur moi. J’ai passé tant de temps dans le noir et j’ai l’impression de revoir enfin, de me revoir. Mais tu sais, je ne regrette rien. Je ne pourrais pas l’apprécier autant si je n’avais pas vécu tout le reste. Toi tu as eu de la chance, tu l’a vite trouvé, tu ne l’as pas perdu, c’est le bon. Comment tu vois ça toi ?
  • La magie de la Maison Bleue. Sa piscine. Son bois. J’ai été extrêmement audacieuse, le fils de Sœur Nathalie. En fait, j’ai tout simplement été toi. Maman, tu te rends compte ? Il t’en a fallu de l’audace pour en arriver là.
  • Allez viens, on va préparer l’apéro. J’ai envie de boire des bulles.
  • Tu ne récupère pas tes affaires ?
  • En fait, on est chez nous. Tout le complexe, avec la piscine et le grand bâtiment derrière, toute la colline en fait.
  • Quoi ?
  • Graham est le directeur de Westech.

Je regarde autour de moi. Je la regarde. Elle ne blague pas. Elle se sauve à vélo. Lorsque j’arrive sur la terrasse, elle est au premier étage et elle met de la musique à fond. Quel talent ! Tout en sobriété, comme d’habitude, Bri. Je la regarde danser un moment. Elle est vraiment dans son truc. Je rejoins R1 qui traîne dans la bibliothèque en buvant une bière à la bouteille.

  • Hé regarde, tu savais qu’elle avait fait une thèse de science ? Je croyais qu’elle n’était qu’ingénieure.

Je regarde le titre : « De la transmission des sons de ultra basse fréquence dans le vide intersidéral ». C’est quoi cet adjectif ? Il y a une sorte de signature slogan en bas : « Docteure Brigitte I.Z. , dans l’espace, on ne la voit pas briller. » Ça ressemble à une blague. C’est tout à fait de son goût. Mais ce n’est pas une blague.

Au dîner, R1 ose demander à Graham :

  • C’est votre maison, domaine, de fonction ?
  • Cadeau de départ. Westech ferme. La technologie n’intéresse plus personne. Des petits labos vont proposer des améliorations sur ce qui existe déjà mais les vraies inventions seront trouvées par des anonymes au fond de leur abri de jardin.
  • C’est ça toutes ces explosions dans le quartier des ingénieurs ?
  • Recherche fondamentale.

Graham met sa main sur celle de maman. Il lui pense : « Maintenant je vais m’occuper de toi et de ton ventre fécond. » Elle lui sourit. Ils ont leur seconde chance.

Je prends un bain de minuit dans la piscine éclairée avec R1 qui ne prend même pas la peine de cacher sa nudité contrairement à moi et il me reproche :

  • Tu es très sexy dans ton maillot de bain. Tu crois qu’on peut s’installer ici ?
  • J’en suis sûre, pour de longues vacances. Quoi que. Vu la taille du jardin, je pourrais organiser des expositions ?

Il fait la planche.

  • Qu’est ce que tu fais ?
  • Je regarde les étoiles, je cherche celle qui ne brille pas. Je crois que je vais lire son bouquin. Il y a plein de messages cachés.
  • Tu vois l’Invisible partout.

Je plonge la tête sous l’eau, je remonte tout de suite.

  • Qu’est ce que c’est ?
  • Quoi ?
  • Il y a de la musique dans l’eau.
  • Ah bon ? J’entends rien.
  • Pas en surface.

On se prend les mains et on descend, plus on descend, plus c’est fort et grave. On remonte.

  • Les basses fréquences.
  • Ultra basses.

On sort, on se sèche et on cherche notre suite. Au premier étage, on arrive devant une poste avec des lettres dorées : S&R-1

  • Ce doit être ici.

La porte s’ouvre et on entre. Elle se referme derrière nous. R1 pose ses affaires sur la table de chevet et on fait l’amour dans la soie du lit. J’ai l’impression qu’il est tout autour de moi, il est aussi doux que les draps. Dans la nuit j’ouvre les yeux, il est en train de lire un livre. Sans doute pour son émission radio. Tous les mercredi une heure avant minuit il va quelque part avec son studio portatif parler d’un livre avec son auteur, seul avec lui dans la pénombre, ils murmurent dans leur micros et s’échangent comme des secrets. Ça a commencé avec la B3 où il a identifié chacun des auteurs et leurs contributions littéraires, ça a continué par des écrivains, ceux qui ne racontent pas d’histoire mais leur histoire. C’est qui cette fois-ci ? Je m’approche de lui en prétextant une caresse intime quand je vois le nom sur la tranche : Dr BIZ. Maman ? Sa thèse !

  • Ce n’est pas qu’une thèse, il y a des phrases à chaque paragraphe, c’est philosophique. Ça raconte aussi son parcours, il y a beaucoup d’allusion à l’Invisible. Tu es sûre qu’elle n’a jamais été initiée ? Je comprends comment elle a trouvé son directeur de thèse. Il y a des découvertes, des solutions.

Je lui prends le livre. Toutes les pages sont annotées et repérées. Je regarde la liste du jury : le professeur X.

  • Tout ça lui a pété à la tronche.
  • Ce n’est pas la partie scientifique et technique qui m’intéresse.

Il est en train de me demander mon accord. C’est mignon. Je l’embrasse et je l’escalade :

  • En attendant que tu l’invites dans ton confessionnal mobile, je vais te faire plonger dans l’Invisible et te faire émettre des ultra basses fréquences.

J’éteins sa lampe de chevet et je descends en lui le remettre en route pour qu’il entre en moi.

Au petit déjeuner, j’aide Graham en cuisine. Il regarde mes pieds nus, ma tenue, mon attitude, ma coiffure, mon visage, mon regard :

  • Quoi ?
  • Tu es l’exacte mélange, de ta mère et de Izzy.
  • Tout le monde est au courant alors ? Je suis censée être la fille de Simone. Bri était avec elle quand elle m'a eu. Simone, de son côté à pondu Boris. Mais ma mère était toujours en contact, rapproché, avec Izzy. Leur relation a toujours été chaotique. C'est avec elle qu'elle me voulait. Je suis la recette parfaite. Du sang de la meilleure lignée qui a inspiré la Révolution et la Résistance d’un côté et de l’autre, ta femme, fille d’espionne, ingénieure, docteure apparemment aussi avec des expériences où elle en a aveuglé plus d’un.

Je me retourne pour surveiller R1 qui discute avec maman, il est en approche sur son bouquin.

  • Graham, je crois qu’il va l’inviter dans son antre. Tu sais, il est né sur Terre. Il n’y a pas que les terriennes qui sont spéciales. On va voir si elle t’aime vraiment parce qu’il est irrésistible.

Je le vois inquiet. Il les scrute.

  • Tu crois ?
  • En tout cas lui il a la Foi. Les croyants sont spéciaux, sacré.

Il me fait « Bouh » en me chatouillant le dos, je cri, j’ai failli lâcher la poêle, je le regarde et je comprends que je n’ai pas réussi à l’embobiner, c’est lui qui m’a eue, je rigole. Il reprend son sérieux, je me retourne et je constate qu’on a attiré l’attention, ce sont eux qui sont inquiets maintenant. On se calme. Je termine de cuire l’omelette, je la mets sur un plat, je la partage en quatre, je me tourne vers lui qui me félicite d’un hochement de tête.

  • Graham ? Tu l’aime bien ma mère ?
  • Oui, bien plus que ça.
  • Non, je veux dire, Izzy ? C’est normal tu sais, je comprends, elle est un fantasme pour beaucoup d’hommes, mais toi c’est particulier, vous avez ma mère en commun dans vos goûts, ça vous connecte encore plus. Et je vois comment tu me regardes. Je suis une partie de ce fantasme et de ta femme. Je comprends que ça puisse te troubler. Je ne te tiendrai pas rigueur si tu as un comportement déplacé.

Il s’étouffe avec son jus d’orange, il s’en met partout, ça me fait rire et je l’essuie. Les autres derrière sont encore plus inquiets.

  • Merci Sabine. C’est sympa de discuter avec toi. J’ai entendu les émissions d’R1. Il est un peu pareil dans ses conversations. Enfin, un peu moins direct. Je suis sûr que tu as toujours le dessus.
  • Tu m’étonnes. En fait ton histoire avec ma mère me fait rendre compte que moi aussi je suis avec mon Graham. Et j’ai su le garder depuis le début. Ma mère s’est égarée mais le plus important c’est qu’elle ta retrouvé. Je suis contente pour elle. Je t’aime bien Graham.
  • Ta mère est la plus forte de nous tous. Elle est merveilleuse. Et je t’aime bien aussi, Sabine.
  • Attends de goûter mon omelette.

Et on rit en leur amenant le petit-déjeuner pour interrompre leur réunion de travail. Pendant le repas je surveille la réaction de Graham lorsqu’il mange mon repas. Il trouve ça vraiment bon. Il me confirme. Qu’il aime bien. Qu’il m’aime bien. Que je l’aime bien. R1 fait son annonce d’émission pendant que Graham boit son jus de fruit en me surveillant en coin. Je lui fait un clin d’œil et il s’étouffe à nouveau.

  • Excusez-moi, d’accord, c’est une bonne idée, ça va être intéressant, je connais tes émission R1.
  • Justement, vous n’avez jamais songé à écrire sur tout votre parcours à Western Technologies ?

Il a l’ai embêté mais ne dit pas non. Il y a anguille sous roche. L’après-midi pendant que nos conjoints se prennent la tête sur leur bouquin, je le suis dans le jardin, il prend des gants et un sécateur pour nettoyer les rosiers. Il y en a des kilomètres ici. Mais il avance vite. Je dois presque courir pour le rattraper.

  • Graham, attends-moi !

Il me tend un autre sécateur et m’explique quelles tiges couper et où. Pendant que je me concentre il me parle :

  • Tu sais, si j’ai fait de la technique et de la science, c’est justement parce que je n’étais pas doué pour le reste ?
  • Ah bon ? Des difficultés avec les filles ?

Il rigole.

  • Non, en fait, lire, écrire, tout ça c’est pas mon truc. Tu pourrais m’aider à convaincre ton R1 de ne pas insister là-dessus ?
  • D’accord. Je vais lui expliquer. C’est comme si c’était fait.
  • Tu vas dire quoi ?
  • Je ne sais pas. La vérité ? Ou alors que je couche avec toi, ce sera plus radical.

Et je le regarde droit dans les yeux. Mais je n’arrive pas à retenir mon sérieux et j’explose de rire. Il a l’air d’être soulagé d’un coup. Il va même s’asseoir sur un banc blanc métallique, très bien travaillé, une vraie œuvre d’art, j’en profite pour aller l’inspecter, le toucher, le banc, et je m’assoit à côté de lui pour lui lancer un regard malicieux avec un sourire tendre. Il sort de son dos une magnifique rose rose. Je suis étonnée, surprise, ravie. Je plonge mon nez dans la rose et je ferme les yeux. Je commente :

  • C’est ce que sentent les vents au paradis ?
  • Une nouvelle création. Elle n’a pas encore de nom mais en te voyant l’apprécier je ne peux plus faire autrement que de l’appeler Sabine.

Je le regarde en coin.

  • C’est une phrase bien compliquée. On va y arriver. Je vais t’aider à l’écrire ton Westech story. Maman m’avait parlé de ça. Du fait que tu n’étais pas très à l’aise avec les conversations compliquées mais que souvent tu l’as scotchais quand tu trouvais le mot juste, la phrase juste, au bon moment. C’est pour ça qu’elle t’aime aussi, tu as du talent dans ta faiblesse.

Il est troublé. Je crois qu’il accepte. Il est même soulagé et content d’avoir une alliée.

  • Je serai ta charmante alliée.

J’approche ma bouche de son visage, il recule, il avance, je bifurque sur son oreille et je lui murmure :

  • Ce sera notre secret.

Il a l’air choqué. Je suis allée trop loin.

  • Je déconne Graham. On va lui expliquer, à maman, que je vais t’aider pour ton texte afin que Graham puisse faire une bonne émission. Il faut soigner les choses, les rendre belles, comme ce que tu fais avec tes rosiers, je le ferai avec tes mots.
  • Sabine, tu es vraiment quelqu’un.
  • Un peu oui : je suis ta belle-fille.

J’attache la rose dans les cheveux et on se lève pour continuer à faire le tour du jardin, je prends un sac au passage pour récupérer les déchets végétaux.

  • Graham, dès que tu le sens, balance ton texte comme il sort et après on le reprend ensemble.

*

Obligés de rester dans le coin, de s’installer plus ou moins dans le cadeau de départ de Graham. Justement, c’est l’endroit exact pour rendre hommage à Westech. R1 aime bien l’idée de faire une émission sur la fin de la civilisation technologique dont la fermeture de Westech est le symbole. À chaque séance, Graham est de moins en moins timide et il finit par me raconter et me dicter son texte.

  • Allez Graham, un petit effort, il nous faut une de tes phrases à la con à la fin de chaque chapitre. Comme maman et son « espace qui laisse passer le visible et où le son est invisible à nos oreilles ».

Il soupire :

  • Sabine, j’ai besoin de me remettre les idées en place. Je vais aller écouter de la musique au fond de la piscine.
  • OK. Je peux t’accompagner ?

Et nous voilà face à face au bord du balcon qui surplombe la partie la plus profonde.

  • Sab, tu es prête ? Je l’ai réglé un peu plus froide que d’habitude.
  • Ah bon ? D’accord. Gram ? Je mets mes lentilles. Je suis prête.

Il me prend les mains, on inspire et on expire doucement, plusieurs fois, lentement, en se regardant droit dans les yeux, je commence à avoir un vertige et on saute. Un choc. Le froid remet les idées en place. On atteint le fond et la musique nous envahit, lente, hypnotique. Comme des dauphins qui chantent dans le grand bleu de ses yeux. Graham. On dirait un esprit, un fantôme, une apparition. Je regarde mes mains sans les siennes. Je les lâches et mets mes bras autour de son cou, je me blottis contre lui pour avoir moins froid mais aussi pour échapper à la profondeur de son regard en moi. Je ferme les yeux. Je sens qu’on remonte, je crois qu’on tourne, qu’on pivote dans tous les sens comme dans une danse qui nous ramène en surface où on se lâche juste avant de l’atteindre, je vois ma main essayer de le retenir le long de son bras, nos doigts s’accrochent puis se lâchent et se pointent comme la main de Dieu et d’Eve sur le plafond de la chapelle de Victoria. Nos têtes sortent de l’eau et on peut enfin respirer. Je le suis pour remonter sur la terrasse. Il m’aide à sortir et on garde nos mains l’une dans l’autre :

  • Alors, tes idées sont en place ?
  • Je… je…
  • On est restés combien de temps sous l’eau ?
  • Tu… je…

Oh la la… Je l’assois et je prends une serviette pour l’essuyer. Il est ailleurs. Il n’a pas encore repris ses esprits. Je regarde à droite et à gauche, j’hésite à peine et je colle mes lèvres sur les siennes, je ferme les yeux et j’attends. Rien. J’ouvre les yeux et je termine le bisou. Il a l’air de revenir. Il va parler :

  • Je sais pas nager.

J’éclate de rire. Il regarde ses mains. Elles sont dans les miennes. Il me regarde :

  • Tu sais, Sabine, je…
  • Oui je sais Gram. Il n’y aura pas de S entre nous. Et c’est ça qui est magique. Tu aimes ta Bri, j’aime mon R1, on ne les trahira jamais, on ne les trompera pas, on ne fait que flirter et je trouve ça très agréable. En fait, dans les faits, c’est comme ça. Mais dans leur Invisible c’est peut-être autrement, possible, permis. Et je pense que ce qu’on vient de vivre toi et moi au fond de cette piscine, ça doit ressembler, se rapprocher, de l’Invisible. On est loin de ta thématique. Mais je suis contente d’avoir vécu ça avec toi. C’est un signe Graham. On va faire une pause. Il faut laisser ton texte mûrir. Faire le point. Tout es clair entre nous. Tout est clair entre nous ?
  • Oui Sab. Clair.
  • Tu sais que je t’ai embrassé ?
  • Quoi ?
  • Sur la bouche. Geste médical. Réanimation.

Il en me croit pas. Mais il doute.

  • Je suis sûre que ça va te revenir.

On rentre au chaud et au sec. J’attrape un cahier et un crayon, je lui pose quelques questions et je fais un plan pour la suite. On va se fier à ce carnet de route.

  • Maintenant, on doit faire autre chose. On va les rejoindre au tournoi.

C’est bien de les voir jouer. De les encourager. De les applaudir même aux point perdus. Dans ces duels ou l’ennemi c’est souvent nous-même, où on ne gagne pas mais c’est l’autre qui perd contre lui-même. Je regarde Graham et je me demande : être aimée ou aimer. Être battue ou gagner. Aimer, c’est gagner, gagner une bataille même si la guerre est perdue.

Le soir, au dîner en famille on se rend bien compte qu’on est tous devenus plus proches les unes des autres avec ces histoires d’émissions. La nuit R1 me fait l’amour de façon plus intense. J’imagine à qui il pense. J’imagine à qui Graham pense. Je pense à Graham et je me surprends à laisser échapper des gémissements.

Au petit matin il me réveille et me demande :

  • Qu’est ce qui se passe avec Graham ?
  • Qu’est ce qui se passe avec ma mère ?
  • On flirte un peu.
  • Nous aussi.
  • Mais il ne se passera rien.
  • Nous non plus, rien dans le visible.
  • À chacun son Invisible.

Ce n’est donc pas que des pouvoirs de médium, un ensemble du passé, du présent et de l’avenir. C’est autre chose. Un univers parallèle ? Avec des infinis de possibles.

Au petit-déjeuner on est tous un peu hagards. R1 me prend la main et celle de maman qui prend celle de Graham qui me prend la main. R1 annonce :

  • J’ai été conçu sur Terre par un prêtre et une sœur, des parents de Dieu. Ma mère croie au-delà de sa Foi et ma enseigné son Invisible. Je vous en donne un aperçu. Mais je ne vous l’apporte pas. Tout était déjà en vous. À notre famille, à nos enfants à venir, dans le respect de nos couples.

C’est un avertissement. Les règles du jeu sont établies. Il y a des limites à la semence qui ne doit pas traverser nos générations. La hiérarchie est établie. Pas de Graham dans mon ventre et pas de R1 dans maman. L’Invisible veille. Je regarde Graham, mes narines se dilatent, mes reins me chatouillent, mon cœur s’emballe, j’ouvre la bouche et ma respiration s’accélère parce que je sais qu’il y a plein d’autres façon de partager l’extase sans partager son sang.

On écoute l’émission en direct, comme préconisé, seuls avec le casque au fond de son lit. Entrevue intimes, révélations, grande littérature, tous les ingrédients sont là, même Xavier en témoignage enregistré. La barre est haute, il faut que je peaufine la Westech story. Je suis concentrée sur mon clavier et j’arrive à la fin. Graham est là pour répondre à chacune de mes questions. Il en a marre mais il reste calme car il a envie que ça se finisse aussi. Il me demande de me lever, je pianote toujours. Il s’assoit à ma place et me met sur ses genoux. Il a les mains sur mes cuisses, il les caresse doucement jusqu’à passer sous ma jupe légère. Je vacille. Je m’adosse à lui, j’arrête de taper et je ferme les yeux en écartant les cuisses. Ses mains entrent dedans.

  • Gram, j’ai presque fini.
  • Justement.

Je remonte sa main gauche sur mes seins et je commence à me tortiller. Je le sens raidir entre mes fesses.

  • Tu crois qu’ils sont allés jusqu’où de leur côté ?
  • Jusqu’à l’Invisible.

J’y suis presque. J’ai presque terminé les dernières corrections. Je parviens à m’asseoir à côté de lui et je le termine à la main pendant que je continue mes corrections de l’autre. Il a sa main dans mes fesses. Il enfonce un doigt et il râle. Je sens sa semence chaude sur mes doigts. Je me retourne, je le gifle pour le ramener et quand il me regarde et me voit je mets lentement mes doigts dans ma bouche pour les lécher consciencieusement. Il n’en revient pas. Mais bien obligée pour ne pas souiller mon clavier, je me retourne et je continue de taper. Il en profite pour s’essuyer entre mes fesses, je l’accompagne dans la fin de son plaisir et le début du mien. F.I.N. Je me retourne et je l’embrasse langoureusement.

  • Tu as fini. C’est prêt. Tu peux le faire lire à R1.

Il me caresse la joue, remonte mes cheveux, il passe son pouce sur mes lèvres, il me prend la nuque et m’attire à lui, je pose mon front contre le sien. Il me soulève et me dépose sur le canapé, il plonge son visage entre mes jambes et remonte me donner ce que j’attends. Ensuite il me transporte sous la douche pour me laver et me rendre toute propre à mon R1 qui me fait une piqûre avant d’entreprendre ma fécondité. Au même moment, Graham doit en faire de même sur maman.

Mon diagnostic est confirmé, dès que je lui annonce, on ne se gêne pas pour s’emboîter pour de bon. C’est tellement puissant, je sors de là en sueur. Maintenant que j’ai connu ça, je peux mourir tranquille. Et si ce n’était que le début. À lui de me le dire.

  • Gram… ?
  • Sab… ?

On ne peut rien se dire, on peut juste se le faire ressentir.

  • Notre projet, notre aventure s’achève. Retour à nos conjoints pour fonder une famille. Leur émission est terminée aussi. Ils n’ont plus besoin de cette proximité non plus.
  • Nos entreprises sont terminées mais nos aventures ne font que commencer, en tant que parents, avec nos enfants et il y a aussi toi et moi. Il y a un nous.

Je lui saute au cou. Je suis tellement heureuse. L’Amour n’est pas qu’éternel, il est aussi infini et multiple, sous toutes les formes, dans le visible et l’Invisible, dans son cœur et dans le mien.

On s’installe au Domaine WT, en famille. C’est un bel endroit pour élever des enfants, ils seront entourés d’Amour. Maman me donne un courrier :

  • Ça vient de la principauté. On dirait une invitation.

J’ouvre avec mon monolithe, il a un badge avec ma photo et mon nom, avec une carte.

  • C’est Greta, elle me propose de venir voir ses œuvres pour réfléchir à une exposition, thème, lieu etc.
  • Je ne savais pas que vous vous connaissiez.
  • On ne se connaît pas. Je suis juste la commissaire compétente dans son domaine.

Greta est une légende. C’est vraiment un honneur pour moi. Il y a un numéro. Je le rentre dans mon ML et il me donne des créneaux d’appels. En attendant je fais des recherches sur l’Interart pour voir ce qui a déjà été fait, ce qui existe dans les peintures et les aquarelles, les tendances et les prix distinctifs. Après une vibration, Greta apparaît sur mon écran de recherche.

  • Bonjour Sabine, quand est-ce que tu peux venir ?
  • Enchantée Greta. Qui vous a conseillé de me contacter ?
  • Ta mère, Izzy.
  • Demain ? Matin ?
  • Parfait.
  • En fait, c’est juste une prise de contact. J’aime d’abord rencontrer les artistes avant leurs œuvres.
  • Très bien, à demain alors.

J’ai l’affichage de l’horaire de la navette.

La porte s’ouvre sur elle, elle est petite, elle a l’air fragile et il y a de la douceur dans ses mouvements et dans son regard. On s’installe dans le salon pour discuter. Elle m’explique :

  • Mes enfants se préparent à partir, George et Diana. Vous n’en avez pas encore ?
  • Pas encore, mais je suis enceinte. Ils vont rester un peu avec nous et dans 20 ans les choses auront sûrement changé.

Elle me prend par la main, on sort dans le jardin et on va à son atelier. Il est plein de toutes sortes de dessins, peintures, sculptures et autres.

  • Je voudrais le vider, repartir à zéro, retrouver l’inspiration. Je suis bloquée.

Je parcours et j’analyse.

  • Il y a de quoi faire trois expos à trois endroits différents, en même temps.
  • Vraiment ? En fait, je voudrais rester anonyme.
  • Bien-sûr, je comprends. Vous avez une idée de pseudo ?
  • Beata. C’était ma sœur, sur Terre.

Je sens une vibration. C’est ce qu’elle ressent. Je lui prend les mains, elle est comme éteinte. Je regarde par terre, il y a une couverture, je l’amène s’asseoir dessus, on se met en tailleur l’une face à l’autre, elle a l’air de connaître cette technique. Je regarde ses mains dans les miennes. Elles sont fines et douces.

  • Greta, personne ne s’est jamais vraiment occupé de ton bien-être. Tu es trop inaccessible. Tu es en train de t’éteindre. Tu ne rayonnes plus. Je remonte le dos de mes mains sur l’intérieur des ses avant bras. Elle frisonne. Je passe à l’extérieur pour finir sur ses épaules, son cou si fin, ses joues. J’ai son visage entre mes mains, je caresses doucement ses tempes avec mes pouces, son regard s’éveille, la couleur de ses yeux change. Elle met ses mains sur les miennes et elle pleure. Je la serre dans mes bras, elle me serre, elle sanglote, elle crie. Elle pousse des gémissements de soulagement. Elle se reprend, se contrôle pour me dire :
  • Merci.
  • Greta je vais rester un peu. On va faire cet exercice tous les jours. L’exposition, c’est un prétexte n’est ce pas ? Tu es au courant de ma spécialité, je soigne les artistes.
  • Mais tu dois rentrer, ta famille t’attend.
  • Non, on va voir combien de temps ils peuvent tenir sans moi. C’est risqué, si personne ne me réclame je vais vraiment déprimer.

Elle rit. Je souris. Ça va déjà mieux. Elle remonte à une vitesse impressionnante. Greta, ce n’est pas n’importe qui. Je la relève.

  • On va passer à une technique que seul ma lignée maîtrise. C’est comme ça que Victor a fait d’Alice ce qu’elle est. On va voir si tu es réceptive à notre Invisible local. Je n’ai pas vu de piscine. Il en faudrait une assez profonde. On pourrait aller où ?
  • Au Château. J’y ai accès. Elle est couverte. Sans fond. Le Donjon.
  • Le Château de la Reine ?
  • Oui.

Je lui caresse la joue.

  • On va y arriver Greta. Je vais te redonner vie.

L’endroit est magique. Comme secret. Invisible de l’extérieur. Je vais toucher l’eau, je la sens, je la goûte. Je n’en reviens pas.

  • C’est de l’eau pure Greta, comme une eau de jouvence. Ça a l’air vraiment profond, je ne maîtrise pas de genre de profondeur. On va rester en surface.

Je réfléchis à tous ces nouveaux paramètres. On doit vraiment être en contact avec cette eau, elle ne doit pas seulement servir de support.

  • Greta, il faut qu’on soit entièrement nues.

Et nous voilà dans l’eau, froide, sur le dos, tête contre tête, je passe joue contre joue pour lui parler doucement, lui donner des instruction sur sa respiration, fermer les yeux et se laisser porter. Elle répète mes instructions, elle les exécute. Puis, plus rien.

  • Greta ?

Rien. Je me remets à nager autour d’elle, elle a perdu connaissance. Je compte pour mesure le temps. Je la tire vers le bord, il y a des escaliers sur le bord, on y arrive, je la porte, je la sors de là et je vais l’étendre sur nos habits. Je soulève ses paupières et je ne vois pas ses yeux. J’écoute sa poitrine, son cœur bat, elle respire. Pas de panique. Tout va bien. Je la laisse faire son voyage intérieur. Je prends les deux serviettes de bain royales que nous avons apportées. J’en roule une pour la mettre sous sa tête, sous la nuque plutôt, c’est une terrienne. Je vais pour recouvrir son corps avec l’autre et puis je songe à son entre-cuisse. Une terrienne. Je regarde de près. Si je dois la réanimer je dois savoir par où passer. Je cherche tout doucement, je regarde plus bas, c’est pas du tout le même angle que nous effectivement. Pour finir je pose mes deux mains à plat sur son bas ventre et je ferme les yeux, je fais une prière pour me faire pardonner cette intrusion dans son intimité et je recouvre son corps. Je récupère ses mains que je joins sur son ventre. Je les tiens d’une main et je pose l’autre sur son front. Je ferme les yeux et j’inspire. C’est trop long. J’approche mon visage du sien et je murmure :

  • Greta. Reviens.

Je l’embrasse sur la bouche, elle ouvre les yeux. Elle est revenue. Son regard est serein. Apaisé. Je la mets assise. Elle regarde ma poitrine. Elle la touche, elle l’effleure.

  • Tu as déjà du lait.

J’ai entendu parler de ça. Sa fascination pour le lait maternel. Elle me demande par un regard, j’accepte, elle approche sa bouche, elle embrasse mon téton, elle le gobe. Je ferme les yeux. Ç’est douloureux. Puis ça devient doux. Ça marche. J’allaite Greta. Puis elle arrête, elle remonte vers mon visage et pose ses lèvres contre les miennes, elle y dépose un peu de mon lait, je le goûte et elle me rend mon baiser. Sa serviette tombe et on s’allonge, on se mélange, on se roule jusqu’au bord de la piscine, on se regarde et on prend une grande inspiration avant de tomber, on coule, l’eau est de plus en plus froide. Elle se blottit contre moi et commence à battre des jambes pour remonter. Je l’imite et on arrive en surface pour respirer. On est si près que j’inspire son expiration et vive versa. On se respire. On partage nos consciences. Et on ressort, nues, main dans la main. On se sèche, on se regarde, on a même plus besoin de se parler, de mettre des mots sur nos pensées. On rentre vite chez elle, on coure jusqu’à son atelier, elle m’assoit sur un tabouret, enlève mes vêtements et prépare ses couleurs. Ses pinceaux commencent à me caresser la poitrine et le ventre, les bras et le dos pour finir sur mes cuisses.

  • C’est sur toi que renaît mon inspiration.

Et elle signe : B.Ata.

  • Sabine, je te donne mon e. Sans toi je ne l’ai plus. Mon équilibre.
  • Greta, je vais te le redonner, je vais entrer en toi, par ton cœur.

Et on s’embrasse. Et on dégouline l’une sur l’autre. Les dessins sur mon corps s’impriment sur le sien. Nous nous fondons l’une dans l’autre, nous ne faisons plus qu’une.

Spencer nous surprend à courir nues et coloriées à travers le jardin en riant pour aller se réfugier dans la salle d’eau. On en ressort toutes propres et habillées exactement de la même façon.

  • Bonjour, je suis Spencer. Je vois que Greta s’est remise à peindre.
  • Enchantée, Spencer, je suis sa commissaire d’exposition. Elle avait juste besoin d’un peu de … motivation.

Greta me corrige :

  • Et d’inspiration. Sabine tu es ma déesse et tu viens d’accomplir un miracle.

On passe une bonne soirée. Apéro, dîner bien arrosé, on sort même fumer et rire sur la terrasse. Pendant que Spencer part se soulager dans le jardin contre un arbre, Greta se glisse sur moi pour me murmurer à l’oreille :

  • Ce soir tu dors avec nous ?
  • Il faudra d’abord m’hypnotiser et me faire boire un philtre.
  • C’est quand même un Prince, le fils de la Reine, et de Gabriel.
  • Ah oui, quand même. Et puis je suis déjà enceinte alors on peut aller jusqu’au bout.

On se met à rire tellement fort qu’il se retourne. Il sait qu’on parle de lui, et de la suite de la soirée.

  • Sabine, tu sais, il a l’habitude que je ramène des filles, il aime nous regarder et si tu le sens bien, on peut le faire participer.
  • En fait, j’aimerais bien voir la légende, celle de nos mâles à propose des terriennes, ce qu’ils peuvent faire avec vous ce qu’ils ne peuvent pas faire avec nous.
  • D’accord, mais ce n’est que deux ou trois positions dans des secousses bestiales.

Le soir ils m’installent sur un fauteuil devant leur lit, je suis comme au spectacle. Il se met derrière elle, ça rentre, il se couche sur le dos en l’emportant avec elle, puis il passe sur elle, elle se met à genoux, elle se cambre, puis à quatre pattes avec toujours lui derrière. Ensuite ils se déconnectent et il se met sur le dos. Elle le chevauche, elle s’assoit sur lui à la perpendiculaire et elle saute en se se caressant et en gémissant. Je suis dépitée, qu’est ce que je peux faire après ça ? Elle me tend la main, je garde ma nuisette et je m’assois sur lui, en face d’elle. Je lèche la sueur de son visage. Elle s’accroche à mes seins qui suintent. Je sens les mains de son Prince sur mes fesses, puis ses doigts entre mes fesses ? Tout se calme, tout n’est que caresses humides. On finit pas descendre sur lui pour s’embrasser autour des bijoux de la Couronne. Leur semence royale nous explose au visage et je nettoie les joues de Greta avec ma langue, je goûte et j’absorbe la gelée royale, j’en badigeonne le bout de mes seins et Greta vient boire son cocktail de fluides de vie pendant je masse ses fesses et que je la malaxe en son séant en attendant que Spencer soit à nouveau prêt, je le regarde avec envie, son désir remonte et j’abandonne Greta à son extase et l’enlève ma nuisette pour me livrer couchée les bras en croix et les jambes écartées en attendant la saillie princière qui entre en moi tout en douceur et se cale tendrement au fond de mes entrailles qui s’agitent de plaisir. Il approche son visage et je mets mon index sur sa bouche en lui murmurant :

  • Spencer, ne m’embrasse pas. Je ne suis pas prête pour ça. Par respect pour Greta, entre autres. Mais tu peux te noyer dans ton plaisir en moi, et y rester, et t’endormir.

Dès qu’il râle et qu’il soupire, j’arrive à repasser sur lui et à l’étendre à côté de Greta à moitié dans le coma. Je glisse ma main sous les siennes sur son ventre et après quelques caresses j’enfonce doucement mon doigt. On est connectés tous les trois et je m’endors pour partir les rejoindre dans leur rêve.

Petit-déjeuner en terrasse, on a même pas pris la peine de se laver et de s’habiller correctement. Greta est pressée :

  • Je me dépêche, je dois aller à l’atelier faire une toile en respirant vos odeurs encore sur moi.

Elle nous laisse. On se regarde. Il me demande :

  • Cette nuit, avec moi, tu n’as pas jouis.
  • Non Spencer. On ne peut plus quand on est enceinte à un stade avancé. C’est pour protéger les bébés. Notre orgasme est trop violent pour eux.
  • Tu es… enceinte ?
  • Pas de toi, de mon homme, R1. C’est aussi par respect pour mes bébés que je n’ai pas voulu t’embrasser. Pour moi le baiser ce n’est pas juste un bisou, c’est bien plus que ça.
  • Mais tu as embrassé Greta.
  • Oui mais avec les filles c’est pas pareil, c’est naturel, même avec une terrienne.
  • Ça alors… et moi qui pensait tout savoir, avoir tout vu, tout vécu. Sabine tu es vraiment une belle surprise. On a pas fait grand-chose mais tu as tellement fait à Greta. Comment c’est possible ? Tu es plus puissante qu’elle ? C’est ta lignée ? Par Izzy ?
  • Je ne sais pas. Je sens juste qu’on peut s’apporter beaucoup, que votre venue est providentielle pour nous aussi. Je me sens complémentaire avec Greta. Elle aussi, elle a commencé à nous habiller pareil, à nous coiffer pareil. Je ne suis pas son double, on est pas des S, mais on fusionne quand même.

Il me tend sa main. Je la prends.

  • C’est une bonne chose Sabine, merci, de tout mon cœur merci.
  • Tu l’aimes tellement, c’est dingue. Même avec son passé avec ton père.
  • Elle ne lui appartenait pas comme elle ne m’appartient pas non plus. C’est nous qui sommes à elle.
  • C’est clair. C’est limpide.

Du coup, j’ai envie de l’embrasser. Je me lève, je mets mes bras autour de son cou et je lui fais un gros smack sur la joue en rigolant. Sa main traîne entre mes cuisses. Je regarde vers l’atelier. Je le regarde. Je lui prends la main et je l’entraîne à l’intérieur, je m’étends sur le premier canapé venu et je lui plonge son visage entre mes cuisses.

  • Spencer, on a deux façons de jouir, celle que je ne peux plus et celle en surface. Fais-moi vibrer.

Et je vibre, tellement. J’en gémis, j’en cris. J’en transpire et j’en frissonne. À la fin, toute essoufflée, j’ouvre les yeux et il est là à me regarder, il l’air tout chose aussi. Je lui fais oui et il m’embrasse. Je me goûte en lui. Je le serre fort dans mes bras et je lui dis :

  • Maintenant tu fais partie de moi, pour toujours et à jamais, mon Roi.

On va chercher Greta pour le déjeuner. Elle est toute sale. On l’amène à la douche et on se lave tous les trois ensemble avant de s’habiller, de se coiffer et de préparer le repas en buvant l’apéritif. Ma famille me croit en mission mais je me sens en vacances ici. Je suis passé d’une famille à une autre.

  • Greta, Spencer, je vais rentrer chez moi et jamais je n’oublierai votre accueil. J’ai passé des moments magiques avec vous et je vous en remercie de tout mon cœur.
  • Sabine, j’aurais besoin de toi régulièrement pour les expositions. Il y en a au moins trois à organiser déjà. Si Spencer est d’accord je souhaiterais te voir quelques jours tous les mois. Spencer ?
  • J’en serais ravi également, Sabine je t’apprécie beaucoup et nos moments ont été intenses et précieux. Notre maison sera toujours ouverte, bienvenue dans la Couronne.

D’une famille à l’autre, d’un bonheur à l’autre, j’en suis vraiment heureuse.

  • Greta, Spencer, merci, je vous aime. Vraiment. Je suis tellement heureuse de vous connaître. Je sens qu’on va vivre des choses extraordinaires ensemble.
  • Sabine, tu es merveilleuse, tu m’a redonnée vie et espoir, j’étais usée, au bout et tu débarques avec ta magie et une force de vie et d’envie me traverse à nouveau. Tu n’es pas que commissaire d’exposition, tu es bien plus. Tu débloques les artistes depuis que tu es élève à l’école des arts. Ta réputation, ta légende est vraie. Mais tu es tellement jeune que personne n’y croit vraiment. Tu n’es pas prise au sérieux. Tant mieux, ton don est précieux, tu as bien fait d’être discrète.
  • En fait je n’ai jamais prêté attention à tout ça. Ça me paraît tellement naturel. Mais c’est vrai que j’ai sérieusement travaillé sur mes compétences, en toute discrétion bien-sûr, comme la plupart des artistes, ils créent en solitaire, presque secrètement, j’ai juste suivi leur voie.
  • Sabine, le fait que Sœur Nathalie du Vatican 3 soit ta belle-mère n’est sûrement pas une coïncidence. C’est peut-être elle qui a développé tes dons. Tu devrais en parler avec elle.

*

Une fois rentrée à la maison je m’absente vite pour aller à la Maison Bleue.

  • Alors ça a marché, sur Greta. Tu as vraiment un très grand potentiel Sabine.
  • Nat, je ne me suis rendue compte de rien. Depuis combien de temps tu me suis ?
  • Depuis que tu m’as volé R1. Greta est très bien placée pour deviner et sentir ces choses. Elle a été suivie aussi. Dès sa naissance.
  • Je suis la nouvelle Greta ?
  • Tu es autre chose, tu es toi, à toi de voir, à toi de croire, personne ne t’a montré la voie ou une voie en particulier. Tu suis juste ta propre voie toute seule. Tu guides. Et tu es libre. De continuer ou d’arrêter.
  • Je suis jeune Nat. Je veux prendre le temps. Et j’ai mes bébés à faire grandir.
  • Tu as raison Sabine, tu as l’éternité devant toi. Tu as des vies à vivre, tu vas en profiter et tes dons aussi. Ton bonheur, c’est ta force. Et je ferai tout pour que tu sois heureuse.
  • Merci Nat.
  • Non, merci à toi, on a vraiment de la chance de t’avoir.

Et je peux rentrer dans ma famille en paix, embrasser mon R1 et envisager Graham. Parce que je suis libre. Comme dans la chanson de Victoria.

*

C’est ce que je raconte à mon frère Boris à qui je peux tout dire parce qu’il ne me juge pas. On est plus frère et sœur que quiconque ici. Nous ne sommes pas nés en même temps ni du même ventre mais on a les mêmes parents. Izzy voulait un garçon, lui, Brigitte voulait une fille, moi. On considère que ceux nés du même ventre en même temps ne sont pas frères et sœurs comme nous, ils sont juste deux versions de la même personne, ça explique peut-être leur intime promiscuité.

  • Alors Boris, tu ne trouves pas que mes relations sont un peu justes ?
  • Je trouve surtout que tu as de la chance d’avoir accès à tant d’amour. Et tes pouvoirs vont maintenant au-delà de l’initiation de Nathalie. Tu es une jeune femme accomplie dans le A, le S et le I.
  • Et bientôt mère, mais une mère classique, comme tout le monde de notre génération, un garçon et une fille, je les sens déjà en moi.
  • Ils seront encore uniques, les seuls sans grands-pères.
  • Et toi tu en es où ? Ils ont déjà des cousins ou bien ?
  • J’ai trouvé la bonne personne pour leur en faire et justement, je voulais t’annoncer…
  • Tu pars. Tu pars ?
  • Sur l’île B.
  • D’accord. C’est bien Boris. Je suis heureuse pour toi. Suis ton Amour, elle a bien de la chance de t’avoir.
  • Merci. Mais on a le temps. Le départ n’est pas pour demain. Elle voudrait te rencontrer. Elle veut ton approbation.
  • Boris, je ne suis que ta petite sœur, tu es libre, elle est libre.
  • Elle veut l’accord de toute la famille, même Bri. Mais sans pression, ce n’est qu’un projet. On va faire notre vie d’abord ici, on ne va pas y aller trop tôt.
  • Tout ça me paraît censé. j’ai hâte de la rencontrer.

Je l’embrasse, je lui prends la main et je lui souris car je sens bien que le bonheur les attends.

  • Izzy l’adore. Elle l’a découverte au bal de printemps à Russell quand elle a dansé avec moi. Ça l’a beaucoup impressionné. Elle a tout de suite vu et senti la force de notre relation.
  • J’imagine, c’était une sorte de tango je suppose ?
  • Oui, en version hot.

C’est son langage à lui, il sait tout dire à travers la danse.

*

Nathalie veut savoir où j’en suis. Nous voilà au bord de sa piscine à la Maison Bleue. Elle me prend les mains et on plonge, on se laisse couler au fond. Elle me mets ses mains sur le visage et ensuite elle colle son front contre le mien, comme pour écouter mon esprit. Je me laisse aller. Elle me prend à nouveau les mains pour me remonter à la surface où elle nage autour de moi en me regardant de manière pensive. On ressort et on s’assoit sur le bord pour discuter :

  • Ce n’est plus de mon ressort. Désormais, si tu as un souci avec l’Invisible, il faut aller voir Marwah. Je vais la prévenir. Mais je te sens assez forte pour gérer.

*

Depuis Greta je me sens changée, plus sage, je laisse Graham tranquille, je m’occupe du père de mes enfants et mon frère va nous présenter sa nouvelle vie à venir :

  • Maman, les voilà !

Boris arrive avec une belle rouquine aux longs cheveux bouclés. Pendant les présentations formelles, je sens sa douceur, son parfum, elle est une belle personne. Je croise enfin son regard, les beaux yeux verts de Juliane et je souris. Je me rappelle d’elle à l’école. La sœur de Julian. Sa mère enseigne la musique et son père le dessin. Une gentille famille d’artistes.

  • Je me rappelle de toi aussi, on était toutes curieuses de ton originalité. Alors quand on a vu ton frère débarquer dans le concours, on s’est toutes intéressées à lui.

Juliane faisait partie du groupe de gymnastique acrobatique d’animation des compétitions sportives de groupe.

  • Et c’est toi qui a réussi à l’avoir ?
  • Non. C’est lui qui m’a choisie.
  • Je n’aurais pas fait un meilleur choix.

Elle me regarde droit dans les yeux et elle sourit. Elle n’est donc pas si timide que ça. Elle a l’air sûre d’elle. Elle n’était pas la plus belle et la plus populaire de son groupe mais sans doute la plus bienveillante, la plus intelligente et elle a l’air tendre et douce. On devient vite amies. Je pense qu’elle sait tout de moi car elle a l’air très proche et très complice avec Boris. Elle n’est pas seulement sa partenaire de danse ou de lit. Elle est déjà sa femme. Alors qu’on est en train de discuter à l’écart en marchant dans le jardin, je m’arrête net, je lui prends la main et je la mets sur mon ventre. Elle écarquille les yeux :

  • Je les sens bouger !

Elle me regarde avec reconnaissance, je viens de lui faire entrevoir un autre monde. Je vois son monde à elle aussi et je le commente :

  • C’est bien de vouloir s’épanouir ailleurs, loin des influences des anciens ici, même si vous emporter leur technique et leur science, vous en ferez autre chose, vous allez offrir un nouveau monde à vos enfants qui viendront visiter notre ancien monde comme une curiosité. Juliane, tu peux t’oublier dans de nouveaux paradigmes mais n’oublie pas de rester libre.
  • Ce n’est qu’un projet, on ne sait pas comment ça va tourner. On a le temps de voir venir, de se préparer. On n’est pas encore radicalisé au point de partir définitivement. Pour la première vague, il y a un esprit dans lequel on ne se reconnaît pas. Et on sent bien que si on ne suit pas les éléments de langage et la voie du parti, on est pris pour des dissidents.

Je lui prends les deux mains et je ferme le yeux. Je la mémorise. Quand j’aurai le niveau et les compétences pour la méditation transcendantale, je saurai la retrouver dans l’Invisible pour savoir si elle va bien.

  • Je vais me connecter à toi, en cas de problème je le saurai, en dehors de toute technologie. Pour ça il y a un protocole à suivre, petit à petit. La prochaine étape est un tout petit peu plus invasive. D’accord ?
  • Oui, d’accord, merci Sabine.

Elle est rassurée, moi aussi.

Pendant que mon homme m’entreprend, je pense à Boris et à Juliane, ils sont sans doute en train de faire de même de leur côté, je ressens une vague, j’arrête R1 en lui poussant les épaules puis je me rappelle que l’extase reprend quand les bébés sont assez fort pour y résister. Je fais un rapide calcul et le nombre de semaines semble être bon. Mais je ne veux pas prendre le risque.

  • R1, je suis désolée, on doit arrêter là, pour les bébés, je dois consulter avant de recommencer à te laisser m’aimer jusqu’au bout.

Je me retourne avant de lui dire :

  • Fais-toi plaisir mon Amour, entre mes fesses.

Je m’accroche à l’oreiller, je me cambre et je serre les dents. Il fait vite. Et je me retourne pour le prendre dans mes bras.

  • Je t’aime mon R1, mon homme, le père de mes enfants, pour toujours et à jamais.

Et je le vois dans l’Invisible avec ma mère, leurs mains se sont frôlées pendant leur entrevue intime, il a osé poser sa main sur la sienne, elle ne l’a pas retirée, au contraire, elle à mis ses doigts dans les siens, puis l’autre main et à la fin, en off air, elle l’a laissé la parcourir, elle a succombé à ses respectueuses caresses, il est entré en elle et ils sont allés jusqu’au bout, les yeux dans les yeux, en se respirant sans même s’embrasser, comme pour laisser une distance entre eux, celle que j’occupe.

Juliane m’invite chez elle. Boris n’est pas là. Dans tous les détails de ses affaires, je sens son parcours. Elle porte une robe ample et légère, elle se détache les cheveux avant de servir le thé :

  • C’est vraiment du thé ?

Elle me regarde en coin avec un petit sourire.

  • Pas que.

Dès qu’elle repose la théière je mets mes mains sur ses joues et je l’embrasse sur la bouche. De l’électricité nous traverse. Elle ferme les yeux, elle se détend, elle est en confiance. Je lui prends les mains et je les pose sur mes seins avant de lui murmurer :

  • On va boire le thé avec un peu de mon lait, presse les doucement, on va en mettre quelques gouttes dans les tasses. Tu seras la première à y goûter.

J’ouvre mon chemisier et je place les tasses une à une sous mes seins, ça sort facilement juste avec une petite pression, ensuite on boit doucement en se regardant droit dans les yeux. Quand on repose les tasses elle se jette sur moi pour m’embrasser langoureusement en enlevant sa robe, elle frotte ses seins sur les miens, je mets ma main entre ses cuisses et j’y aventure un doigt, elle fait de même, on est connectées. À travers elle, j’aurai toujours un œil sur mon frère.

Je dois me rendre au Hill Café sur la colline de la Maison Bleue. La maire de Laguna City m’a donné rendez-vous pour parler en terrain neutre. Elle n’est pas de ma génération, elle est un peu plus vieille et je ne la connais pas personnellement. Qu’est ce qu’elle me veut ? Quand j’arrive au bar, elle est avec un grand blond qu’elle embrasse sur la bouche pour lui dire au revoir. Elle me reçoit chaleureusement et m’installe en face d’elle, un cocktail LC arrive devant moi et elle commence :

  • Merci d’être venue, Sabine. Pour nous tu es une légende tu sais ?
  • Non. Nous ?
  • La génération FSMV, frère et sœur du même ventre. Toi tu es unique de part tes parents et avec ton frère aussi. Mais le pire c’est ton intervention sur Greta. Et je suis sûre qu’on est loin de connaître le plus important sur toi. Regarde moi. Même moi avec mon ascendance et ma lignée j’ai rien fait du tout à part obtenir mon poste grâce à eux. Toi tu débarques et tu mets d’accord tout le monde. Bref, on te veut dans notre équipe. Parce que dans les jeunes qui restent ça risque d’être conflictuel. Et on ne te veut pas contre nous. Notre génération prépare son départ vers une autre civilisation, nous on s’attend à tout sauf à la paix ici, alors on prend les devants. Gouverner, c’est prévoir. Quand penses-tu ?
  • Je ne sais pas. Je n’en pense rien. Je suis jeune, je fonctionne à l’instinct, pas à la connaissance ou à la compétence. Et je ne te connais pas. Je ne sais pas qui tu es vraiment.
  • OK, alors chacune une question sur l’autre. Tu commences.
  • C’était qui le gars que tu as embrassé ?
  • Mon cousin, le fils de Victoria, on est… assez proches. Mais c’est un partant lui aussi. Dommage. Tant pis. Il faut accepter les choix de ses proches. On ne peut diriger que les autres.
  • OK, à toi.
  • Dis-moi quelque chose que mes services de renseignements ignorent.

Je réfléchis. Il faut que ce soit important et primordial pour leur clan. Je m’approche d’elle. Et je rétorque :

  • Je ne sais pas si tu es habilité à ce que je te raconte quoi que ce soit. Je peux le savoir si tu me donnes tes mains.

Elle recule. Pour elle j’ai répondu à sa question. Même à plusieurs. Que j’ai un pouvoir, que je ne suis pas de leur clan et que j’ai des informations qui peuvent les intéresser. Elle se sent vaincue. Elle soupire. Elle abdique. Elle me tend ses mains :

  • Non, à toi, une autre question.
  • Non Sabine, c’est de la connerie mon jeu.

Elle me prend les mains. Je les retire.

  • Ça suffit Carla. Ton protocole pour prévoir la paix ça ne va que te créer des ennemis, à commencer par moi. C’est ça que toute notre génération fuit. La mauvaise politique. Si tu veux mon estime, il faut démissionner et faire vraiment quelque chose de ta vie. Pas besoin de te toucher pour savoir ça. Toutes les bonnes réponse sur l’avenir, sur ton destin sont là devant toi et tu ne les vois pas. À commencer par Paulo. Tu l’aimes et tu va le laisser partir au lieu de le suivre dans le bonheur ? Réveille toi. Arrête d’être la fille de Victor et d’Alice. Soit toi même. Tu cherches les bonnes réponses ? Elles sont toutes en toi, pas en moi.

Je me lève et je pars. Carla ne sera jamais plus la même à partir d’aujourd’hui. Ou alors elle ne sera jamais rien. On va voir si elle existe ou si elle est vraiment vivante. Mais son jeu ne sera jamais le mien. Et ceux qui restent de lui appartiennent pas. Si elle veut la guerre, elle l’a déjà perdue. Si elle veut la paix, elle doit d’abord faire la sienne.

À ma visite mensuelle en Principauté, c’est la première chose dont me parle Greta :

  • Dis donc, je l’ai croisée à sa Party, tu l’as secouée. Elle prépare discrètement son départ.
  • Tant mieux, l’île s’en portera mieux. Et elle aussi. À nous deux on aura essayé, de sauver leur fratrie.

Comme Spencer est au château, on en profite pour faire un petit câlin. Une fois nos pulsions assouvies, on se retrouve nues au fond de la piscine pour une séance de méditation en apnée. On remonte et on s’appuie sur le rebord pour discuter.

  • Sabine, tu m’as sauvée et tu l’as sauvée elle aussi. Il faut aller la voir. Faire la paix. Et j’aimerais te voir plus souvent aussi. Je me sens plus proche de toi que de ma fille.
  • Il faut venir à l’Ouest alors. Je vais être occupée avec les bébés.
  • On peut se voir à la Maison Bleue, Spencer aime bien revoir son père.
  • Et R1 aime bien revoir sa mère, ça tombe bien. Greta, on était faites pour tomber l’une sur l’autre. Je me sens plus proche de toi que de ma mère.

En famille donc, à la Maison Bleue. Mais Nat a une autre invitée. Carla. On nous laisse seules. Je vois bien que son regard a changé. Elle me tend ses mains. Je les prends, enfin. Elle n’est plus la même. Elle passe la main, elle se libère de ses fonctions petit à petit, elle se désengage progressivement et elle commence quelque chose avec son Paulo.

  • On a choisi notre île. Sauvage et belle. Primaire. Rustique. Pour une vie simple, lui et moi. Pour échapper à tout ça.
  • Pour te retrouver Carla, parce que tu es perdue. Lui aussi. Ensemble vous pouvez y arriver, à être vous-même.

On se serre les mains, on met nos front l’un contre l’autre, on ferme les yeux et on fait la paix. Je sens son parfum, sa respiration, les battements de son cœur et la caresse de ses lèvres sur les miennes. J’ouvre la bouche pour faire glisser ma langue sur la sienne. On échange nos fluides.

Il faut que je vois Marwah. Je le sens. Je lui fais signe à la Messe où elle officie à l’orgue. Elle comprend tout de suite. Au cocktail je la retrouve avec Sœur Nathalie. On se prend les mains toutes les trois pendant quelques secondes. Marwah ferme les yeux et quand elle les ouvre elle a l’air inquiète. Je les écoute débriefer sur mon cas :

  • Nat, tu as mis la dose.
  • C’est une locale, je n’avais pas vraiment d’unité de mesure.
  • Elle est devenue plus puissante que Noëlle.
  • Sauf qu’elle maîtrise, et elle est contrôlable.
  • Oui, on a eu quelques soucis avec Noëlle, heureusement, elle a perdu ses pouvoirs en arrivant ici. Sabine, il en faut beaucoup pour impressionner Greta, je comprends pourquoi elle t’apprécie beaucoup.
  • Elle n’est pas la seule, il y en a une autre et je crains que la liste s’allonge. Marwah, je vais devenir une espèce de gourou ?
  • J’aimerais bien, ça me fera des vacances. Félicitation Sabine, tu es la GL1, la gourou locale numéro 1.
  • Une GL1 pour notre R1.
  • Je préfère Sabine. Dès que j’ai rencontré R1 ma mère n’a pas cessée de penser à son premier homme, Erwan Graham. Elle l’a retrouvé depuis.
  • Ce sont des signes. Et comme par hasard tu es impliquée. Très impliquée. Avec les deux.
  • Je gère. Enfin je crois. Au fait, je n’ai plus de secrets pour vous désormais ?
  • Je t’apprendrai à masquer ta vie privée aux gens comme nous, aux médium. Non, en fait je crois que tu sais déjà le faire car je commence à oublier ce que j’ai vu. Impressionnant. Je suis sûre que tu sais aussi bouger des objets par la pensée. Allons chercher une coupe.

On se met un peu à l’écart et Marwah présente une coupe remplie entre nous trois. Elle la lâche et elle reste en l’air. Mais l’exercice n’a pas commencé.

  • Le but du jeu est de faire monter le liquide au dessus du verre, sans qu’il ne se renverse, en gardant la forme de son contenant.

Elle m’en fait la démonstration.

  • Tu crois que tu pourrais faire ça ? Il suffit de se concentrer sur le liquide, en prendre le contrôle.

Je prends le verre, je le remonte pour récupérer le liquide et je l’approche de ma bouche pour le goûter :

  • Je vais essayer. Dès que j’y arrive, je vous le ferai savoir.

Elles se regardent, elles ont l’air de se féliciter, elles ont l’air de bien m’aimer, parce que je n’en fais pas trop, que je reste discrète.

  • Ce soir ? À la Maison Bleue ?

Le rendez-vous est pris. Je vais leur en mettre plein la vue.

  • Est-ce Greta pourra être avec nous ?

À la Maison Bleue, on est là dehors à écouter Greta nous parler lorsque qu’elle s’arrête net pour regarder au loin quelque chose en levant progressivement les yeux en l’air. Nat et Marwah se retournent pour voir le volume entier de la piscine s’élever encore. Moi je continue de regarder Greta qui finit par me regarder aussi, elle a compris que ça venait de moi. Je lui fais un clin d’oeil et elle regarde à nouveau en l’air le volume de la piscine pivoter doucement dans tous les sens et dans tous les axes sans faire tomber une goutte. Mais ce n’est pas fini. Tout d’un coup, tout disparaît. Je me retourne alors vers Nat :

  • Ne t’inquiète pas, l’eau est revenue dans ta piscine. Mais si un jour elle disparaît à nouveau, c’est que j’en ai eu besoin quelque part.

Marwah nous regarde, dépitée. Elle ne sait pas faire pivoter de l’eau, même une petite coupe, et la téléporter encore moins.

  • Sabine ? On va peut-être s’arrêter là au niveau des exercices.

Elles sont impressionnées mais tout ça ne sert pas à grand-chose. Pour moi le plus important ce sont les fortes interactions intimes que j’ai avec mon entourage, et Greta, et Carla. Tout le reste à côté, c’est une farce.

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