Carla
J’ai l’impression de me réveiller après avoir dormi toute ma vie. J’étais sous emprise, sous l’emprise de ma lignée et de mon destin. J’ai tout fait bien. Les bonnes écoles, les bonnes formations et les bon stages à Laguna Beach puis à Laguna City où j’ai gravis les échelons à la Mairie pour arriver au sommet. J’ai échappé aux expériences de mon grand-père contrairement à Adrien mais je n’avais pas ma pleine conscience jusqu’à ce que je croise Sabine. Elle a dû me secouer avant de me rendre la liberté d’esprit. Maintenant j’ai le choix. Continuer ou arrêter, faire autre chose ou non, suivre mon instinct et mes envies. Celles qui me poussent vers un cousin, Paulo, le fils de Zoé, le petit-fils de Philippe, le frère de mon grand-père. Je ressens l’intensité de Paulo et il ressens la mienne. Une intensité de vie. On ne sait pas vraiment ce que c’est. On a décidé de partir ensemble sur la partie la plus sauvage de l’île B pour le découvrir. Il nous reste quelques années pour nous préparer. En attendant, après l’Amour, étendue nue sur son corps j’écoute son cœur et mes mains dans les siennes au bout de nos bras en croix je lui murmure :
- On s’aimera toujours dans l’éternité parce qu’on ne peut pas faire autrement, que ce soit en amants ou en cousins, les liens du sang et de l’Amour, notre Amour, mon Amour, je t’aime Paulo.
Il n’a pas besoin de répondre parce que je sens qu’il m’aime plus encore. Mes mots sont juste là pour le rassurer, sa mère Zoé peut tout arrêter, nous arrêter mais elle a bien compris que ce ne serait pas pour son bien alors elle laisse faire en espérant que notre relation s’arrête toute seule. Ma mère Alice est sûrement au courant aussi mais elle ne m’en a jamais parlé. C’est à moi de lui dire. Je sens que j’en ai la force, que Sabine m’a donné ce pouvoir.
*
- Maman…
- Je sais, Carla. Ne t’inquiète pas. Tout va bien. Vis ta vie. Comme Adrien avec Béatrice. À vous de jouer les enfants.
Je la préfère comme ça, avec un peu d’Aline en elle, un peu beaucoup.
*
Et Sabine qui me serre dans ses bras, qui m’embrasse dans le cou, qui fait courir ses doigts le long de mon dos, elle m’électrise.
- Je vois que vous êtes passés au travaux pratiques avec Paulo. Tu sais, toi et moi aussi on est de la même famille. Ma mère et ton frère, ils ne sont plus ensemble mais ils ont eu des enfants, ils ont fondé notre famille. Ils vont partir eux aussi. Il faudra veiller sur eux, juste être là, ils vont avoir besoin de toi. Vois les comme ta famille, notre famille.
À Chaque fois elle a des choses importantes à me dire et à chaque fois elle conclue en moi, elle m’amène à l’absolu du plaisir, elle me fait vibrer de bonheur.
- Sabine, j’aimerais en faire autant pour toi.
- Carla, ta jouissance est ma jouissance, je la ressens comme si elle était mienne, elle est meilleure encore, plus pure, plus puissante. Je vais t’apprendre à transmettre l’Amour, à le ressentir aussi. On a de longues années d’apprentissage à réaliser avant de se laisser. Et tu seras toujours en moi comme je serai toujours en toi.
*
Je me fais belle, ce soir je dois être à la Mairie pour ma Carla Party. Et j’y vais avec Paulo bien-sûr. Une première. Je sens que ça va bien se passer. Greta nous fait l’honneur de sa présence pour y remettre un prix. Elle amène son Spencer aussi. Au début Paulo est nerveux puis il se détend, il trouve la situation plaisante et naturelle quand je m’appuie à son bras. On ne fait que s’afficher ensemble et personne ne nous juge. J’aperçois Greta qui discute avec sa fille Isa Love et Yaël. Je lâche Paulo pour aller la voir. Elle les laisse aussi pour me rejoindre. Elle me regarde avec douceur et bienveillance :
- Bonsoir Carla, tu es resplendissante.
Elle me tend sa main, je la saisis. Et elle m’entraîne à l’écart en continuant de me parler :
- Je suis l’autre patiente de Sabine. Elle ne traite que les filles. Elle nous connecte ensemble, elle fait son réseau. Tu as ta place parmi nous Carla.
Greta répond aux questions que je ne lui pose même pas.
- J’ai un peu d’avance.
- Pourquoi moi ? Je ne suis personne par rapport à toi. Et je vais partir.
- On n’est pas esclave de l’avenir. L’important c’est le présent. Elle ne nous a pas choisies pour notre importance. Elle nous a choisies parce qu’on avait besoin d’être sauvées.
Je regarde à gauche et à droite, je la cherche.
- Tu la sens. Elle arrive.
En famille, avec son R1, sa mère Bri et Graham. Elle ne nous voit pas mais elle sait qu’on est là aussi, ensemble, à discuter, d’elle. Elle est très proche de son homme, elle ne le montre pas, ses gestes sont discrets, elle ne voit que lui, elle a l’air, ils ont l’air très amoureux. Elle serait prête à tout pour lui et lui pour elle. On se regarde avec Greta, on pense la même chose. Spencer vient nous interrompre en posant quelques questions sur le protocole de la cérémonie. Je lui réponds en surface mais au fond je suis toujours avec Greta, comme une musique douce et grave, comme dans du coton, avec plein de jolies sensations. Greta me lâche la main mais je les emporte avec moi pour aller retrouver Paulo qui a l’air d’être interrogé et mis en garde par Alice qui change de ton dès que j’arrive.
- Maman, laisse le tranquille. Va plutôt surveiller papa, il est en embuscade avec les sœurs Caldwell.
Elle repart comme si une alarme avait sonné dans sa tête. Dès qu’elle a le dos tourné, le mets ma main sur la joue de mon Paolo et je lui fais un discret bisou sur la bouche.
- Ça va mon Paulo ?
Et je croise le regard de Zoé. Elle n’est plus en colère. Elle accepte. Elle voit mon Amour pour lui.
On remet les prix aux récipiendaires, on applaudit, je vais les féliciter un par un et je retourne vers Paulo pour lui dire :
- J’ai quelque chose à te montrer, dans mon bureau.
On s’éclipse et on coure en riant dans les escaliers. J’ouvre doucement la porte et je vérifie qu’il n’y a personne. Je lui indique de passer à droite de mon bureau et moi je vais à gauche. Je me mets face à lui et je remonte doucement ma jupe :
- Je n’ai pas de culotte.
Il s’approche doucement de moi. Je sens son désir monter. Il se colle à moi, je recule avec lui contre le mur où le drapeau de la ville est accroché. On se mélange dans ses couleurs. Je ne le regarderai plus de la même façon quand il sera mis en valeur lors des cérémonies officielles.
On ose retourner à la réception sous le regard outré de ceux qui savent ou qui devinent. Je capte Greta qui est toujours là. Je commence à lire en elle. Elle a été très proche de Zoé sur Terre. Il y a eu quelque chose. Je m’approche de Greta, j’ai les joues encore rouges et je suis essoufflée. Je lui demande :
- Tu as eu une fille avec Heidi ?
Elle me regarde avec étonnement et me répond :
- Il y a longtemps, oui. Comme avec d’autres. C’est une autre histoire. Elles vivent loin de tout ça. Tu ne l’as pas appris par moi Carla. Tu le sais par Paulo. Zoé lui a raconté.
Je me prends la tête. Ça commence à faire beaucoup d’informations à intégrer. Greta me touche et dissipe mon malaise. J’ai sommeil. Paulo me soutient pour aller jusqu’à la navette. On rentre chez nous. Sur le trajet je m’endors dans ses bras. Il me porte jusqu’à notre lit. Il me déshabille et s’installe nu à côté de moi. On va bien dormir et bien se réveiller, ensemble.
Je dois revoir Marwah pour lui parler de mon Invisible. Je la retrouve au Monastère derrière la Cathédrale, elle y a ses quartiers, occultes.
- Toi aussi tu as des clients, beaucoup ? Tu les reçois ici. Marwah, j’ai des visions sur l’avenir, mon avenir. Comment je dois gérer ça ?
- Si ça devient trop puissant, il faut faire de la méditation de pleine conscience pour se rattacher au présent. Sinon plus la vision est loin dans le temps, plus elle peut changer, évoluer ou disparaître. Ce sont les visions à court terme qui se révèlent les plus justes. Pour le reste, c’est juste une infinité de possibilités à venir. Pour l’instant, tu vois quoi ?
- Moi, nous, Paulo et moi installés dans une partie sauvage de l’île B, en bord de mer. Un couple d’amis vient régulièrement nous voir. On est très proches. Très très proches. On fait un pacte, pour nos enfants. Et on est très heureux. Une vie simple, remplies de sensations naturelles, libre de tout projet compliqué, sans échéance, dans l’infini du temps qui passe. C’est enivrant. Il y a cet avenir, on vit dans le présent et on se rappelle du passé. On est éternels.
- On peut aussi se croiser dans nos souvenirs, comme on se croise aussi maintenant dans le présent, et dans l’avenir aussi, même si on ne voit pas les mêmes choses dans les trois. Chacun de tes actes est déterminant. Tu gardes ton libre arbitre. Et tu peux changer ton avenir.
Je ressort de sa pièce comme d’un confessionnal et une autre cliente attend. Noëlle. Je lui demande :
- Tu voyais l’avenir aussi ? Il s’est réalisé ?
- Oui, je voyais une grande libération de mon esprit.
- Et pourquoi tu viens voir Marwah ?
- Parce que je retrouve un peu de mes pouvoirs. Et je ne veux pas qu’ils me dépassent à nouveau.
Elle me prend la main :
- Toi tu es forte Carla. Tu vas les maîtriser.
- D’où me vient ma force ?
- De ton père Victor, de son voyage dans l’espace loin de tout, tu étais avec lui, tu l’as aidé à revenir. Une force pure, naturelle, cosmique, rien à voir avec celles de ton grand-père, Vivien Virein Volta. Comme il ne pouvait rien contre son Victor, il est intervenu sur Adrien, ça a mal tourné. Il s’est rabattu sur ton Paulo. Il s’en est sorti, presque indemne. Et tu le sauves. Tu es sa raison d’être. C’est bien Carla, tu rachètes le mal de tes aïeux, sans te forcer ou t’obliger, en toute sincérité. Tu es le Bien incarné. Et l’aimes vraiment beaucoup ton Paulo. Soyez heureux.
Avant la Messe j’amène mon Paulo voir la chapelle de Victoria pour lui montrer la statut de Greta. On entre lui faire face et je l’embrasse la statut sur la bouche. Il m’imite. Je lui souris. Il m’embrasse ensuite.
- Je t’aime mon Paulo.
Après la Messe, au cocktail, Paulo part me chercher une boisson sous la tente blanche. Il y croise Greta. Elle lui parle mais il ne répond pas. Elle recule, elle réalise, elle me regarde. Je lui fais un signe approbateur pour lui confirmer. Elle pose son verre et lui fait des signes discrètement avec ses mains et elle pointe son visage et sa poitrine. Il lui répond avec quelques signes, tout en douceur, respectueusement, avant de prendre deux verres. Il se retourne pour venir vers moi. Il s’arrête et se retourne vers Greta. Il l’invite à nous rejoindre.
- Ça alors, Carla, tu as réussi à nous cacher ça. Moi aussi je ne parlais plus pendant une période de ma jeunesse. Paulo, je sais, je peux réparer ça, si tu veux, quand tu veux. Là où ta médecine a échoué nous pouvons intervenir.
Paulo signe « Mais pour dire quoi ? ». Il a raison. On parle tous pour ne rien dire. Greta répond, en langage des signes : « Par exemple : je t’aime Carla. »
- Il n’a pas besoin de me le dire pour que je le sache, que je le ressente. Ni même besoin de me le prouver. J’ai l’impression que notre amour nous dépasse, qu’on en est plus victime qu’acteur, qu’on s’y soumet, qu’on s’y abandonne.
- C’est beau d’en avoir conscience, vous êtes vraiment à la hauteur. Mais Paulo, je voudrais voir ce que je peux faire, tout de même. Est-ce que je peux te prendre la main ? D’abord celle de Carla, ensuite la tienne. D’accord ?
On accepte. Au bout d’une seconde à peine, elle reprend ses mains avec un léger décalage avec la mienne, en avance celle de Paulo, en retard. Elle a voulu voir en lui en privé.
- Greta !
- C’était juste au cas où il avait quelques chose à me montrer que tu ne doives pas voir. Paulo, je peux te redonner la voix, tu ne sera pas obligé de parler, tu auras juste le choix. On peut y aller doucement, juste commencer par te rendre tes murmures.
- Comment ?
- Comme avec ma statut. Ni plus, ni moins. En ta présence Carla, physique. Et dans la chapelle de Victoria. On y va ?
On la suit. Elle se place à côté de sa réplique en pierre. Elle me tend sa main gauche. Je l’accepte et je ferme les yeux, pour mieux voir ce qui se passe. Je suis en Greta. Je suis Greta. Je le vois. Il s’approche. Il nous embrasse, elle chavire, elle ferme les yeux et elle plonge en lui en traversant toutes les portes de son esprit pour arriver jusqu’à son âme qu’elle éclaire d’une intense lumière purificatrice. Elle lâche ma main, j’ouvre les yeux, ils sont encore bouche contre bouche. Sa main gauche va sur le visage de Paulo pour le caresser tendrement avant de finir son baiser et d’ouvrir ses yeux. Paulo a comme un choc, hypnotisé, perdu dans le regard bleu profond de Greta, il en perd l’équilibre, je le rattrape. Il se reprend. Il approche sa bouche de mon oreille.
- Je t’aime Carla.
C’est vrai que c’est un plus de l’entendre, de recevoir cette déclaration sonore, ça me rend tellement heureuse, je ris, je pleure et je lui réponds :
- Je t’aime mon Paulo.
Et on lève nos regard en l’air, on tend nos mains vers Greta, on se connecte à elle et on communient ensemble comme une prière à notre déesse bienfaitrice en chair et en os devant sa statut sacrée.
À la mairie le temps est venu :
- Chers adjoints, c’est mon dernier conseil. Je démissionne. I quit. Je propose des élections pour mon successeur, vous trouverez la liste de nos administrés qui peuvent voter et se présenter, vous en faites bien évidemment partie. Ce fut un honneur de servir notre ville à vos côtés, je vous souhaite le meilleur pour la suite, merci, au revoir. Personnellement je me prépare pour aller sur l’île B dans 3 ans. Stage de survie, de survivalisme et de bien être. Après avoir dirigé une civilisation, je relève le défi d’aller en créer une autre. Enfin, si je parviens à obtenir toutes les compétences. À bientôt sans doute, dans l’éternité pour sûr. Non, je ne pars pas avec mon premier adjoint, il prendra la suite jusqu’aux résultats des élections, Franck, bon courage. Moi je pars en famille avec mon cousin Paulo.
Dans mon bureau de fais mes cartons avec Franck :
- Désolée mec, ça va être compliqué. Elina va encore criser. Ce serait peut-être l’occasion aussi pour toi de démissionner et de t’enfuir avec ta maîtresse, ta jolie terrienne, Tinaïg.
- Carla tu vas me manquer. Tu m’as toujours surpris, dans tout ce que tu as fait. En commençant par me prendre comme premier adjoint alors que j’étais dans l’opposition, à me prendre au sérieux alors que je venais du monde du sport, à cautionner tous me projets audacieux, la liste est longue. Du coup, sans toi je ne suis plus rien.
- Alors secoue toi. Suis le mouvement. Fais autre chose. Méditation transcendantale pour trouver ton chemin. En attendant Franck, félicitations, tu es le nouveau maire de Laguna City.
Je lui remets la petite sacoche avec toutes les clefs du pouvoir. Il la prend dans ses mains et regarde les jolies lettres brodées, L,C.
- J’ai adoré mon ancien job. Celui-ci encore plus. On verra pour le prochain. Ou pas. Ne rien faire. S’arrêter pendant un temps ou pour l’éternité.
- Oui, tu as assez donné. En attendant, profite de ces dernières responsabilités. Sans pression. On verra si tu sais résister aux belles propositions qui vont te tomber dessus.
- Pour ça, je suis sûr que tu en as programmé quelques unes, je te connais.
Je le regarde, je suis songeuse. Il va toutes les refuser. Et on lui proposera encore plus. Jusqu’au poste qu’il souhaite vraiment. Je suis rassurée, il va rester comme un pilier de l’ancien monde, une référence sûre pour moi au cas où. Je lui saute au cou et je l’embrasse dans le cou et sur les joues. Comme d’habitude quelqu’un rentre pour nous surprendre. On a toujours eu un super timing pour lancer les rumeurs. Je me décoiffe, je prends mon carton et je sors en titubant sous le regard dépité de mon grand Franck. J’espère qu’il m’enverra le reste de mes affaires, je ne reviendrai plus ici, plus jamais.
À la Carla Party le nouveau maire par interim prend la parole :
- Carla, quand tu as été élue on faisait partie de la liste locale d’opposition. Avec vos grands électeurs, vous qui veniez d’ailleurs, de Laguna Beach, vous avez gagné. Mais notre première surprise a été ta visite à notre quartier général de campagne. Au lieu de fêter ta victoire avec ton équipe, tu es venue nous recruter. Tu te rappelles ? On a ton discours retranscrit, j’ai un extrait : « Nous on est des pro, on a gagné mais on n’est pas d’ici. Vous vous êtes des amateurs passionnés et vous êtes chez vous. On ne pourra rien faire sans vous. On vous veut dans notre équipe. Le professionnalisme de la politique ne gagnera jamais contre la passion qui vous anime. C’est vous qui avez gagné, on a besoin de vous. »
Applaudissements. Je me serre contre mon Paulo. Je réponds :
- Ces propos étaient confidentiels, je viens de perdre toute crédibilité envers mes équipes professionnelles. Heureusement que je ne suis plus aux affaires.
- Carla, j’ai juste une deuxième anecdote à dénoncer pour avoir une idée de l’ambiance de ton mandat. Mes équipes me reprochaient de te faire accepter tout et n’importe quoi de nos doléances. Pour me le prouver, ils m’ont demandé de te vendre le projet de la création du drapeau de la ville, d’un hymne et d’une cérémonie de la ville. Tu n’étais pas dupe. Tu savais que c’était un test, un défi à relever et tu as réussi à en faire un événement participatif et fédérateur auprès de la population et tu as donné raison à mes équipes qui voulaient me prouver que tu acceptes de faire tout ce que je te demande même les choses les plus incongrues. Le pire c’est que tu m’as affirmé : « Si le projet fonctionne, je décernerai la médaille de la ville à chaque membre de l’opposition municipale. » Et on l’a eue. Tu nous la remise en personne, une à une et à la fin tu nous a fait ce discours : « Votre projet n’avait aucune chance de réussir et d’être populaire. Pourtant il l’a été et vous savez pourquoi ? Parce qu’on a fait de la politique. Avec la politique on peut tout faire, le bien comme le mal. Alors gardez bien cette médaille sur vous et souvenez-vous de cette responsabilité. Cette médaille est la preuve que vous êtes politique. Elle vaut tous les diplômes et les formations du domaine. Je vous en félicite, je vous dis bravo et vous pouvez en être fiers. Mes équipes ne l’ont pas eue. Vous, si. Merci à vous, j’ai beaucoup de chance de vous avoir dans ma municipalité. Et ce n’est que le début, on va, vous allez faire de belles choses pour Laguna City. »
Applaudissements.
- Donc, Carla, je te remets à mon tour la médaille de la ville pour que tu te rappelles aussi que tu es politique et que la politique y perd beaucoup aujourd’hui à te voir partir mais tu nous laisses ton héritage, le bilan de tes actions qui feront référence pour la suite, avec ou sans nous.
Applaudissements. C’est enfin fini. Je vais recevoir ma médaille des mains de Franck. Il me la remet autour du cou avec un ruban aux couleurs de la ville. Je la soulève et je la montre à l’auditoire comme un sportif sur le podium, histoire de me moquer de Franck. Je dois ensuite prendre la parole ?
- Merci monsieur le maire. Je ne vous souhaite pas bon courage ou bonne chance pour la suite parce qu’il n’est pas question pour vous de courage ou de chance tellement la passion pour votre ville et vos concitoyens vous anime, toi et ton équipe locale. Nous les pros on ne fait que passer. Vous les locaux vous restez, soit au conseil municipal comme je l’ai voulu, soit comme agent permanent des administrations dans vos domaines de compétences. Alors merci d’avance pour la suite, quoi qu’il arrive. Et bravo à vous pour tout le travail accompli jusqu’ici. Vive Laguna City !
*
Je fais la planche dans la piscine de la Maison Bleue. Paulo et Greta m’attendent sur les transats de la terrasse. Je les entends discuter :
- Victoria m’a surpris dans sa chapelle, j’embrassais ta statut. Ensuite je l’ai surprise en lui expliquant pourquoi. Elle ne s’attendait pas à entendre ma voix.
- Elle va encore plus croire en moi maintenant. Pourquoi tu embrassais ma statut ?
- Pour voir. Pour comparer. Pour te remercier. Pour prier ?
- Laisse tomber la pierre, approche. Ouvre la bouche. Tire la langue. Alors ?
- C’est mieux.
- Paulo, détends-toi. Regarde moi telle que je suis. Il ne faut pas m’idéaliser. Concentre toi sur Carla. C’est elle ta déesse.
Je sors de l’eau et je les rejoins.
- Paulo, nous sommes tes déesses. Je leur prends leurs mains, j’embrasse Paulo et ensuite Greta. Je les invite à s’embrasser aussi. Et on commence à se mélanger autour de Greta. Elle se met à quatre pattes, la tête dans mon ventre pendant que Paulo trouve sa place derrière elle ou je sens les ondes de ses va et vient jusqu’à moi. Greta remonte sur mes seins puis sur ma bouche et elle se cambre pour notre Paulo toujours en elle par derrière en train de réaliser son fantasme de terrienne. Je sens aussi les doigts de Greta en moi. Paulo s’évanouit de plaisir et il me laisse la place, je descends goûter la semence qui suinte de Greta et je remonte un peu pur électriser son plaisir. Je pivote pour m’asseoir sur sa bouche et on s’agite à se griffer pour atteindre l’extase qu’on part ensuite noyer dans la piscine en entraînant notre Paulo avec nous.
L’eau fraîche nous remet les idées en place. On sort, on s’habille, on prépare le déjeuner. Nathalie et Gabriel rentrent de leur sortie en mer à Laguna Beach. Gabriel aide Paulo à allumer le barbecue en buvant une bière pendant que nous, entre filles, on termine les préparatifs en cuisine avant de s’installer à table autour d’un cocktail pour discuter. Elles m’expliquent certaines choses :
- Avec ce cocktail tu coupes ta sensibilité à l’Invisible.
- Le secret, c’est l’alcool.
- Des fois ça devient insupportable de ressentir la vérité et de voir tout ton entourage évoluer une réalité qui est seulement la leur, à la limite de la fiction. Ils croient vivre une vie qui en fait n’existe pas vraiment.
- Un peu comme la Foi qui comble le manque de spiritualité au quotidien.
- Il faut traverser tout ça en dosant les éléments pour être en paix et ne pas perdre la raison. En cas de doute, un cocktail.
- Toujours avoir de l’alcool de secours à portée de main.
- Et ça ce n’est que le I. On parlera du S et du A plus tard.
Ces trois lettres sont les trois dimensions de notre monde éternel et infini, absolu et sacré.
Sieste crapuleuse pour digérer, avec mon homme en moi.
- Paulo ? Greta, elle n’est pas ta première terrienne.
- Non, la première c’est Solène. Il y a longtemps, à Russell, au Bal de l’hiver. C’est la fille de Noëlle, la cuisinière de la Taverne au Village. Noëlle, c’est la fille de Aline et Patrice.
- Tu étais encore à Russell à l’époque ?
- Non, si. Plus en tant qu’élève, j’étais son professeur de civilisation.
- Elle sera sur l’île B ?
- Ses enfants peut-être. Je crois qu’ils ont l’âge.
*
Franck a gardé les Carla Party à la Mairie. Maintenant je peux y aller sans être le centre de toutes les intentions. J’y vais parce que je sens que quelqu’un veut me parler. Je vais siroter mon cocktail sans alcool sur le grand balcon, là où les invités peuvent s’isoler pour parler au calme. Je m’appuie sur la rambarde pour admirer ma ville avec fierté.
- Carla ?
Je me retourne, une belle grande brune avec son verre à la main, c’est Brigitte, la mère de Sabine. Elle n’a pas besoin de me demander, je lui dis ce qu’elle veut savoir.
- Bonjour Bri. Vous venez voir la bonne personne. J’étais aux premières loges lorsque Sabine a commencé à changer. Elle a des pouvoirs, qui grandissent, elle m’en a transmis un peu, mais je vous avoue que chez elle ce n’est pas totalement sous contrôle. On surveille, on fera ce qu’il faut si c’est nécessaire.
- Qu’est ce que c’est ?
- Ça nous vient des terriens. C’est une nouvelle façon de ressentir la vie. On est un peu médium, entre autres.
Elle est inquiète, elle pose son verre et me tend ses mains. Elle a l’air d’être au courant de pas mal de choses. Sa mère est au courant de tout. Elles ont dû parler. Je lui prends ses mains.
- Alors ? Que voyez-vous ?
- Je vois votre histoire avec Izzy. C’est tellement fort. Ça masque tout le reste.
Elle retire ses mains et réfléchit :
- C’est vrai. C’est ce qui me définit. C’est l’essence mon histoire.
- Et ça continue, avec Sabine. Une belle histoire d’Amour qui se propage de génération en génération. Vous avez été un couple unique, innovant, audacieux.
Elle me reprend la main et on regarde ensemble notre ville.
- Merci Carla. Je me voyais mal demander directement à Marwah ou Nathalie.
Elle regarde nos mains l’une dans l’autre. Elle ressent quelque chose :
- En fait, si besoin, il y a des techniques pour voir plus loin, en vous, en elle, avec moi, mais c’est un peu déplacé, voire invasif.
- C’est un peu S, c’est ça ? D’accord, on verra si besoin.
On se regarde en souriant. Je lâche sa main et on trinque.
Je sens que pour moi l’avènement d’une nouvelle carrière de responsabilité. Comme Marwah, comme Nathalie, comme Greta, comme Sabine, je suis en train de créer mon réseau. Ou de rentrer dans celui qui nous lie toutes, dans l’Invisible.
*
J’attends qu’elle arrive, en attendant je prie, à genoux dans sa petite chapelle modeste faite en bois des arbres de la forêt du Village. Sœur Adélaïde arrive, je l’ai attirée ici, je l’ai appelée dans l’Invisible.
- Carla ? C’est toi ?
- Oui Adé, merci d’être venue. Je viens chercher des réponses. Sabine m’a donné des pouvoirs, elle les a eus de Sœur Nathalie mais je suis venue voir à la source, tu as été formée au Vatican sur Terre 18 promotions avant elle, tu as le savoir originel de la première promotion des services spéciaux.
- Tu en es où dans l’Invisible ?
- Je peux rentrer dans certaines personnes, à distance, dans leur âme. Le plus dur ensuite est de retrouver le présent. Elle ne sait pas que je suis là. Je n’arrive pas à la contrôler. Pas encore.
- Tu es allée dans qui ?
- Dans Sœur Nathalie, dans son passé sur Terre. C’est là que j’ai compris qu’il fallait que je vienne te voir. Tu as déjà vu ça.
- Oui, avec Noëlle.
- Il y a d’autres choses encore, d’autres niveaux.
- Il y en a tellement. Peut-être as-tu croisé une ange blanche ?
- Je crois. Dans l’âme de la mère de mon cousin Paulo. Zoé, elle l’a ramené de la Terre, il y en avait donc aussi dans son Arche.
- C’est Annemarie Schwarzenbach, une aventurière suisse. Pour le reste, je peux t’aider à gérer. Avec Noëlle on a jamais réussi mais avec toi je sens que c’est possible, que tu contrôle. Il te faut juste quelques outils. Je peux te les donner. Donne moi la main.
- D’accord mais je ne peux pas, Adé. Je ne suis pas là. Je suis juste dans ton esprit.
Elle s’approche doucement et me regarde avec attention.
- Ça peut peut-être marcher quand même. Je vais essayer.
Elle ferme les yeux, elle se concentre. Elle tend sa main. Je tend la mienne. Elle me pointe du doigt. Elle ouvre les yeux. Je dois faire pareil. Je la pointe du doigt. J’avance et au moment de rentrer en contact, je tombe dans ses bras. Il fait froid tout d’un coup.
- Je suis vraiment là ?
- Téléportation. C’était le premier outil.
On a jamais été en contact elle et moi. Je me sens en sécurité contre elle. On reste là un moment. Ça nous a pris beaucoup d’énergie. Elle me demande :
- Tu es partie d’où ? Et de quand ?
- De chez moi, de ma salle de bain. Du présent, j’espère.
- On va aller à la Law House pour téléphoner à Paulo. Le prévenir que tu n’es plus dans la salle de bain.
*
À la Cathédrale, Patrice m’examine avec des outils étranges :
- Ce n’est pas de mon ressort. Père Simon ?
Il me regarde. Me touche le front.
- Du mien non plus. Je vais regarder dans les archives de l’évêque, voir si il n’y a pas eu un troisième cas même si je pense qu’on en aurait entendu parler. En attendant, Adélaïde, tu peux lui expliquer.
- Carla, on a déjà eu un cas de ce genre. Sur Terre. Il y a longtemps. Jésus de Nazareth.
- Celui de la B1 ? Ce n’était pas une fiction ?
- Si, dans la B1, l’ancien testament, trois siècles avant sa venue sur Terre. Mais pas dans la B2, le nouveau testament, trois siècles après, il n’était plus une fiction, il était devenu une légende. Mais toi tu es plus que ça.
- Je suis … Dieu ?
- Non, Dieu c’est Greta. Toi c’est autre chose. En fait, ce que ton grand-père a toujours cherché dans ses descendants garçons, c’était dans ses descendantes. Sabine. Toi. Il aurait dû s’en rendre compte, surtout avec la mission de 2003 sur Greta. Mais bon, il n’était pas prêt à se réincarné en fille apparemment. Maintenant on comprend mieux le potentiel de Victoria. Il faut tester sa fille, Clémence.
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