Victor
Quand je l’écoute attentivement, je me rends bien compte que ce n’est plus la même. Depuis qu’elle a fusionné avec Aline. Qui est là aussi juste en face. Difficile à les distinguer maintenant. De vraies jumelles. En face il y a Greta. Je remarque des tics. Je reconnais ces mouvements répétitifs et obsessionnels. Elle essaie de les cacher. Adrien avait la même chose. C’est la fin, on range nos affaires et on les laisse là, on passe dans sa salle à côté avec la superbe baie vitrée. On reste à l’intérieur, il fait trop chaud dehors. C’est la partie de Laguna City qui reçoit les vents de Laguna Beach. C’est le moment de se détendre et de parler des sujets annexes qui ne concernent pas le conseil de sécurité. Mon verre à la main je vais tout de suite voir Greta et on trinque poliment :
- Tu as l’air bizarre aujourd’hui Greta. Tu es bouleversée. C’est à cause de Spencer. Te voilà à nouveau seule. Mais tu as beaucoup d’amies. Et il y a ta fille. Isa Love.
- Elle est occupée, elle a sa vie maintenant. Mais je sais que je peux compter sur elle à tout moment si ça ne va pas mieux. Et toi, ta vie a changé aussi mais ça n’a pas l’air de t’atteindre.
- Au contraire, je l’ai en double maintenant.
J’arrive à la faire sourire. Je continue, je dois lui dire quelque chose d’important et de personnel pour faire de notre conversation un vrai dialogue :
- Et puis j’ai une fille aussi sur laquelle je peux compter, plus qu’avec tous mes autres enfants.
Elle fronce les sourcils, elle sait que je ne parle pas de Carla. Je lui précise donc :
- Izzy, ma première fille. Je l’ai eu avec la directrice de l’Hôpital.
- Izzy, elle est avec Abi.
- Et elle était avec Bri, elles ont même réussi à avoir une fille, Sabine, elle était à l’ordre du jour.
- Ah ? Je n’ai pas bien suivi la réunion.
Ça n’accroche pas, je la perds. Si j’insiste elle va prendre ça comme une agression. Je la regarde, j’inspire, je change d’avis, je continue :
- Greta tu ne vas pas bien. Et on a tous besoin que tu ailles bien. Je vais t’aider à passer le cap. Je te propose qu’on passe l’après-midi ensemble à discuter, d’accord ?
Elle ailleurs, je ne sais pas si elle m’a entendue. Je patiente. Son regards remonte vers le mien, j’arrive à l’accrocher. Elle intègre ma dernière phrase. Elle va dire quelque chose :
- D’accord, Victor.
Je lui souris. Elle me sourit. Une chaleur envahit ma poitrine mais c’est normal avec Greta, elle rayonne d’Amour. Je me retiens de rire, ça chatouille. Je la prends par la main et on s’en va. Je crois que personne ne nous a vu quitter la pièce. On récupère nos affaires en salle de réunion et on s’en va marcher pied nus sur le sable de la plage où elle commence à parler :
- J’en ai marre Victor. Je ne sais plus où j’en suis. J’en ai marre de tout perdre.
- Que tu crois, si j’ose dire. Tu as tellement, tu ne peux pas tout garder. Tout perdre ? J’ai approché cette sensation. Je suis allé loin de tout, si loin que même la lumière des étoiles n’y est pas encore arrivée. Si loin qu’il n’y a aucune molécule de matière autour de mon vaisseau sur des centaines d’années lumières. Ça, c’est tout perdre, oui. Mais toi Greta tu as encore tout. Tu es même tout. Tu es Dieu. Et on croit en toi. Dieu se matérialise là devant moi en toi et ce n’est pas un hasard. Il t’a choisi pour le représenter. Avec tes faiblesses, tes failles, ce qui fait de toi un être humain. En oubliant Dieu et en te regardant juste toi, petit bout de femme, tu me plais, je t’aime bien.
Je lui prend la main et je continue :
- Greta, te laisse pas impressionner par Dieu, tu vaux bien mieux que lui. Lâche la Couronne des Dieux, il faut passer à autre chose.
Elle me prend dans ses bras :
- Merci Victor, merci de me dire tout ça.
Je l’embrasse sur le front, elle ferme les yeux, je lui caresse la joue. Et on reprend notre marche, elle a l’air d’aller mieux, je la sens libérée, elle respire. Et elle reprend la conversation :
- Alors comme ça tu as une préférée aussi dans tes enfants ?
- Et toi aussi, c’est normal je pense, non ? Sinon tant pis, c’est comme ça.
- Et qu’est ce que tu lui as dit à Alice quand tu l’as rencontrée ?
- On a pas eu besoin de parler. On était au bout de nos forces morales. Moi je revenais de cette mission interdite dans la nuit des temps et elle purgeait une peine stupide alors qu’elle était innocente. Elle était complètement perdue dans un monde technique qu’elle ne maîtrisait pas mais elle le faisait avec un tel courage que j’ai décidé de lui apprendre tout ce que je savais d’important, et même plus. Et regarde-nous maintenant. Pas mal comme résultat, non ? Après, cette histoire de fusion, comme bien d’autres, je pense que ce n’est pas la peine d’essayer de comprendre. Ce n’est pas le but. Ça ne sert à rien. Il faut juste faire avec. J’ai cherché tu sais. Dans les recherches de mon père. J’ai trouvé un dossier sur toi. Je savais qu’une mission se préparait sur Terre. Je me suis dit qu’il serait bien qu’Alice en fasse partie. Mais ça ne m’a pas plus éclairé que ça. Il ne faut pas se poser de question. Pas trop. Les réponses ne sont pas toujours acceptables. Le plus important c’est que tu es là devant moi et j’en suis heureux. C’est une bonne chose. Tu es une bonne chose. Et je veux que tu ailles bien. Que tu sentes bien. Que tu sois heureuse.
Elle me prend par le bras, elle m’arrête, elle me regarde tendrement dans les yeux et me dit :
- C’est peut-être toi, Dieu.
- Au pire je suis le fils de. Au mieux je suis celui qui l’accompagne.
Je pose mon front contre le sien et je ferme les yeux. Je sens le souffle de sa respiration sur ma bouche, sa main sur ma joue. J’inspire lorsqu’elle expire. C’est le silence est la nuit autour de nous, comme si le temps s’était arrêté. Je la sens entrer en moi. J’expire quand elle inspire. Je me sens entrer en elle. On est peut-être le Dieu l’un de l’autre ? J’ouvre les yeux sur son regard bleu-gris. Elle est différente. Je ne la vois plus comme avant. Je la sens. Je la sens vibrer. Des impulsions. Une onde. Elle est ma lumière. Sa légère robe blanche ondule sur sa peau sous le vent du large. Je l’envisage. Et tout autour les valeurs ont changé. Je la veux.
- Greta ?
- Victor.
On avance jusqu’au bord de l’océan. Une vague vient nous surprendre et mouiller nos pieds nus. Elle crie, de vie, d’envie :
- Elle est froide !
On se tient plus fort. On se regarde. On est heureux. On se sent bien. On se sent forts.
- Nous voilà baptisés.
On en rit. Et on retourne au sec, vers le bord de la civilisation, en se tenant par la main. Alors qu’on est presque arrivés sur la route, elle m’arrête et regarde sur sa gauche. Il y a une petite cabane en bois comme il y en a tant au bord de la côte le long de Laguna Beach. Greta m’explique :
- Elle a connu tant d’amour.
Je la regarde plus en détails. Elle est plus simple et plus petite que les autres.
- Il n’y a personne.
Elle se retourne vers moi et me prend les deux mains :
- Elle est libre.
Du coup, la question est de savoir si nous nous le sommes, si moi je le suis. Elle recule d’un pas. Nos bras sont tendus. Je lève un pied et je l’avance vers elle. Je le pose sur le sable. Elle rit. Je l’embrasse, elle est surprise. Et j’avance encore d’un pas, elle bascule, je la retiens.
- Un grand pas pour un homme…… un bon de géant pour l’Humanité.
Je me retourne pour regarder la trace de mon pied dans le sable. Je sens sa main tourner mon visage vers elle et elle m’embrasse, avec passion. Le monde disparaît autour de nous. Il ne reste qu’elle et moi et la trace de mon pied dans le sable. Ma vie bascule. Elle ne sera plus jamais la même.
- Greta ? Comment les choses peuvent changer si vite en une fraction de seconde ?
- Sur Terre c’était souvent ce temps qui séparait la vie de la mort.
- Ou la mort de la vie ?
- Oui. Notre mort de notre vie.
Je comprends. Je me sens revivre. Comme si j’étais mort depuis si longtemps. On se réfugie dans l’ombre de la cabane. On s’enferme. Elle me fait face. Sa robe tombe, elle enlève mes vêtements et se colle à moi. Tous mes sens sont en éveil sur la douceur de sa peau, sur son odeur, sur sa voix douce qui me guide, elle a un goût sucré salé qui me donne faim en elle. Elle me pousse sur le lit et me chevauche. Elle me fait rentrer en elle et elle s’agite, elle crie, elle transpire, elle s’essouffle. J’attrape ses petits seins pour la faire ralentir mais elle repart de plus belle. Je reprends le dessus, je passe sur elle et je lève ses jambes à son cou :
- Doucement Greta.
J’arrive à capter son attention. Et les yeux dans les yeux, dans le silence, je vais et je viens en elle, lentement, en profitant du plaisir de chaque mouvement en elle. On se murmure, on se répète de plus ne plus vite :
- Ma déesse.
- Mon Dieu.
Jusqu’à perdre connaissance dans une vague de plaisir. Je la sens me rabattre sur le flan pour se dégager et revenir sur moi se finir et s’endormir. Quand je me réveille elle est toujours là. Ce n’était pas un rêve. Je m’approche de son visage endormi. Je l’entends respirer. J’embrasse le grain de beauté près de son oreille, puis sur sa joue, puis celui près du coin de ses lèvres. Elle ouvre doucement les yeux et sourit.
- Bonjour ma déesse, ma Gretamour.
Elle me regarde intensément. Elle s’approche doucement et ses yeux se ferment enfin quand elle pose ses lèvres sur les miennes.
- Je suis tienne mon Victorgasme.
Et on se mélange à nouveau par dessus nos semences séchées dans notre deuxième première fois mais cette fois-ci je la retourne et elle mord ses nattes pour ne pas crier mais juste gémir pendant que j’empoigne ses seins et que je me cale derrière elle pour assouvir tous les désirs qu’elle m’inspire.
On ressort de la cabane en titubant, on a remis nos habits comme on a pu, certains sont déchirés comme le haut de sa robe où apparaît maintenant un joli décolleté sur sa poitrine griffée. Je l’aide à monter dans la navette et elle s’assoit sur moi en me tenant par le cou, elle rit déjà à ce qu’elle va me dire à l’oreille en rougissant de honte :
- Tu es passée sur moi comme un ouragan en colère, je jouis encore des douleurs que tu m’as infligées. Je n’ai que deux mots à te dire : encore et toujours.
- Ma pauvre petite fleur, je ne veux pas t’abîmer, juste te butiner et te faire éclore encore et toujours mon Amour.
On se caresse, on s’embrasse, on se cajole pendant tout le voyage, mais vers où ? Peu importe tant que c’est avec elle. Vers l’Est, vers le soleil couchant. Je vois des barres noires verticales apparaître. Je marque un temps d’arrêt :
- Désolée Victor, je ne peux pas t’amener au Village. Tu n’y es pas autorisé.
- Sylvania… Je n’y suis jamais allé non plus. La Tour Raymond de ma mère, le Parlement Bleu de mon père…
Elle essaie de me détourner le regard, elle m’appelle, je la regarde :
- Victor, tu peux aussi y inscrire ton histoire.
- Notre histoire Greta.
Elle fait oui de la tête. Elle a l’air soulagée. Elle me murmure :
- Tu ne sera plus jamais seul pour affronter tes fantômes, je suis là maintenant.
Je prend son visage pour bien regarder ses yeux. Le soleil se couche. Ils virent au bleu profond. Je suis en elle. Elle me voit. Elle est en moi. Je la vois. Greta.
On se pose sur le toit d’un petit bâtiment à l’angle de deux rues au bord d’un parc. C’est assez loin du centre-ville. Il y a un énorme « G » inscrit sous la navette.
- Très discret, Greta.
- Plus c’est gros, moins on le voit.
On rentre par une porte métallique qui donne sur des escaliers.
- Il y a une autre façon de descendre, par la barre en face. C’est une ancienne caserne de pompiers, très ancienne, jamais servie.
Beaucoup d’espace mais très chaleureux. Il y a une salle de réception et une où il y en a encore une exposition d’œuvres d’art.
- Greta ? On est chez qui en fait ?
- Chez une amie qui ne reviendra plus. Elle s’est installée définitivement en Principauté. Elle aussi elle est avec quelqu’un de … ta famille. Ton cousin Ulysse.
- Gabrielle ? Je ne savais pas qu’elle avait vécue ici.
Maintenant je comprends le style bien rangé, délicat, propre et net.
Greta se met à l’aise, elle enlève ses chaussures et ses chaussettes. C’est peut-être un rituel ? Je l’imite. Elle est étonnée, choquée, puis a un petit regard malicieux. Et elle jette à mes pieds et les embrasse. Je suis choqué. Je la relève et je remets ses cheveux en place. Je la prends dans mes bras et elle me dit :
- Avec moi tu peux être toi-même Victor. Laisse-moi être moi-même aussi. Tu es mon Victor. Je suis ta Greta.
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