IX - Marielle

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J’étais le docteur Lisa Marie, je suis devenue Marie L. ou Marielle pour les intimes. C’est ma façon à moi d’exprimer mon burn out. Ou l’effet Sylvania. Cette ville vous change, elle vous exfiltre de l’Ouest pour vous offrir une nouvelle version de vous-même à l’Est où je vis dans un appartement moderne et fonctionnel de la Tour Raymond. Tous les jours je vais m’entraîner au Tennis Club. Je me prépare sérieusement, comme si j’allais retourner dans l’espace. Mais il y a une chose cependant que je m’autorise à faire et ça énerve au plus au point mon entraîneuse, je laisse passer les points.

  • Marielle ! Tu déconnes ou quoi ? Tu l’avais cette balle ! Pourquoi tu ne la renvois pas ?
  • Écoute, connasse, euh coach… J’ai gagné toute ma vie. J’ai toujours été la première. J’ai survécu à la fin de mon monde. Et ça m’a mené où ? Nulle part. Alors ton histoire de point pour gagner et faire perdre l’adversaire, c’est pas mon problème. Moi je suis venue m’amuser à jouer au tennis dans une jolie tenue avec ma belle chevelure blonde. Alors ton trophée, tu te le mets où je pense. Maintenant, dégage de mon terrain, je dois m’entraîner à servir, tu me gênes.

Elle fait non de la tête, elle n’en revient pas. Elle est dégoûtée, elle sort. Je peux enfin continuer seule. Entre deux essais je la cherche du regard. Elle le remarque. Finalement je l’attends. Elle revient vers moi sans raquette :

  • Tu te tiens pas assez droite. Et tu penches. Mets ton pied plus à droite. Et respire. Concentre-toi.

Etc. Je suis ses conseils. Ça marche.

Sous la douche elle me demande :

  • À quoi tu joues, Marielle ?
  • À bien placer mes balles sur le court. Pour ensuite pourvoir les mettre à côté.

Elle réfléchit à ma stratégie. En silence. On se sèche et on se retrouve au Club House devant un verre d’eau pétillante sucrée et j’explique :

  • Pendant que toi tu seras en train de tout donner pour battre ton adversaire et te fatiguer à passer au tour suivant, moi je vais m’amuser et faire le show, séduire le public, il faut que je me fasse belle, que je les impressionne avec des coups fabuleux et spectaculaires et ensuite perdre. Quelle leçon hein ? Tout le monde va se précipiter aux premiers tours des tournois pour me voir, toutes les joueuses voudront jouer contre moi et elles me remercieront. Je vais faire une belle carrière. Un match par tournoi. Aucun trophée. Mais une grande leçon de philosophie existentielle dans votre jeu de duel à la con.

Et tous les jours elle est là sur mon dos, infatigable. Quelle horreur je pourrais lui sortir aujourd’hui ?

  • Coach ? Arrête de me tourner autour. Et présente moi ton frère plutôt.
  • Je voudrais bien, mais il est mort.
  • Comment ça ? Personne ne meurt ici.
  • À l’Ouest, les Chevaliers de l’Apocalypse. Ça a déjà commencé.
  • Pardon ? C’était pas prévu avant deux ou trois ans au moins. Qu’est ce qui s’est passé ?
  • À toi de me le dire. Tu peux te renseigner. J’attendais juste le bon moment pour te le demander. Sinon il y a longtemps que je t’aurais plaquée au sol.

Je la prends par la main et on sort du court. On passe sous la douche, on se change et on va au Club House boire une boisson chaude à la théobromine.

  • Coach, je n’ai plus mon monolithe d’avant, je ne peux plus me renseigner.
  • Mais tu connais du monde qui le peut. Et je m’appelle Enola.

*

Je l’emmène à la Caserne.

  • Non ? Dieu, carrément ? C’est Greta qui habite ici. Je croyais que tu connaissais Aurélie, c’est elle qui nous a obligé à te recevoir au Tennis Club.
  • Je connais surtout le médecin personnel de Greta. Hilde. Elle a une source de renseignement de l’Ouest. À cette heure là, elle doit être à son cabinet en train de vérifier tous ses instruments. Je n’ai pas envie d’aller vérifier si elle est dans ses appartements. Il faut grimper l’escalier en fer. On va se salir. On passe par devant.
  • Tu crois qu’on a le droit de rentrer chez Greta comme ça ?
  • Elle reçoit tout le monde qui se présente à elle.

Ding dong. Enola est un peu nerveuse. Elle réajuste sa tenue. Je l’aide à attacher ses cheveux. Elle me regarde en coin du style « ça y est, je lui plaît ». Mais j’ai juste pitié de toi ma pauvre fille. La porte s’ouvre sur Greta :

  • Bonjour Greta, on vient voir le docteur Mat.
  • Bonjour jolies demoiselles. À qui ai-je l’honneur ?
  • Greta ? C’est moi. J’ai déjà si changé que ça ?

Elle plisse des yeux et s’approche pour mieux regarder mon visage. Elle regarde Enola et revient sur moi pour me demander :

  • Et comment je dois t’appeler ?
  • Marielle, et voici Enola.
  • C’est la conversion ?
  • Non Greta, c’est pas pour tout de suite. On va attendre d’être toutes prêtes. En fait, on t’attend.
  • Entrez je vous en pris.

Elle nous amène devant le cabinet et retourne à ses occupations dans le salon où elle a l’air de recevoir quelqu’un aussi.

  • Marielle ? C’est quoi ce bordel ?
  • Enola, je suis une terrienne, je vais leur servir de cobaye en me convertissant en locale. C’est juste une histoire d’anatomie. Avant j’étais médecin à l’Ouest, c’est là-bas que j’ai formé Hilde, enfin, j’ai fait ce que j’ai pu.

J’appuie sur un bouton et on attend un peu. La porte coulissante s’ouvre et Hilde demande :

- Bonjour. Que puis-je faire pour vous aider ?

- Hilde, c’est moi.

Elle me regarde. Elle prend un air très étonné.

  • Ça alors, Aurélie m’avait prévenue mais je ne pensais pas que c’était à ce point là. Tu es superbe, Marie ?
  • Marielle.
  • Oui, bien-sûr, Marie L. Marielle. Je vois que tu as déjà une jolie copine aussi.
  • Justement, je te laisse l’ausculter, elle a des choses à te raconter.

Je lui donne mano à mano et je referme la porte coulissante. Telle que je la connais avec son holistique, il y en a pour longtemps. Je ferais mieux de rentrer. Mais quand je me dirige vers la sortie je suis arrêté par Greta et son invitée, Aurélie. Elles m’admirent en silence. Je le romps :

  • Alors, comment vous me trouver ? Je fais assez locale ?
  • Tu es trop belle, Marielle. Toi quand tu fais les choses, tu ne les fais pas à moitié. Elle est jolie aussi ta copine.
  • C’est normal, c’est le standing habituel chez les joueuses de tennis. On doit avant tout être belle, agréable à regarder. J’avoue que ça me plaît beaucoup. Des choses simples. Une vie simple. Je ne pensais pas que les problèmes allaient me rattraper aussi vite. Ma copine, Enola, c’est mon entraîneuse en fait, ma coach. Bref, son frère est mort. Chevalier de l’Apocalypse. Greta ?
  • Ils en ont parlé au Conseil. Incident localisé. Il y en a eu 12. Que des jeunes. Entraînés par un jeune gourou fanatique qui lui, s’est raté. Une sale histoire. De quoi remettre en cause les exodes vers les îles.

J’inspire, j’expire. Je ferme les yeux. Elles viennent me réconforter :

  • Ne t’inquiète pas Marielle, ce n’est plus ton problème. Vis ta vie. Et prends bien soin d’elle. Vous allez bien ensemble. Ça se voit tout de suite qu’il y a quelque chose entre vous. Dont vous n’êtes pas encore conscientes.
  • Vous avez bu du philtre ou bien ? Il faut redescendre de temps en temps les filles.

Du coup, j’attends avec elles qu’on me rende mon Enola.

*

Hilde nous invite chez ses parents au déjeuner dominical. C’est l’occasion de montrer la nouvelle moi à tout le monde, Adé, Big, Tobias, Sarra. Et dans l’après-midi, Gaby a un entretien privé avec Enola. Pendant ce temps Big a installé une table de ping pong et on commence un tournoi dans les rires et la bonne humeur.

À la fin de la journée, en ressortant de chez eux sur le boulevard, sous la pluie, je lui annonce :

  • Alors ça y est. On peu en rester là. C’est fini. Tu a eu ce que tu voulais.
  • Pas tout à fait.

Et elle s’approche de moi, très près. Je ne recule pas. Je la regarde. Je me sens un peu triste. Elle m’embrasse. Un tendre baiser sur la bouche. Je la serre contre moi. Et je la ramène. Chez moi. Pour prendre soin d’elle. C’est un ordre que Greta et Aurélie m’ont donné. Enola reste silencieuse. Elle est devenue mystique. Pas étonnant, elle est du même bois que son frère disparu. Elle me tient le bras et je plonge mes mains dans les poches de mon manteau. Je sens quelque chose. Je l’attrape et je le sors. C’est un petit sachet avec de l’herbe séchée à l’intérieur. Enola me demande :

  • Qu’est ce que c’est ?
  • Notre tisane du soir pour passer une bonne nuit.

*

Elle remplit mon appartement vide. Elle danse autour de moi dans des couleurs chaudes. Elle découvre mon intimité. Je lui montre comment faire. Elle m’enveloppe de son parfum. Je sens sa bouche partout sur moi. À mon tour de la goûter, de la savourer, de la faire gémir. Et on sombre dans les abîmes du plaisir.

Un rayon de soleil me réveille. C’était quoi ce rêve ? J’ouvre les yeux. Elle est là, contre moi. Je respire son souffle. Je sens sa chaleur. Je caresses ses fesses. Je l’embrasse et elle ouvre les yeux. Ils sont presque noirs. Je n’arrive pas à distinguer ses pupilles. Elle est en contre jour. Elle cache son visage dans mes cheveux et vient me lécher le cou en promenant ses mains sur mon corps. On se tortille doucement, en pleine conscience, jusqu’à l’extase où l’on se rendort.

Je me réveille à nouveau et je la laisse récupérer. Je vais faire le point sur la terrasse, en peignoir de bain avec mes bottes et mon bonnet. À cette altitude il y a un vent qui n’existe pas au sol. Alors ça y est, je suis vraiment quelqu’un d’autre, en vacances de moi-même sans aucune envie de rentrer chez mon ancien moi. J’aimerais tout oublier de ma vie d’avant pour ne plus y penser. En attendant, il faut que je rentre, je vais préparer un bon petit déjeuner pour ma belle. Ma belle coach. Comment elle s’appelle déjà ? Mais je vois sur l’horloge qu’il est presque onze heures. Ce sera donc un brunch. Pour… Enola ! Ça y est, je l’ai. Dans l’esprit. Dans le cœur ? Dans le cul oui, et dans le ventre, bien profond. J’ai encore le goût du sien dans ma bouche. Qu’est ce que je suis vulgaire… Il faut que je redevienne plus correcte et plus gentille, surtout avec ma Nola.

Elle a l’air dans le gaz face à son assiette. Le regard dans le vide, vers le bas.

  • Ça va ma Nola ?

Elle reprend conscience et me voit, elle sourit :

  • C’est beau, j’adore.
  • Quoi ? Moi.
  • Aussi. Je suis ta Nola. Tu es ma Rielle.

Je me lance :

  • Nola, c’était super, j’ai adoré. Tu es merveilleuse. Tu es le soleil de ma nouvelle vie. Je veux que le temps s’arrête. Je suis heureuse, là, maintenant, avec toi.
  • Marielle, on va vivre une belle histoire toi et moi. Notre histoire. Pas l’Histoire dont tu fais partie.
  • Faisait.
  • Tu… étais quelqu’une de vraiment importante. Moi je ne suis rien qu’une petite locale insignifiante sans aucun destin et avec les problèmes de ma génération.

Je lui prends la main.

  • Tu as déjà eu le temps de réfléchir à tout ça ? Il faut arrêter de penser Nola. On a l’éternité devant nous. Ça change tout. Et tant que la situation est stable, on devrait en profiter, crois-moi.

Elle se rapproche très près de moi, comme pour me faire une confidence.

  • C’est intéressant, d’avoir un autre point de vue, sur la situation.
  • Tu n’es pas n’importe qui Nola. Sinon tu ne serais pas là. Tu avais un but, honorable, tu l’as atteint. Tu es efficace. Et éclairée. Et courageuse. Et audacieuse. Je suis contente que tu m’aies trouvée. Je suis contente de t’avoir croisée. Et avec toi, pour toi, je suis prête, à ne plus être le docteur Lisa Marie, et à être délivrée de mon destin pour ne plus être que ta Rielle. Nola tu es pour moi une évidence. J’étais déjà dans cette démarche de conversion et tu es la preuve vivante que je fais le bon choix. Tu es un cadeau du ciel, un signe, un indice rassurant sur le fait, mon fait, de ne plus rester terrienne, de devenir vôtre. J’entrevois enfin une sorte de Paradis. Je le vois dans le reflet de tes yeux sombres où je me vois moi, si jeune, si belle, si blonde, si insouciante comme je ne l’ai pas été depuis un siècle. C’est une expression, en fait il y a un siècle je crois que je perdais un patient dont j’étais amoureuse. Il ne l’a jamais su. Il s’appelait Dominique Lambert. C’est pour ça que j’ai appelé mon fils Lambert. Et dans un siècle je ne veux pas avoir le même regret de ne pas avoir aimé Enola, la jolie petite joueuse brune de tennis à Sylvania, l’ancienne capitale historique de la planète C. Tu es mon multivers Nola, mon répit, en toi je vais enfin pouvoir respirer, m’épanouir et être heureuse dans notre bonheur.
  • Je… ne… suis pas petite.

Et je me mets à rire, et elle aussi.

  • Si, tu es ma petite entraîneuse. Lève toi on mesure. Je peux encore grandir tu sais.
  • Non, pas trop haut, je te veux à portée de bisou.

Elle me chatouille, je crie, elle rit. Je la porte et je la jette sur le lit.

  • Petite et légère, comme une plume. Et moi je suis le marteau. On est dans le vide. On tombe mais à la même vitesse. Je suis complètement marteau, de toi.
  • Je suis contente, que tu le prennes si bien. Si j’ai été patiente avec toi c’était parce que j’avais une chance d’avoir des informations. Et puis j’ai continué d’être patiente en oubliant pourquoi. Juste en te regardant être, faire, te concentrer, apprendre. J’étais, je suis fascinée par la façon dont tu t’admires dans le miroir. Et quand je regarde dedans je comprends pourquoi. Et tu prends bien soin de toi. Tu respectes ton nouveau toi. Tu l’acceptes. Et tu m’acceptes. Et je n’arrive pas à faire une aussi belle déclaration que toi mais le cœur y est, crois-moi.
  • Je veux bien te croire. Je te crois. Mon Paradis.

Dans l’appartement je sème de petite lettres en marquant dessus : « Pour Nola Paradis ». Et dedans il y a une petite feuille pliée en deux avec à l’intérieur une phrase gentille pour elle, un haïku d’Amour. Pour laisser une trace. Pour être sûre que tout ceci est bien réel. Quand elle vient m’embrasser à l’improviste, c’est qu’elle en a trouvé une.

De loin dans la salle de presse, j’écoute une interview de Nola qui parle de ses ambitions dans le tournoi face aux jeunes joueuses de Laguna Beach, Laguna City et la Principauté. Le journaliste rebondit :

  • Justement, tu entraînes une nouvelle joueuse de Laguna City qui débute dans la compétition.
  • Oui, elle s’est même installée à Sylvania. Et je tiens à préciser tout de suite qu’elle est ma pire élève.

Elle me fait signe, je lui fais coucou, tout le monde me regarde. Nola commente :

  • Elle s’appelle Marielle et elle est très belle, vous allez voir ce que vous allez voir…

Le match de Nola a été ennuyeux à mourir, même qu’elle a gagné. Quand j’arrive sur le court, c’est en musique rythmée avec des habits fluo et des bisous au public avec de la bonne humeur et des sourires. Mon adversaire doit me prendre pour un clown. Dans nos échanges elle n’arrive pas à me jauger. Si ça s’éternise j’envoie tout dans le décor. Je cherche à imposer mon rythme et je fais réagir le public au moment où il faut, dans des points sans intérêt de jeu où je sors des coups spectaculaires. Je montre que je peux résister à de nombreuses balles de match contre moi et le public est avec moi. Mais je m’en lasse vite et lorsque je refuse de courir après une balle facile, je perds enfin et j’explose de joie avec le public qui crie et qui m’applaudit comme si c’est moi qui avait gagné. Je saute par dessus le filet pour me jeter dans les bras de mon adversaire et je lui lève le bras pour bien montrer que c’est elle qui a gagné. Euphorie générale. La messe est dite. Ma légende est née. Tout le monde m’aime. Cette sensation d’Amour de tous, c’est très puissant, c’est enivrant, c’est ce qu’on cherche toutes au fond je crois. J’essaie de mémoriser ce bonheur. Mais bon, je me suis sauvée pour éviter l’interview de fin de match.

*

On en rigole encore, dans le quartier à côté, dans sa maison qui ressemble à une cabane. Rien à voir avec la Tour R.

  • Nola, tu vis vraiment ici ? Je crois qu’il n’y a plus d’eau chaude.
  • Non, je passe tout mon temps au Tennis Club. Surtout que, ici rien ne fonctionne vraiment bien. En ce moment je traîne chez une élève, comment elle s’appelle déjà ? Marie quelque chose.
  • On devrait peut-être se trouver un endroit à nous ?
  • Désolé, j’ai brûlé tous mes droits. Et quand on joue au tennis on est pas vraiment bien reconnue. Et toi ? À l’Ouest, à l’hôpital, tu as dû prospérer.
  • J’ai quelques millions d’unités Nola. Je ne compte plus. Et je peux toujours compter sur Greta et les autres, la communauté quoi. Ou ma famille.

Je crois que j’ai fait une gaffe.

  • Désolée Nola.
  • Non Marielle. Ne le soit pas. Tu le mérites. Merci de m’en faire profiter.

J’inspire et j’expire, je m’approche d’elle et je la prends dans mes bras. Je lui murmure :

  • C’est moi qui profite, de toi. Et tout ce qui est à moi est à toi.

Elle me serre fort. Ça a l’air important pour elle. En regardant autour de moi, je peux comprendre. En fait elle est pauvre et je suis riche. Elle essaie de s’en sortir. Elle se bat. Je la regarde, elle pleure.

  • Nola ? Sérieusement. Ma place est avec toi. Ici si il le faut.

Elle rit. Je pose mon front contre le sien et je ferme les yeux. Elle pleure. J’essuie ses larmes avec mes pouces sur ses petites joues. Et je commence à chanter :

  • Moi je voudrais qu’tu sois ma reine ce soir, même si deux reines c’est pas trop accepté, moi je voudrais qu’tu sois ma reine ce soir, les rois j’m’en fous c’est la coach qui me plaît.

Elle rit à nouveau. Et puis elle prend un air triste :

  • Je veux bien être ta petite pute.
  • C’est la plus belle chose que j’ai entendu de toute ma life !

Et on sourit. Et on se regarde. Et on s’aime. On se salit. On s’excite. On se roule par terre sur les poubelles. Et elle s’arrête, mélancolique :

  • Ça ne marchera jamais.
  • Aucune chance. En attendant, prends tes affaires, on rentre.
  • Nan, j’ai rien ici. En fait je vis dans un super bungalow derrière le club house.
  • Alors on est où là ?
  • C’était chez mes parents, il y a longtemps, avant moi. Je voulais revenir une dernière fois. Ça va être rasé.
  • Ah oui ? Dommage. On aurait été heureuses ici. Tant pis, on fera de notre mieux, ailleurs.
  • Ça va pas te manquer, les garçons, tout ça ?
  • Bah, j’ai eu ma dose. Il faut bien évoluer un jour.

On prend notre navette vers la Tour R.

  • Tu t’inscris au prochain tournoi ?
  • Si je trouve une nouvelle idée, oui.
  • Comme gagner un jeu ou un set ?
  • Ah ouais, ça ferait flipper tout le monde. Mais il faut que je m’améliore. Et que je m’entraîne à supporter la victoire, en chantant...

Mais non, c’est juste pour rigoler parce que je ne veux plus gagner, je veux faire gagner comme je fais gagner l’amour dans le cœur de Nola, même s’il est pour moi, surtout.

Donc oui, j’aime ma nouvelle vie.

*

Un endroit à nous. Aurélie nous a trouvé une maison dans son quartier. Pour pouvoir déconnecter du Tennis Club où le bungalow de Nola est enclavé et de ma Tour R tellement impersonnelle. Adé est passée faire des sacrements pour que notre couple dure dans cette maison du bonheur. Il y a des signes étranges inscrits ici et là.

  • Parce que tu crois que notre relation est éphémère ?
  • Nola, l’Amour n’est pas éternel. Alors que le Sexe…

Et je l’embrasse, et je la porte pour passer le seuil de l’entrée.

  • Nola j’ai une activité autre que le tennis aussi. Je vais discrètement exercer à la Clinique Centrale. Docteure Marie L.

Elle s’affale dans un grand fauteuil confortable.

  • Moi je ne sais rien faire. Je vais tenir cette maison. Garder Pierrick quand Aurélie aura besoin d’aller ailleurs. Elle veut m’apprendre le jardinage. Il y a une serre dans le jardin.
  • On va être heureuses ici.

Je m’agenouille près d’elle, je lui prends la main et j’aspire son annulaire avant de lui mettre une bague à l’insu de son plein gré. Elle regarde. De plus près.

  • C’est une balle de tennis ? Je t’appartiens maintenant, c’est ça ?
  • Sauf sur le court.

Elle me prend la main et regarde mes doigts.

  • Tu en as déjà plein.
  • Alexeï, Augustin.
  • Et la troisième ?
  • Euh…

Elle lâche ma main.

  • Je ne suis pas ta première. Je le sais. Je sais reconnaître quelqu’un d’entraîné ou pas, sur tous les terrains. Raconte la moi.
  • C’est une patiente. C’était. Enfin, je pense que je vais la recroiser à la Clinique. Ça a commencé comme ça, comme un acte médical. Et puis… on s’est revue. Mais elle n’était pas très stable à l’époque. Depuis, elle s’est trouvée quelqu’un. Peut-être que c’était juste une aventure, je ne sais pas. Mais c’est de l’histoire ancienne.
  • Une aventure ? Elle t’a donné une bague. Simple, fine, belle. Comme elle ?

Je me redresse. Je vais devant le grand miroir et je me regarde. Je touche mon corps pour en prendre conscience, je fais glisser mes mains de mes hanches aux cuisses.

  • Mince. Mince ! Je crois que je lui ressemble un peu maintenant.

Nola vient se placer derrière moi, et m’enlace et pose son menton sur mon épaule en me regardant dans le miroir.

  • C’était qui ?
  • Clémence.

Elle me serre plus fort.

  • Tu es passée de la plus belle femme du multivers, de la future Reine à moi ?

Je me retourne, j’ouvre ma main où il y a une bague identique à celle que je lui ai mise.

  • Je veux bien être ta femme maintenant. Et je veux que tu sois la mienne.

Elle prend la bague et me la met à la suite des trois autres. Elle me regarde.

  • Je le veux.

Et on s’embrasse.

*

Je mets un joli nœud papillon aux couleurs arc-en-ciel, l’enfile la blouse blanche, j’ajuste mon badge de médecin, j’inspecte ma coiffure, ma frange, mes longues couettes et je met un rouge à lèvre aussi vif qu’un sang bourré d’oxygène. On va me repérer de loin à la Clinique Centrale. J’ai peut-être un peu trop grandi. Ça ne plaît pas à Nola, elle doit m’escalader pour m’embrasser. Il faut dire qu’il y a de quoi. Blonde à forte poitrine. J’en ai des fou-rires devant la glace. Je mets mes chaussures de tennis et j’ouvre ma blouse pour vérifier que la jupe n’est pas trop courte. Elle l’est. Tant pis. Enola m’inspecte :

  • C’est quoi ce truc autour de ton cou ?
  • Un code. Je suis une ancienne interne des hôpitaux de Paris, en France, sur Terre.
  • Les couleurs ? C’est pour nous. Toi et moi. C’est gentil.

Je lui fais un clin d’œil et je lui montre ma main, il n’y a plus que notre bague. Elle en est bouche bée.

*

Elle est mon officielle, elle m’accompagne partout et je la présente à tout le monde. Et forcément, au bar de l’Opéra qui s’appelle Le Salon et pas The Saloon on tombe sur mon ex qui n’hésite pas à me dire bonjour en m’embrassant sur la bouche devant elle :

  • Clémence, je te présente Nola.
  • Enchantée et félicitations, jolie bague.
  • L’une à côté de l’autre, on a l’air de fusionner.

Nola nous rassure :

  • Mais je reconnaîtrai toujours ma reine.
  • Bien vu, tu ne peux pas te tromper. On n’a pas les mêmes bagues.

Je les laisse discuter, mais pas seules, il s’agit de Clémence, j’ai peur pour Nola.

  • Alors Clémence, c’est pour quand le grand soir ? Je parle du ballet bien-sûr.
  • Dans deux ans au moins. Et toi, Enola, la finale du tournoi c’est pour quand ?
  • On fait la course ? Je pourrais y arriver avant toi tu sais.
  • Je te rappelle que je t’ai battue à la course à Russell.
  • À la course, oui.

Et elle me regarde comme un trophée. Je mets les poings sur les hanches avec un air fâché. Et elles rient. Nola m’explique :

  • Il y avait des tournois sportifs entre écoles. L’Ouest n’avait même pas la décence de nous laisser gagner, nous les dégénérés de l’Est, le symbole d’un passé révolu. On dirait que le temps a inversé les choses.

Aurélie vient nous enlever Nola en la tirant par la main, elle a quelque chose à lui montrer. Je suis à nouveau inquiète. Et seule avec Clémence. On se regarde tendrement.

  • Ne t’inquiète pas Lisa. Marielle. Enola, Nola sait se défendre.
  • Vous avez l’air de bien vous connaître.
  • Seulement en tant qu’adversaires sportives. Comment as-tu réussi à l’approcher ?
  • Je n’ai rien fait. C’est Aurélie qui me l’a donnée. Elle m’a imposé au Tennis Club.
  • Tiens donc. Je suis sûre qu’elles se connaissaient déjà. Aurélie aime beaucoup les petits bonbons acidulés dans son genre.

Je cours donc les surveiller. Où sont-elles ? Je les vois, dans une loge. Aurélie a l’air de lui donner des consignes. Elle lui remet quelque chose, comme une carte. Ça a l’air d’aller, je retourne au Salon où Clémence se prépare un cocktail.

  • Clem, c’est quoi les bonbons acidulés ?
  • Aurélie a souvent recours aux faveurs de jeunes filles coquines. Lisa, laisse la t’en parler en premier.
  • Tu veux dire que Nola…
  • Elle saura mieux t’expliquer que moi. Elle le fera. Tout à l’heure.
  • Comment tu le sais ?
  • La bague. Ta bague. Elle te doit la vérité. Sa conversation avec Aurélie en ce moment même va la décider. J’ai des super pouvoirs Lisa, je suis connectée à l’Invisible.

Elle me tend le cocktail. Elle me sourit. Pose sa main sur la mienne. Je me sens fatiguée.

  • Clémence, arrête.
  • Ça va aller.
  • Stop.

Nola revient, tout sourire, elle m’invite à part. Je prends le cocktail, j’en aurai peut-être besoin. On s’installe à une table où il y a des banquettes confortables. J’inspire un grand coup.

  • Marielle. J’avais un contrat avec Aurélie. Elle vient de le rompre. Mon contrat c’était de m’occuper de toi. Elle m’a demandé à moi parce que je lui offrais mes services avant, à elle et à d’autres, filles. Tout ceci c’est fini parce que tu m’a offert cette bague et que je ne l’ai pas refusée. Ceci rend caduque le contrat.

Je prends le temps de tout intégrer. Je regarde ensuite Nola droit dans les yeux. Je regarde ses mains. J’ai envie de les prendre. Parce que je l’aime. Alors je les prends :

  • Nola, j’ai deux questions.
  • Oui ?
  • Depuis qu’on est ensemble, est-ce que j’ai eu l’exclusivité de tes services ?
  • Oui.

Je souris. Je suis heureuse.

  • Avant de te poser la deuxième question, je veux te préciser que je t’aime telle que tu es, je suis prête à tout accepter parce que tu me rends heureuse à un point inégalé dans mon cœur, alors au lieu de te demander si tu m’aimes je préfère le faire d’une autre façon : est-ce que tu veux bien continuer à être ma petite pute ?
  • Je le veux, en contrat illimité et exclusif.
  • Pas de contrat entre nous Nola. Je te ne veux pas non plus t’enfermer dans une relation. Je veux que tu t’épanouisses aussi. Je veux ton bonheur. Ton bonheur est mon bonheur. Tu ne m’appartiens pas. Notre bague, c’est juste une expression d’Amour. J’aurais dû enlever les autres il y a longtemps. Par cette je m’engage à t’aimer, à te chérir, à subvenir à tes besoins, tous tes besoins.
  • C’est tout ? Marielle, je ne vais pas être aussi douée que toi pour les déclarations. Au contraire j’attends autre chose de toi, en plus de tout ce que tu m’offres bien-sûr. Je voudrais juste … que tu arrêtes de grandir.
  • D’accord.
  • Merci.
  • Comme c’est romantique !

Et on se met à rire. Et on se fait plein de bisous.

  • On est vraiment ensemble maintenant.
  • Vraiment. En fait j’ai une troisième question. Je t’ai aperçu avec Aurélie dans la loge. Elle t’a donné quelque chose. C’est quoi.
  • Je voulais te laisser en dehors de ça parce que c’est personnel mais comme tu es ma femme maintenant je peux te le dire. C’est au sujet de mon frère. Si son gourou n’est pas éliminé par la justice, on est un certain nombre à pouvoir voter anonymement pour le faire liquider ou non. Regarde. C’est un petit boîtier avec un bouton rouge et un bouton vert. Quand il s’allumeront, on devra en éteindre un. Je ne peux pas te dire lequel correspond à quelle action. Mais juste au cas où, si je ne le peux pas, appuie sur le rouge.
  • Et tu dis que tu n’es pas douée en déclaration ? Celle-là je ne risque pas de l’oublier.

Et on sourit, on se regarde, on s’admire, on s’aime. C’est là que Clémence débarque avec deux autres cocktails :

  • Les filles je vous invite au bal de la future Reine. Il n’y aura aucun garçon. Et toutes mes ex sont conviées, donc…

On trinque.

*

Il y a même le drapeau arc-en-ciel avec un énorme L dessus. Clémence fait le discours d’ouverture :

  • Nous sommes l’avenir de la civilisation. Sans avoir vraiment besoin des garçons. Mais on me dit que l’un d’entre eux s’est glissé dans la salle. Aurélie, tu peux rester. Non, oui, Aurélie est une fille je sais, on est même beaucoup dans la salle à le savoir de près, on a vérifié, mais c’est juste que c’est son bébé le garçon, Pierrick, et elle l’emmène partout et on, je, même la Reine future que je suis ne peut rien lui refuser, à Aurélie, pas à Pierrick, pas encore, de toutes façon il sera très occupé plus tard avec Greta. Oui, non ? Pas tout à fait avec Greta, plutôt avec son bébé, qui est là aussi, dans son ventre, et c’est une fille. Merci Greta pour ta future fille, Mona-Lisa qui sa s’occuper de Pierrick et qui nous laissera tranquille, Pierrick. Oui je l’entends, il pleure déjà alors qu’il n’est pas encore le gendre de Dieu. Voilà, voilà, puni le garçon au bal de la future qui lit dans le futur. C’est la règle. Avis aux prochains. Bref. Bien-sûr je plaisante, vous en faites des têtes. Allez viens Pierrick, arrête de pleurer. Aurélie, emmène le moi sur scène.

Aurélie monte, on applaudit, elle met Pierrick dans les bras de Clémence et il arrête de pleurer. Tout le monde applaudit de plus belle.

  • J’espère que ce n’est pas lui que vous applaudissez. C’était pas vraiment le thème de la soirée. Mais bon, il est mignon, non ? Il me regarde avec ses grands yeux, il me sourit, Aurélie, viens vite le récupérer je crois qu’il se passe quelque chose. Quoi ? Sa couche ? Oui ça doit être ça.

Et tout le monde rit dans la salle.

  • En fait j’avais préparé un discours mais bon, un garçon s’est glissé dans la salle et voilà, catastrophe. Mais ne vous en faites pas. On a le temps. On a l’éternité. Quoi que, Mère supérieure Adélaïde me dit qu’on est déjà à la page 272. Du tome 2. Le tome 1 fait 563 pages, on a de la marge surtout qu’il y aura un tome 3. Au début, la B4 ne devait faire que 1286 pages mais je crois qu’on va dépasser. Mais bon, on n’est pas à un spectacle de magie alors on en revient au fait, présent. À la question, est ce que Dieu existe, Greta a répondu. L’exode des jeunes générations sur les îles je crois que c’est mort. Désolé pour le mauvais jeu de mot. Il nous reste la conversion des terriennes. Grande aventure, ou pas, elles nous raconteront. Voilà, l’ordre du jour, du soir, c’est fait. On refera le point dans un an pour voir où on en est. Ce sera le bal de la Princesse pour les reines. Oui parce que Frances, ici présente n’aime pas trop le terme de future Reine. Ça fait trop abdication, voire plus, alors on va en rester à Princesse. Et je ne suis plus une reine du coup avec Spencer mais bon. L’une n’empêche pas l’autre. Avis aux copines, proches. Sur ce, bonne soirée, je vous aime, toutes.

Et on passe une bonne soirée, et tout le monde parle de ses préoccupations comme à n’importe quel événementiel où c’est l’occasion d’ échanger, créer des liens, en toute simplicité. Pas de remise de prix, pas de groupe de réflexion, pas de discours inutile et interminable, pas d’exposé, juste une pause pour se rencontrer. Je ne quitte pas ma Nola, je navigue dans un anonymat réconfortant où je peux et on peut me parler librement, sans barrière.

*

Je ne travaille à la clinique que quelques heures ici et là par semaine. Mes qualifications ne sont pas toutes validées et j’en prépare d’autres. Je ne perds pas mon temps à diriger, former ou administrer, c’est parfait. Moins je serai prise au sérieux, mieux ce sera. Mais les autres jeunes médecins ne sont pas dupes et il viennent souvent me demander mon avis en salle de pause ou entre deux portes dans un couloir. Les senior ne voient pas ça d’un bon œil. Avant de rentrer je passe par le Muséum admirer les œuvres d’art. Et à la maison Nola s’occupe souvent de Pierrick.

  • Marielle, tu crois qu’on en aura un, un jour ?
  • Ou une pourquoi pas ? La technologie existe, surtout pour les locales. On verra ça après la conversion.

Elle me saute dans les bras.

  • Pourquoi tu me rends si heureuse ? Pourquoi moi ? Je ne suis personne.
  • Si Nola, tu es quelqu’une, ma quelqu’une, et tu le seras de plus en plus. Ma petite pute. Ma mère porteuse.

Elle me regarde avec le visage illuminé de bonheur. Ah ces jeunes… Il ne leur en faut pas beaucoup. Et à moi elle me suffit. Et pour mon nouveau moi elle est parfaite. Et j’aime mon nouveau moi. Et je l’aime ma Nola. J’enfile un harnais, je mets Pierrick dedans, je prends Nola par la main et on va se promener au Parc Central, en amoureuses, avec un bébé sur ma poitrine. On monte au centre du Kiosque et je teste l’acoustique en chantant « God save the Queen » sous l’admiration et les rires de Nola. En rentrant il y a un couple qui attend devant notre maison. Je crois reconnaître le garçon, pas lui.

  • Lambert ?

Il se retourne et nous découvre main dans la main.

  • Madame ?

Je me tourne vers sa dame :

  • Bonjour Tina. Je vous présente Enola et le bébé c’est Pierrick, le fils d’Aurélie.

Je lâche la main de Nola. Je me sens un peu honteuse. Il ne me reconnaît pas. Mais Tinaïg, si. Elle brise la glace :

  • Enchantée Enola, bonjour Lisa, tu as bien changée. Qu’est ce que tu es belle !
  • Merci, c’est Marielle maintenant.
  • Maman, pourquoi tu fais ça ?
  • Je me prépare, à la conversion. Et j’avais besoin de faire une pause, d’être quelqu’un d’autre. Ici, à Sylvania, c’est le lieu idéal, c’est notre ville B à nous les anciens, on se reconstruit, on se construit.

Je rends le bébé à Nola et je m’approche de lui pour lui faire la bise, et à Tinaïg aussi. On les invite à entrer. Ils découvrent une maison modeste, chaleureuse, pleine de vie. On leur raconte notre histoire dans la bonne humeur, en riant. C’est sûr que Lambert a du mal à me reconnaître. Il est très troublé. On se détend. On fait une sorte de brunch. Quand je range en cuisine, les filles jouent avec Pierrick et Lambert vient me voir. Il intègre, il accepte :

  • Maman, tu es merveilleuse. Tu as l’air tellement heureuse. Et tu es tellement belle.
  • Merci mon chéri.

Et je m’approche de lui pour l’embrasser sur la joue. Il rougit.

  • Je suis vraiment content que tu ailles bien, on était inquiets.
  • Et toi, ça va ? Tina a l’air heureuse aussi, comme toujours. Et les enfants ?
  • Tout va bien. Ils font leur vie. Avers leurs enfants aussi. On a eu un peu peur avec ces histoire d’îles mais maintenant c’est fini.

Je le prends dans mes bras.

  • Mon bébé je suis fière de toi.
  • Maman je suis fier de toi aussi.

J’en ai les larmes aux yeux, de recevoir tout cet Amour, d’être acceptée, par les miens.

On les regarde repartir et Nola met sa main dans la mienne. Tinaïg se retourne pour nous faire coucou.

  • Marielle, moi aussi je suis fière de toi, l’ancienne. Tu sais que je suis plus jeune que leurs enfants ?
  • J’aime la jeunesse. J’aime la beauté. Tout le monde te trouve jolie, moi je te trouve belle. Pas seulement en apparence. Ça glisse sur toi, en toi, ta manière d’être, tes ambitions modestes et honorables, ta confiance en ton instinct, la façon dont tu me regardes, j’ai l’impression que tu es la seule à me voir vraiment. Au début j’ai cru que c’était juste ton œil aiguisé de coach. Mais tu as ça en toi. Et tu ne juges pas. Tu acceptes. Tu aimes. Tu n’es pas ordinaire, Nola, tu es extraordinaire, naturellement, sans t’en rendre compte, sans le montrer et en le masquant derrière une attitude provocatrice et des mots osés. Et je ne suis pas la seule à le voir. Regarde Tinaïg au loin elle te voit aussi. Et Aurélie qui te le montre en te confiant son enfant. Et…

Elle m’embrasse avec Pierrick dans ses bras. Et on rentre, en silence. J’attends une de ses phrases pour dédramatiser tout ça mais rien ne vient. La porte se ferme derrière nous, elle met ses mains sur les oreilles de Pierrick et elle dit :

  • Marielle, j’ai envie de te bouffer le cul.
  • Tu m’étonnes, tu as vu comme il est beau maintenant ? Vivement ce soir.

Mais dès qu’Aurélie passe récupérer son bébé, elle met ses menaces à exécution et prend un immense plaisir à jouer les esclaves sexuelles de mon plaisir sans limites pour elle. J’ai l’impression qu’on est plus qu’un couple. Ma partenaire, ma compagne, ma petite pute, ma femme ? Et bientôt j’espère ma mère porteuse.

*

  • Greta ? Je ne t’ai jamais demandé. Et tu as sans doute la réponse. Comment se fait-il que, dans l’éternité de notre immortalité, pourquoi sommes-nous toutes si imprégnées par ce désir de maternité, en particulier avec l’être aimé ?
  • C’est vrai que, de prime abord, ce n’est pas très logique. Mais l’Amour ne l’est pas non plus. Et le vœu de le concrétiser en donnant la vie éternelle est plus fort que tout, plus fort que moi, plus fort que Dieu. Jusqu’à ce que les antennes en décident autrement, quand on sera trop nombreux, qu’on deviendra stériles et que les Chevaliers de l’Apocalypse feront la loi, la loi du droit de disparaître et de laisser place.
  • Jésus, Marie, Thunberg.
  • Oui. Et en attendant, donne tout, tout l’Amour, toute la vie éternelle que tu veux, que tu peux et quelque chose me dit que tu as trouvé la bonne personne. Mais qui est-elle vraiment ? Parle moi d’elle.
  • Elle n’est personne justement. Elle est juste une pauvre petite locale sans destin. On a tellement l’habitude de croiser des personnes extraordinaires que c’est devenu la norme pour nous. Et une fille comme elle m’apparaît d’un coup comme une perle, pure, simple, la beauté de la simplicité, et tout ceci me paraît exceptionnel, cette beauté qui a envahit mon corps, mon esprit, mon âme et mon cœur, cette beauté qui fait que j’aime Enola d’une façon inconditionnelle avec la sensation que c’est plus fort que moi et que je ne dois pas résister, juste succomber.
  • Amen. Tu vas être heureuse Lisa. Vraiment être heureuse. Et ta Nola aussi. J’ai l’impression que de nous toutes tu es la première à réussir. Au delà de toutes les souffrances, rien ne t’a abîmé, tu as juste su reconnaître la pureté de l’amour, avec ton cœur, aucune intelligence ne peut faire ça. Tout d’un coup ta démarche de changer ton corps, ton projet de conversion, tout ça apparaît moins fou, plus censé. Je te voyais comme perdue mais c’est nous toutes qui le sommes. Et j’en ai la preuve. Depuis que j’ai fait évoluer mon corps je me sens tellement mieux aussi. Et quand je fais le bilan, je constate qu’à la source de tout ça, il y a toujours la même, Aurélie. Elle a montré la voix avec sa grossesse presque à terme, ça m’a obligé à changer, il y a eu ensuite cette histoire de conversion et ton volontariat à être la première, cette attitude, ce savoir-être qui t’a amené dans l’espace alors même que tu étais malheureuse et déprimée. Tu as cette force en toi Lisa.
  • Et comme les plus grandes choses, ça se fait en équipe, grâce à toi, grâce à Aurélie.
  • Et grâce à Nola maintenant. Il n’y a que des maillons forts. Elle en est un.

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